Soupçons d'ingérence
Le Danemark durcit le ton contre Washington

Le Danemark convoque le chargé d'affaires américain suite à des allégations d'ingérence au Groenland. Selon un reportage, des personnes liées à Trump mèneraient des opérations d'influence sur l'île.
Publié: 13:19 heures
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Dernière mise à jour: 13:37 heures
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Le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Løkke Rasmussen
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Le Danemark convoque mercredi le chargé d'affaires américain après un reportage de la télévision danoise révélant des tentatives d'ingérence au Groenland, convoité par Donald Trump, un nouvel épisode de tensions entre les deux pays.

Au moins trois Américains, liés au président Trump, mènent des opérations d'influence au Groenland, affirme DR. Ils auraient notamment pour mission d'identifier les personnes favorables à un rapprochement avec les États-Unis mais aussi celles qui y sont farouchement opposées.

«Toute tentative d'ingérence dans les affaires internes du Royaume sera bien sûr inacceptable», a réagi le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Løkke Rasmussen, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Une réunion «préventive»

«J'ai demandé au ministère des Affaires étrangères de convoquer le chargé d'affaires américain pour une réunion au ministère», a-t-il ajouté. Cette réunion, qualifiée de «préventive», doit avoir lieu plus tard dans la journée, a précisé le ministre à la télévision publique DR.

«Je pense qu'il est vraiment bien de renforcer la résilience aussi bien au Groenland qu'au Danemark, pour savoir à quoi il nous faut potentiellement faire face», a-t-il dit, en marge d'un déplacement dans le nord-ouest du pays.

Déjà en mai, le Wall Street Journal avait rapporté que les agences de renseignement américaines avaient reçu l'ordre de recueillir des informations sur le mouvement pour l'indépendance du Groenland et les opinions sur une possible exploitation américaine des ressources naturelles de l'île arctique.

L'affaire des enfants inuits

«On n'espionne pas un allié», avait alors réagi la cheffe du gouvernement Mette Frederiksen. Le chargé d'affaires américain avait déjà été convoqué au ministère des Affaires étrangères. 

Selon la télévision danoise, lors de déplacements dans la capitale groenlandaise Nuuk, les trois Américains auraient encouragé les Groenlandais à mettre en avant des affaires pouvant être utilisées pour présenter le Danemark sous un mauvais jour dans les médias américains.

Deux dossiers enveniment particulièrement les relations entre Copenhague et Nuuk, qui font par ailleurs front commun face aux visées américaines.

Il s'agit d'enfants inuits séparés de leurs parents et envoyés au Danemark suite à des tests contestés visant à juger l'aptitude parentale des Groenlandais, et de la campagne de contraception forcée subie par au moins la moitié des femmes fertiles, principalement entre les années 1960 et 80.

Le prétexte de la sécurité

Ces révélations de la télévision danoise «restent un peu vagues mais compte tenu du contexte et vu le niveau de réaction, elles sont à prendre sérieusement», a estimé auprès de l'AFP Marc Jacobsen, maître de conférence au Collège royal de Défense danois.

Après son élection, le président Trump avait expliqué avoir «besoin» du Groenland, notamment pour la sécurité des Etats-Unis, répétant à plusieurs reprises son souhait.

Le Groenland, soutenu par sa puissance de tutelle, avait rétorqué ne pas être à vendre et décider seul de son avenir.

En janvier, 85% des Groenlandais s'étaient dit opposés à une future appartenance aux Etats-Unis, d'après un sondage publié dans le quotidien groenlandais Sermitsiaq. Seuls 6% y étaient favorables.

JD Vance empire les choses

Fin mars, le vice-président américain, JD Vance, avait provoqué un tollé en prévoyant une visite dans l'immense île arctique sans y avoir été invité.

Face à l'ire déclenchée au Groenland, au Danemark et à travers l'Europe, il avait limité son déplacement à la base aérienne américaine de Pituffik.

«Nous sommes conscients que des acteurs étrangers continuent de manifester un intérêt pour le Groenland et sa position au sein du Royaume du Danemark», a relevé mercredi le chef de la diplomatie danoise. «Ce n'est donc pas surprenant de constater des tentatives extérieures d'influencer l'avenir du Royaume dans les temps à venir».

Au printemps, les services de renseignement du Danemark s'étaient inquiétés d'une «possible influence» étrangère, notamment russe, principalement pendant les élections législatives au Groenland. Aucune ingérence n'avait finalement été relevée.

«En ce moment, Trump a peut-être la tête ailleurs mais ce qu'il a lancé plus tôt cette année est en route», a prévenu M. Jacobsen. La preuve selon lui qu'il ne s'agit pas d'une marotte, «il y tient vraiment». Depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, il n'y a pas d'ambassadeur américain au Danemark.

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