La ville ukrainienne de Pokrovsk est sur le point de tomber
«Nous ne pouvons plus arrêter les Russes»

La ville de Pokrovsk, dans la région ukrainienne du Donbass, devrait tomber aux mains des Russes. Le scénario semble inévitable. Pourtant, ce ne serait pas la «victoire décisive» que Poutine souhaite mettre en avant.
Publié: 16:45 heures
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Selon le soldat ukrainien à Pokrovsk, l'ennemi pourrait se cacher partout.
Photo: Screenshot Telegram
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Marco Lüssi

Les récits se contredisent: le chef du Kremlin affirmait déjà la semaine dernière que les troupes ennemies près de Pokrovsk, dans le Donbass, étaient encerclées. L’Ukraine a par la suite démenti ces faits. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le commandant en chef de l’armée, Oleksandre Syrsky, se sont rendus sur la ligne de front, devant les caméras. Leur message: la situation est certes difficile, mais toujours sous contrôle.

Si la ville minière, où vivaient 60'000 personnes avant l’invasion russe, venait à tomber, ce serait pour Poutine le plus grand succès de propagande depuis la prise de Bakhmout en mai 2023 et lui offrirait un fort impact symbolique et médiatique. Le chef du Kremlin avait depuis longtemps fixé la conquête de Pokrovsk comme un objectif. Dès l’été dernier, la rumeur circulait que la chute de la ville était imminente. Mais l’Ukraine a réussi à stabiliser la situation.

Le chaos règne dans la ville

Mais cette fois, la situation paraît bien plus critique. Même les médias ukrainiens en conviennent. Il y aurait désormais des soldats russes dans presque toute la ville, rapporte une journaliste du site d’information Hromadske, qui s’est entretenue sur place avec des officiers ukrainiens. C’est le chaos. Plus personne ne sait où se trouve l’ennemi et où sont les siens. La situation est si dangereuse que les pilotes de drones ne peuvent plus opérer depuis la ville.

Conséquence: il n’est plus possible, comme auparavant, d’éliminer les soldats russes avant qu’ils ne pénètrent dans la ville. A présent, les combats font rage dans la rue. Zelensky a reconnu que plus de 300 soldats russes se trouvaient déjà à Pokrovsk. Et en Ukraine, le même débat refait surface qu’avant la chute de Bakhmout: les troupes doivent-elles se retirer? Doivent-elles continuer à résister? Une retraite est-elle encore possible, ou a-t-on déjà attendu trop longtemps? L’Ukraine doit-elle sacrifier du territoire ou des vies?

«Nous avons fait du bon travail à Pokrovsk»

Le soldat ukrainien et pilote de drone Dimko Zhluktenko se trouve à une trentaine de kilomètres de Pokrovsk, près de Dobropillia, où ses compatriotes sont passés avec succès à la contre-offensive. Il ne se fait pas d'illusions: «Nous avons atteint nos limites dans la défense de Pokrovsk», dit-il à Blick. C'est purement mathématique: avec ses attaques, l'armée russe a pu juger le nombre d'hommes nécessaires pour submerger les défenses ukrainiennes. 

«Les Russes jettent désormais tant de forces dans la bataille à Pokrovsk que nous ne pouvons plus les arrêter». Dimko Zhluktenko prend le fait que Pokrovsk devrait bientôt tomber avec une relative sérénité. Les retraites et les défaites font désormais partie de la guerre. «Notre objectif est de tuer le plus grand nombre possible de soldats russes. C'est ce que nous avons fait – pendant plus d'un an. Nous avons fait du bon travail à Pokrovsk».

Pas de «victoire décisive»

La perte de la ville n’aurait pas d’importance stratégique. «A l’ouest de Pokrovsk, nous avons mis en place de bonnes lignes de défense.» Et de toute façon, tant que Kiev, Dnipro et Odessa ne seront pas conquises, l’Ukraine indépendante continuera d’exister.

L’ultranationaliste russe Igor Girkin, qui avait déclenché la guerre dans le Donbass en 2014, est derrière les barreaux depuis deux ans parce qu’il a critiqué Poutine à plusieurs reprises – non pas pour avoir lancé l’invasion de l’Ukraine, mais pour ne pas en avoir obtenu assez de succès. Depuis sa cellule, Girkin fait savoir que le succès tactique à Pokrovsk sera sans doute présenté par le pouvoir comme une «victoire décisive».

Mais c'est mensonger, au fond rien ne changera, même si l'armée russe avance encore de 50 ou 100 kilomètres: «Cela ne conduira pas à l'effondrement définitif du front des forces armées ukrainiennes.» Le Britannique Shaun Pinner, ex-soldat ukrainien et ancien prisonnier de guerre des Russes, analyse ainsi la bataille: «Pokrovsk est un endroit où la Russie a le sentiment de devoir gagner, et où l'armée ukrainienne fait payer cher à l'adversaire le fait d'essayer.»

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