Reçue à la Maison Blanche
«Giorgia Meloni n'a pas envie de baiser les fesses de Trump»

La présidente du Conseil italien est reçue ce 17 avril par Donald Trump à la Maison Blanche. L'occasion d'apparaitre comme l'interlocutrice européenne favorite des Etats-Unis. Mais à quel prix? Et pour obtenir quoi?
Publié: 17.04.2025 à 14:07 heures
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La Première ministre italienne rencontre Donald Trump à Washington ce 17 avril.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Giorgia Meloni va-t-elle plaider la cause de l’Union européenne et de l’Ukraine à la Maison Blanche, où Donald Trump la reçoit ce 17 avril? Une chose est sûre: la capacité de la présidente du Conseil italien à faire changer d’avis le président des Etats-Unis va être mise à rude épreuve.

En pleine guerre commerciale transatlantique, et alors que le Secrétaire d’Etat américain Marco Rubio fait escale à Paris en compagnie de l’émissaire Steve Witkoff, que peut obtenir Meloni? Les réponses d’un journaliste qui la connaît bien: Richard Heuzé, ancien correspondant du Figaro à Rome et auteur d’une biographie de l’autre figure de l’extrême droite italienne, Matteo Salvini: «L’homme qui fait peur à l’Europe» (Ed. Plon).

Richard Heuzé, la visite de Giorgia Meloni à la Maison Blanche peut rapporter gros à l’intéressée, et à l’Italie?
Giorgia Meloni n’arrive pas dans le bureau ovale dans une position facile. Elle reste auréolée, chez les trumpistes, de sa présence à l’inauguration du nouveau président des Etats-Unis le 20 janvier. Elle était alors la seule dirigeante européenne présente. Le problème, c’est qu’elle avait promis d’y retourner pour négocier et servir de pont entre les deux rives de l’Atlantique. Or aujourd’hui, l’on voit mal comment elle peut y parvenir. La brutalité de l’assaut commercial de Trump l’a désarçonnée. Son interlocuteur a affirmé que tous ceux qui veulent négocier sont prêts à lui «embrasser le c…». Giorgia n’a donc pas trop envie de se retrouver dans la position de celle qui baise les fesses de Trump.

Meloni peut parler au nom des Européens?
Elle a été très critiquée, notamment par Emmanuel Macron. Mais elle a mis de l’eau dans son vin. Elle a échangé à plusieurs reprises au téléphone avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, persona non grata à Washington. Va-t-elle par exemple convaincre Trump de la recevoir? En somme, son grand problème, c’est de ne pas revenir les mains vides. Elle doit obtenir quelque chose pour prouver qu’elle a l’oreille de Trump. Son idée de départ, c’était de plaider pour le «zéro tarifs» des deux côtés de l’Atlantique. Mais Trump n’en veut pas. Il lui reste les gestes personnels. Les marques d’amitié. Le vice-président J.D. Vance, très catholique, sera ce vendredi à Rome où il espère rencontrer le pape François. Giorgia Meloni le recevra au palais Chigi.

Meloni tient bon sur le soutien à l’Ukraine au moment où les Etats-Unis sont pressés de lâcher Zelensky…
C’est sa force vis-à-vis de ses partenaires européens. Elle a beau être nationaliste, elle n’a pas changé d’avis sur le soutien à l’Ukraine. C’est une preuve de courage. Un nouveau plan d’aide à Kiev vient même d’être voté par l’Italie. On peut faire confiance à Meloni pour ne pas suivre Trump dans son délire anti-ukrainien. Il n’y a pas de courant pro-russe en Italie. La gauche pacifiste demande la fin de la guerre, mais le vent pro-Poutine ne souffle pas. Giorgia Meloni a en revanche été claire sur le possible envoi d’un contingent européen en Ukraine, pour servir de force de «réassurance». L’Italie n’y participera pas. C’est non.

Sa ligne politique, c’est «Make Italy Great Again» ?
Meloni est une nationaliste. C’est aussi une pragmatique. Elle ne croit pas, en ce qui concerne l’Ukraine, à l’efficacité d’une force européenne d’appui. Elle veut des garanties solides pour une paix durable, point. Il y a un autre sujet, sur la défense, qui peut resurgir dans les prochaines heures: celui de la participation italienne au programme Starlink de satellites d’Elon Musk. La Première ministre italienne a battu en retraite après des pourparlers initiaux, devant la levée de boucliers des Européens. Mais Musk insiste beaucoup. Et elle y croit. Elle n’aime pas du tout Macron. Elle déteste la bureaucratie bruxelloise. Sur ce sujet, ça pourrait basculer.

Donc Meloni-Trump, la romance continue?
Elle vient de l’affirmer dans une longue interview au «Financial Times»: elle ne veut pas avoir à choisir entre les Etats-Unis et l’Europe. C’est «enfantin» et «superficiel» selon elle. Meloni défend Donald Trump avec lequel elle estime qu’il faut négocier. Elle comprend sa volonté de protéger le marché américain. Elle sait aussi que sa relation directe avec Trump la protège, en quelque sorte, des attaques de son vice-président d’extrême droite Matteo Salvini. Elle est patriote et souverainiste. Toute reconnaissance obtenue à Washington lui sera utile. Mais elle n’a sans doute plus d’espoir d’en ramener des tarifs douaniers préférentiels pour l’Italie. C’est impossible à ce stade.

Reconnaissance, sous quelle forme?
L’opinion publique italienne et très pro-américaine. Pas pro-Trump, mais bien intentionnée envers les Etats-Unis. Voir Meloni à Washington, dans le bureau ovale, ce sera un motif de fierté. Et puis il y a le sujet des migrants et des retours forcés. Giorgia Meloni veut aller de l’avant avec son plan d’utiliser les centres en Albanie comme des plateformes de retours des migrants expulsés vers les pays d’origine. Elle va poursuivre sur cette voie. L’Union européenne vient de reconnaître l’Albanie, la Tunisie et le Maroc comme des pays sûrs pour les migrants rapatriés. C’est essentiel pour elle.

A lire: «Matteo Salvini, l’homme qui fait peur à l’Europe» de Richard Heuzé (Ed. Plon)

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