Poser des questions sur Gaza à Ignazio Cassis et son Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), c'est comme tomber à chaque fois sur un répondeur téléphonique. A chaque fois, c'est le même message préenregistré. Voilà ce qu'ont vécu les parlementaires de gauche et du centre qui s'y sont essayés en cette session d'été à Berne.
Lors de l'heure des questions au Conseil fédéral, dans la semaine du 2 juin, dix conseillères et conseillers nationaux – socialistes, vert-e-s et vert'libéraux, en majorité romands – ont déposé un total de quinze requêtes au ministre libéral-radical (PLR). Toutes portaient sur la situation à Gaza: tantôt sur les humanitaires tués, tantôt sur la controversée Fondation humanitaire de Gaza (GHF) et encore sur la solution à deux Etats ou l'interview critiquée d'Ignazio Cassis à la RTS. Et quinze fois, le 10 juin, la réponse a été la même. A la virgule près.
Un bug informatique?
Cette réponse de perroquet, qui traite de plusieurs sujets en surface, n'a pas plu aux élus. Le lundi suivant, lors de la seconde heure des questions de la session parlementaire, sept d'entre eux ont posé de nouveaux objets, chacun intitulé «15 questions sur la situation à Gaza, 15 réponses identiques!». Une façon de se plaindre des répétitions du DFAE.
Tous posent la même question ironique au Conseil fédéral: Y-a-t-il eu un «bug» informatique? Réponse du Conseil fédéral ce lundi 16 juin: «L'article 31 alinéa 5 du Règlement intérieur du Conseil national dispose que les questions qui sont thématiquement liées recevront une réponse commune.»
Une interprétation «extrêmement stricte» du règlement
Ce jeu du chat et de la souris parlementaire n'est pas du goût du socialiste vaudois Jean Tschopp, l'un des conseillers nationaux concernés. Il a partagé son agacement sur ses réseaux sociaux.
Contacté par Blick, il détaille les raisons de son mécontentement: «Je pense qu’on ne peut pas se contenter d'un copier-coller sur 15 questions qui couvrent des sujets bien différents. Cela donne l'impression que le Conseil fédéral ne prend pas le sujet au sérieux, qu'il ne se donne pas la peine de répondre. Alors que cela suscite beaucoup d'attentes de la population, notamment envers la Suisse, en tant que dépositaire des Conventions de Genève.»
Il estime que «le Conseil fédéral fait une interprétation du règlement». Jean Tschopp y voit un détournement malvenu de cet instrument de politique suisse: «Il y a différents outils comme parlementaire. Mais l'heure des questions, c'est le seul moyen d'obtenir une réponse rapide sur un sujet d'actualité.» Les questions doivent avoir été déposées au plus tard le mercredi à midi, précédant le lundi de l'heure des questions.
Une question de «respect du travail parlementaire»
Selon l'élu, donner «des réponses adaptées» aux différentes questions posées se justifie par une question de «respect du travail parlementaire». Le socialiste développe: «Si Ignazio Cassis avait été présent au moment de ces questions, je doute qu'il se serait permis de répéter exactement la même réponse quinze fois.»
Les répétitions d'Ignazio Cassis et du Conseil fédéral peinent à convaincre les élus romands et de gauche. «Sur ce sujet sensible, les Suisses attendent une action déterminée de la part de leur pays, estime Jean Tschopp. Car la situation actuelle est très préoccupante, entre la famine et les civils tués en allant chercher le peu d'aide alimentaire disponible.»