Moscou en perte de vitesse
La guerre en Iran donne des sueurs froides à Poutine

Les attaques d'Israël ont placé Poutine dans une situation délicate, car il ne peut pas soutenir militairement l'Iran sans mettre en danger ses propres intérêts. Si la Russie pourrait en tirer profit à court terme, elle risque de subir de lourdes pertes à long terme.
Publié: 21.06.2025 à 21:19 heures
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La guerre entre Israël et l'Iran menace le président russe Vladimir Poutine d'une perte d'influence au Proche-Orient.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Jung

Si l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême et chef religieux de l'Iran, venait à être tué, alors la Russie pourrait se mettre sérieusement en colère. C'est du moins ce qu'a déclaré vendredi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov à «Sky News». Selon le porte-parole, la mort de Khamenei «ouvrirait la boîte de Pandore». Sans dire comment la Russie réagirait concrètement en cas d'attentat contre Khamenei, il a précisé que sa mort déclencherait «une réaction en Iran». Or, la Russie ne souhaite en aucun cas un changement de régime politique en Iran. 

En effet, le régime iranien est le principal partenaire de Moscou au Proche-Orient. Même si la Russie profite de l'augmentation du prix du pétrole causé par le conflit entre Israël et l'Iran, cette guerre est très risquée pour le président Vladimir Poutine.

Vendredi, lors du forum économique international de Saint-Pétersbourg, Poutine a déclaré qu'il suivait avec inquiétude la situation au Proche-Orient.

Une déclaration surprenante, puisque la hausse du prix du pétrole aide le maître du Kremlin à financer sa coûteuse guerre en Ukraine. D'ailleurs, si Téhéran décidait de bloquer le détroit d'Ormuz, le prix du pétrole pourrait encore grimper. Mais si Khamenei tombait, Poutine pourrait perdre beaucoup d'influence.

Une coopération étroite avec l'Iran

Ces dernières années, Moscou et Téhéran se sont beaucoup rapprochés. Au début de la guerre en Ukraine, la Russie a largement profité de la production iranienne de drones de combat. Par la suite, l'Iran a aidé à développer la production de drones russes, et fournit des missiles à Moscou. Mais cette étroite coopération semble remise en question. 

L'année dernière, la Russie est devenue le plus grand investisseur étranger en Iran, notamment avec des projets dans le domaine du gaz. Les deux pays se sont rapprochés, car tous deux sont soumis à des sanctions internationales, mais l'avenir de ces investissements est à présent incertain.

Des experts nucléaires russes dans le Golfe

La Russie soutient l'Iran dans le domaine de l'énergie nucléaire. Jeudi dernier, Poutine a indiqué que plus de 200 experts russes resteraient dans la seule centrale nucléaire iranienne, à Bushehr. Israël avait donné une garantie de sécurité mais des attaques ont été signalées vendredi sur une base aérienne à proximité.

La Russie a toujours refusé une éventuelle bombe nucléaire iranienne et même proposé de prendre en charge l'uranium de l'Iran. En janvier, la Russie et l'Iran ont convenu d'un «partenariat stratégique». Mais les récents événements ont clairement montré qu'il n'existe aucune alliance militaire, aucune clause d'assistance entre les deux pays.

Défaite en Syrie

En revanche, la Russie a clairement pris position en Syrie en 2015. Les avions de combat russes ont été décisifs pour maintenir le dictateur Bachar el-Assad au pouvoir et l'effondrement du régime syrien en décembre a été une lourde défaite pour Poutine.

En effet, le nouveau gouvernement syrien dirigé par Ahmad al-Sharaa s'est tourné vers les pays du Golfe, la Turquie et l'Occident. Les Etats-Unis et l'UE ont levé leurs sanctions. L'avenir des deux bases militaires russes en Syrie est donc incertain, ainsi que la prétention russe au pouvoir au Proche-Orient.

Israël peut faire ce que la Russie ne peut pas faire

Sur le plan militaire, Poutine a des limites. L'armée de l'air d'Israël, un Etat beaucoup plus petit, a réussi en une semaine en Iran ce que Moscou n'a jamais réussi à faire en Ukraine, à savoir contrôler l'espace aérien. De quoi souligner les faiblesses de l'armée russe et nuire à la réputation de Moscou en tant que puissance militaire.

Si la guerre au Proche-Orient devait se prolonger, les Etats-Unis pourraient approvisionner plutôt leur partenaire Israël et l'Ukraine passerait ainsi au second plan en matière de défense aérienne. L'affaiblissement du partenaire iranien devrait réduire les options du Kremlin. Les inquiétudes de Poutine sont compréhensibles, car c'est aussi son propre pouvoir qui est en jeu.

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