Critiqué pour les massacres à Gaza
La guerre avec l'Iran allège la pression sur Netanyahu

L'attaque d'Israël contre l'Iran allège la pression sur Benjamin Netanyahu, confronté à des critiques croissantes sur la guerre à Gaza. Cette offensive renforce sa position politique, malgré les tensions internes et les condamnations internationales.
Publié: 18.06.2025 à 22:42 heures
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Dernière mise à jour: 18.06.2025 à 23:15 heures
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La guerre contre l'Iran permet à Netanyahu d'atténuer la pression internationale contre sa politique destructrice à Gaza.
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AFP Agence France-Presse

L'attaque d'Israël contre l'Iran vient alléger la pression sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu au moment où il faisait face à des critiques croissantes à l'étranger pour la guerre à Gaza et à des tensions au sein de sa majorité.

La veille de l'attaque israélienne lancée le 13 juin contre la République islamique, le gouvernement Netanyahu semblait au bord de l'effondrement sur fond de dissensions dans la majorité à propos de la conscription des juifs ultra-orthodoxes.

Sa popularité chutait

Netanyahu, déjà critiqué, à l'intérieur, pour sa gestion de la crise des otages à Gaza, et à l'étranger pour sa conduite de la guerre qu'Israël mène dans ce territoire palestinien, voyait sa popularité chuter, et des sondages le donnaient perdant en cas d'élections. Mais en quelques jours, la situation s'est brutalement inversée.

Un projet de dissolution du Parlement présenté par l'opposition pour forcer des élections a été rejeté sur le fil dans la nuit du 11 au 12 juin. Vingt-quatre heures plus tard, les chasseurs israéliens se lançaient sur l'Iran, et face aux attaques de missiles et drones en riposte par Téhéran, la population israélienne fait corps.

Bon timing pour Netanyahu

Depuis près de 20 ans, «Bibi» Netanyahu agite la menace de l'«option militaire» contre l'Iran, mettant en garde contre le risque d'une attaque nucléaire de Téhéran sur Israël, une crainte désormais partagée par la plupart des Israéliens, alors que l'Iran ne possède pas l'arme atomique.

«Le gouvernement dit: 'On savait qu'ils préparaient quelque chose, alors on agit avant eux', et cela suscite un large soutien populaire», note Yonatan Freeman, qui enseigne la géopolitique à l'Université hébraïque de Jérusalem, et juge Netanyahu «grandement renforcé».

«Même l'opposition qui lui avait reproché de ne pas être assez ferme avec l'Iran, le félicite», poursuit l'universitaire. «Netanyahu est mon rival politique, mais sa décision de frapper l'Iran maintenant est la bonne», écrit ainsi le chef de l'opposition israélienne, Yaïr Lapid, dans une tribune dimanche dans le Jerusalem Post.

54% des Israéliens ont confiance

Selon un sondage publié samedi par la chaîne 14 de la télévision israélienne, soutien affirmé de M. Netanyahu, 54% des Israéliens disent lui faire confiance. L'opinion publique a eu le temps de se préparer à l'éventualité d'une offensive de grande ampleur sur l'Iran: depuis le 7 octobre 2023 et l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas (soutenu par l'Iran) qui a déclenché la guerre de Gaza, Netanyahu répète qu'Israël se bat pour sa survie et veut «changer le Moyen-Orient», pour selon lui assurer à long terme la sécurité de son pays.

«En fait, depuis 20 mois, des Israéliens y pensent, et se demandent si le vrai sujet, au-delà du Hezbollah [libanais] et du Hamas, n'est pas l'Iran», note Denis Charbit, politologue à l'Université ouverte d'Israël, pour qui le Premier ministre bénéficie d'un état de grâce momentané.

«Netanyahu veut toujours dominer l'agenda, être celui qui rebat les cartes lui-même, pas celui qui réagit, et là, il impose bien son côté Churchill, d'ailleurs c'est son modèle», ajoute Denis Charbit. «Mais en fonction des résultats, et de la durée (de la guerre), tout peut changer et des Israéliens pourront se retourner vers Bibi et lui demander des comptes», nuance-t-il.

Condamnations internationales inédites

«L'opinion soutient cette guerre, comme elle a soutenu les précédentes, pour elle c'est une guerre nécessaire, dit à l'AFP la sociologue Nitzan Perelman: C'est très utile pour Netanyahu car ça fait taire les critiques à l'intérieur du pays, mais aussi à l'extérieur.»

Israël fait face à des condamnations internationales inédites, qui n'épargnent pas Netanyahu visé par un mandat d'arrêt international de la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes de guerre» présumés à Gaza.

Avec les plusieurs dizaines de milliers de morts à Gaza et la situation humanitaire catastrophique qui y règne du fait du blocus israélien, des menaces de sanctions ont semblé isoler le pays chaque jour davantage.

Instrumentalisation de la menace iranienne

Le 11 juin, Londres a même annoncé des sanctions inédites contre deux ministres israéliens d'extrême droite. Mais, dans un retournement de situation, ce même chef de gouvernement, qui devenait infréquentable, a reçu ces derniers jours le soutien de nombreux chefs d'Etat ou de gouvernement européens, affirmant, à l'instar du président français Emmanuel Macron, le «droit d'Israël à se protéger».

«L'Iran est vu comme un état déstabilisateur, qui finance le terrorisme, qui veut l'arme nucléaire, donc Israël et l'Occident se comprennent mieux sur ça que sur les Palestiniens», explique Yonatan Freeman. Pour lui, l'idée selon laquelle un Iran affaibli permettrait une pacification de la région, l'avènement d'un nouveau Moyen-Orient souhaité par certains, séduirait les Etats-Unis et certains pays européens.

Pour Nitzan Perelman, le soutien de plusieurs pays vient d'une volonté de soutenir Israël face à une menace qui leur semble «plus réelle» que celle du Hamas à Gaza, et de s'associer à ce qu'ils pensent être une «mission de civilisation contre un régime autoritaire». «Netanyahu instrumentalise la menace iranienne, comme il l'a toujours fait», tranche-t-elle.


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