Elle cherche à renforcer son pouvoir
Avec sa réforme controversée, Giorgia Meloni deviendra-t-elle une Trump à l'Européenne?

Après trois ans de mandat, la Première ministre italienne Giorgia Meloni peut se targuer d'un bilan positif. Elle souhaite désormais lancer une réforme pour renforcer son pouvoir. Les critiques alertent contre une cheffe de gouvernement autoritaire et incontrôlable.
Publié: 26.10.2025 à 15:45 heures
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Le président américain Donald Trump a accueilli Giorgia Meloni à la Maison Blanche en avril 2025.
Photo: keystone-sda.ch
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Guido Felder

Lorsque Giorgia Meloni, 48 ans, est devenue la Première ministre de l'Italie en 2022, personne – ou presque – ne misait sur un tel succès. Comment la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d'Italia pouvait-elle remettre sur les rails un pays considéré comme ingouvernable, après la pandémie de Covid-19?

Trois ans plus tard, il s'avère qu'elle a plutôt réussi sa mission. La confidente de Donald Trump veut désormais consolider son pouvoir et l'étendre pour arriver à ses fins. Certes, la croissance économique italienne continue de stagner et la dette publique a encore augmenté, mais Giorgia Meloni a réduit plus de la moitié du déficit public en deux ans. Aucun autre pays voisin de la Suisse – à l'exception du Liechtenstein – n'est actuellement aussi stable que l'Italie. C'est inhabituel pour un pays où la durée de vie moyenne d'un gouvernement est d'à peine 14 mois.

La politicienne a l'avantage de se montrer pragmatique dans certains domaines. Contrairement à ses collègues d'extrême droite de l'AfD en Allemagne et du FPÖ en Autriche, Meloni s'est profilée comme un gros soutien de l'Ukraine et donne son appui à l'Union européenne (UE). Mais rien de totalement désintéressé: il faut rappeler que l'Italie a bénéficié d'une aide européenne d'un montant total de 194 milliards d'euros après le Covid-19. 

Une proche de Trump

Depuis la réélection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, elle bénéficie également d'un soutien sur la scène internationale. L'Américain ne manque pas de louer les mérites de la «belle jeune femme», comme il l'appelle. 

Une admiration qui semble réciproque. La preuve: Meloni a fait écrire la préface de son livre «Je suis Giorgia» par le fils de Donald Trump, qui la compare à son père: «Très peu de personnes dans la politique actuelle peuvent honnêtement affirmer que leur élection a entraîné un changement radical dans leur pays. Giorgia Meloni est l'une d'entre elles, comme mon père en Amérique.»

Une réforme controversée de Meloni

Et à l'image de Trump, Meloni veut, elle aussi, étendre son pouvoir. Elle a lancé l'année dernière une réforme qui vise à donner une plus grande marge de manœuvre au chef du gouvernement – elle-même donc. L'objectif derrière est que le chef du gouvernement ne soit plus élu par le Parlement, mais directement par le peuple. Comme aux Etats-Unis. 

Avec ce système, Meloni serait moins dépendante des coalitions et des jeux de pouvoir internes aux partis. Un Premier ministre élu par le peuple pourrait aussi plus facilement discipliner ou remplacer des partenaires de coalition. En d'autres termes: plus de pouvoir pour Meloni, et moins de pouvoir pour le Parlement ainsi que le président de la République.

Grâce à une élection directe, cette figure de l'extrême droite ne s'assurerait pas seulement un mandat complet de cinq ans. Mais elle pourrait aussi faire passer plus aisément ses projets tels qu'une politique d'asile dure, des baisses d'impôts, le retour aux valeurs familiales traditionnelles et une plus grande indépendance vis-à-vis de Bruxelles. Sur ces thèmes, elle est aujourd'hui partiellement freinée par ses partenaires de coalition, Forza Italia et Lega.

La crainte d'un gouvernement autoritaire

Ses opposants politiques, comme le Parti démocrate (PD) et le Mouvement 5 étoiles, mettent en garde contre le risque de voir le système basculer vers un Premier ministre autoritaire et incontrôlable. D'autant plus lorsqu'une populiste et partisane de Trump comme Meloni est aux commandes. La réforme pourrait aussi entraîner une situation où la visibilité médiatique et le show politique l'emporte sur les programmes et le fond. «Cela devient un risque pour la démocratie», estime de son côté la cheffe du PD, Elly Schlein. 

Meloni justifie toutefois réforme par la stabilité qu'elle offrirait au gouvernement. Elle y voit un contrepoids aux «minorités négociées en coulisses». «Le peuple doit décider qui gouvernera pendant cinq ans», a-t-elle déclaré. La Première ministre avait déjà commencé à renforcer son pouvoir en 2024, lorsque le Sénat a adopté le projet de loi en première lecture. D'autres votes parlementaires sont toutefois nécessaires; s'ils n'atteignent pas une majorité des deux tiers, un référendum risque de se profiler au printemps 2026.

Une montée ou une chute

Meloni doit veiller à ce que sa réforme ne se retourne pas contre elle. Cette concentration du pouvoir pourrait rendre Bruxelles méfiante et entraîner des sanctions en cas d'abus de pouvoir. De plus, en cas de référendum, elle pourrait connaître la même situation que Matteo Renzi. En 2016, alors Premier ministre de l'époque, il avait dû démissionner après avoir échoué avec sa réforme constitutionnelle. 

En d'autres termes, en renforçant son pouvoir, Meloni s'engage sur une pente glissante. Si elle gagne, elle deviendrait probablement la femme la plus influente d'Europe. Mais si elle perd, la chute risque d'être brutale.

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