Un total de 37 organisations humanitaires sont menacées d'interdiction d'accès à Gaza jeudi, si elles ne transmettent pas d'ici là aux autorités israéliennes le nom de leurs employés palestiniens. Il s'agit d'une perspective dénoncée par l'Union européenne.
Un porte-parole du ministère israélien de la Diaspora et de la lutte contre l'antisémitisme a confirmé le chiffre à l'AFP mercredi et publié la liste des ONG visées. Parmi elles figurent de grands noms du secteur, dont Médecins sans frontières (MSF), le Norwegian Refugee Council, Care, World Vision et Oxfam.
«Ils ne veulent pas remettre la liste de leurs employés palestiniens parce qu'ils savent, comme nous le savons, que certains d'entre eux sont impliqués dans le terrorisme ou liés au Hamas», a déclaré Gilad Zwick. «Théoriquement», ces organisations «auraient pu régler cela» mais «elles n'ont rien fait depuis dix mois. Et ce n'est pas un hasard», a-t-il estimé.
Toutes peuvent encore s'exécuter d'ici minuit mercredi (22h00 GMT) pour échapper à l'interdiction. Mais «je doute fortement qu'elles fassent soudainement en moins de 12 heures ce qu'elles n'ont pas fait en dix mois», a-t-il ajouté. «Elles devront satisfaire pleinement et clairement à tous les critères établis. Pas de passe-droit, pas de combine.»
Peu auparavant, à Bruxelles, l'Union européenne a pourtant averti Israël que cette suspension empêcherait l'acheminement d'une aide vitale sur un territoire complètement dévasté par deux ans de guerre.
L'UE proteste
«L'UE a été claire: la loi sur l'enregistrement des ONG ne peut pas être appliquée sous sa forme actuelle», a écrit la commissaire européenne Hadja Lahbib sur son compte X. «Tous les obstacles à l'accès (d'aide) humanitaire doivent être levés.»
Un cessez-le-feu précaire est en vigueur depuis octobre à Gaza, après une guerre meurtrière menée par Israël en réponse à l'attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien, le 7 octobre 2023.
Pour Israël, cette nouvelle règlementation vise à empêcher des «acteurs hostiles ou des soutiens du terrorisme» d'opérer dans les territoires palestiniens.
Mardi, les autorités israéliennes ont également précisé que «les actes de délégitimation d'Israël, les poursuites judiciaires contre des soldats de Tsahal (armée israélienne, NDLR), la négation de la Shoah ainsi que la négation des événements du 7 octobre (constituaient) des motifs de retrait de licence.»
«Insécurité alimentaire aiguë»
Le ministère accuse notamment directement MSF d'avoir employé des individus «entretenant des liens avec des organisations terroristes». Selon lui, «un membre du Jihad islamique palestinien a été identifié» en juin 2024 comme employé de l'ONG. Et en septembre 2024, «un autre employé de MSF a été identifié comme tireur isolé du Hamas».
Contactée par l'AFP, l'ONG a répondu qu'elle «n'emploierait jamais sciemment des personnes engagées dans des activités militaires». Quant au processus d'enregistrement de ses employés, MSF a assuré «poursuivre le dialogue avec les autorités israéliennes».
Mardi, les ministres des Affaires étrangères de dix pays, dont la France et le Royaume-Uni, avaient déjà exhorté Israël à «garantir un accès» à l'aide dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire demeure «catastrophique». Dans un territoire qui compte 2,2 millions d'habitants, «1,3 million de personnes ont toujours urgemment besoin d'un abri», avaient-ils déploré.
«Plus de la moitié des établissements de santé ne fonctionnent que partiellement» et la majorité de la population (1,6 million de personnes) est confrontée à des niveaux élevés d'«insécurité alimentaire aiguë». Le porte-parole du ministère n'a pas divulgué le nombre exact des ONG travaillant à Gaza, se contentant de donner une fourchette d'entre «100 et 150» organisations.
Le COGAT, l'organisme du ministère israélien de la Défense chargé des affaires civiles palestiniennes, a déclaré la semaine dernière qu'en moyenne 4'200 camions d'aide entraient à Gaza chaque semaine, soit environ 600 par jour conformément à l'accord de cessez-le-feu. Mais seuls 100 à 300 transportent de l'aide humanitaire, selon des ONG et les Nations unies.