Un selfie en territoire palestinien occupé, ça ne passe pas. La visite éclair d'Ignazio Cassis à Israël et dans les territoires palestiniens occupés n'en finit pas de faire jaser. Les 10 et 11 juin, le conseiller fédéral à la tête du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est allé se faire «sa propre idée» de ce qu'il se passe sur place, en particulier vis-à-vis de l'aide humanitaire à Gaza.
Le libéral-radical (PLR) a rencontré les autorités israéliennes à Tel-Aviv et palestiniennes à Ramallah et des représentants d'ONG humanitaires à Jérusalem. Et il est revenu du voyage sans garanties, fort d'avoir constaté les dysfonctionnements de la Fondation humanitaire de Gaza et fier d'avoir demandé «immédiatement» une amélioration sans pour autant demander à ce que l'aide soit de la responsabilité internationale.
Ce vendredi 13 juin au matin, le ministre des Affaires étrangères a été poussé à s'exprimer à ce sujet devant les élus du Conseil national, lors du rapport de politique extérieure 2024. «24 heures» relate la question de la députée socialiste fribourgeoise Valérie Piller Carrard, qui a voulu savoir si Ignazio Cassis avait «pu constater qu’une véritable crise humanitaire sans précédent se déroule aujourd’hui à Gaza?»
Réponse du conseiller fédéral sous le feu des critiques, en particulier romandes? «Le Conseil fédéral a dit très clairement qu’il condamne toute violation du droit international humanitaire faite par Israël et le Hamas; on les voit, il y en a.» Ce à quoi il ajoute qu'il estime avoir «apporté le message» de la Confédération, qui «demande un accès immédiat en quantité suffisante, selon les principes du droit international humanitaire, pour l’aide humanitaire».
Cassis indique encore que le Conseil fédéral «demande un cessez-le-feu immédiat et une libération immédiate des otages pour pouvoir nous consacrer à la discussion sur un processus de paix». Des demandes, donc, mais pas d'exigences.
Les élus lui tirent les vers du nez
Ses réponses n'ont pas convaincu à gauche. La conseillère nationale fribourgeoise s'étonne d'avoir dû lui sortir les vers du nez pour qu'il évoque au moins son voyage. C'est «comme s'il n'existait pas», déplore l'élue, citée par «24 heures»: «Alors qu’il revient d’un voyage, où il a pu rencontrer des ONG qui s’engagent sur place, il n’arrive pas à décoller de sa communication officielle. Je me demande à quoi a servi ce déplacement.»
La socialiste vaudoise Tamara Fumiciello, elle, a interrogé l'utilité réelle du déplacement: «Avez-vous le sentiment que ce que vous faites est suffisant pour changer quoi que ce soit?» Toujours au nom du Conseil fédéral, Ignazio Cassi lui a répondu que le gouvernement estime agir de manière nécessaire et suffisante, quand bien même «cela ne suffit pas sur le terrain».
A droite, le PLR zurichois Hans-Peter Portmann a défendu son conseiller fédéral: «Le ministre des Affaires étrangères a raison d’écouter toutes les parties et de ne pas se contenter de faire le tour du monde avec des condamnations populistes». Il estime que la Suisse se donne ainsi la possibilité «d’être un partenaire pour tous afin de pouvoir mener des discussions».
Ce vendredi 13 juin au matin, le ministre des Affaires étrangères a été poussé à s'exprimer à ce sujet devant les élus du Conseil national, lors du rapport de politique extérieure 2024. «24 heures» relate la question de la députée socialiste fribourgeoise Valérie Piller Carrard, qui a voulu savoir si Ignazio Cassis avait «pu constater qu’une véritable crise humanitaire sans précédent se déroule aujourd’hui à Gaza?»
Réponse du conseiller fédéral sous le feu des critiques, en particulier romandes? «Le Conseil fédéral a dit très clairement qu’il condamne toute violation du droit international humanitaire faite par Israël et le Hamas; on les voit, il y en a.» Ce à quoi il ajoute qu'il estime avoir «apporté le message» de la Confédération, qui «demande un accès immédiat en quantité suffisante, selon les principes du droit international humanitaire, pour l’aide humanitaire».
Cassis indique encore que le Conseil fédéral «demande un cessez-le-feu immédiat et une libération immédiate des otages pour pouvoir nous consacrer à la discussion sur un processus de paix». Des demandes, donc, mais pas d'exigences.
Les élus lui tirent les vers du nez
Ses réponses n'ont pas convaincu à gauche. La conseillère nationale fribourgeoise s'étonne d'avoir dû lui sortir les vers du nez pour qu'il évoque au moins son voyage. C'est «comme s'il n'existait pas», déplore l'élue, citée par «24 heures»: «Alors qu’il revient d’un voyage, où il a pu rencontrer des ONG qui s’engagent sur place, il n’arrive pas à décoller de sa communication officielle. Je me demande à quoi a servi ce déplacement.»
La socialiste vaudoise Tamara Fumiciello, elle, a interrogé l'utilité réelle du déplacement: «Avez-vous le sentiment que ce que vous faites est suffisant pour changer quoi que ce soit?» Toujours au nom du Conseil fédéral, Ignazio Cassi lui a répondu que le gouvernement estime agir de manière nécessaire et suffisante, quand bien même «cela ne suffit pas sur le terrain».
A droite, le PLR zurichois Hans-Peter Portmann a défendu son conseiller fédéral: «Le ministre des Affaires étrangères a raison d’écouter toutes les parties et de ne pas se contenter de faire le tour du monde avec des condamnations populistes». Il estime que la Suisse se donne ainsi la possibilité «d’être un partenaire pour tous afin de pouvoir mener des discussions».
Communiquer, oui, mais comment?
Au-delà des résultats concrets, ce voyage est aussi une grosse opération de communication pour le conseiller fédéral. Longtemps critiqué pour son mutisme sur les actes d'Israël à Gaza, Ignazio Cassis a enfin pris la parole le 3 juin sur la RTS. Dans son interview, il assure tenir «une position équilibrée» et lâche que les actes à Gaza «doivent être condamnés des deux côtés». Selon ses détracteurs, sa prise de parole était maladroite et il peinerait à cacher une ligne pro-israélienne peu assumée.
A la suite de ces critiques, qui témoignent d'un fort Röstigraben – les Romands se sont montrés plus vocaux que les Alémaniques – Ignazio Cassis est parti au Proche-Orient pour deux jours. Un voyage express pour lequel il était accompagné, entre autres, du chef de la communication du DFAE, Nicolas Bideau.
Signe des tensions, c'est une publication sur LinkedIn de cet ambassadeur de la Suisse à l'étranger qui a été perçue comme déplacée. On le voyait se prendre en selfie, devant le bureau du Premier ministre palestinien Mohammad Mustafa, lors de sa visite à Ramallah. Derrière lui, deux drapeaux de la Palestine et des portraits de Yasser Arafat et – a priori – de Mahmoud Abbas, les deux dirigeants historiques de l'autorité palestinienne.
Selfie publié, critiqué, puis supprimé
Habitué des selfies pour communiquer sur ses allées et venues de diplomate, le Romand Nicolas Bideau a dû revenir sur ses pas cette fois-ci. Plusieurs utilisateurs ont fait remarquer que sa publication était «cynique» ou servait de cache-misère quant aux prises de position timides d'Ignazio Cassis sur Gaza. Tout ceci sous un post du conseiller aux Etats genevois Mauro Poggia (MCG), pourtant plutôt marqué à droite.
«Voilà sa stratégie de communication: se redorer le blason sur le dos d'un peuple qui se meurt à petit feu», dénonce un professeur associé à l'Université de Lausanne – en Sciences politiques. Un autre, professeur en Chimie dans la même institution, juge le post «pour le moins déplacé» et l'a fait savoir sur le réseau social professionnel. Tous deux y voient «une bévue de plus du conseiller fédéral Ignazio Cassis et de sa communication».
La publication controversée a finalement été supprimée mercredi en fin de journée. Vendredi, sur la page LinkedIn de Nicolas Bideau, une autre, plus lisse, l'a remplacée. En trois photos, elle retrace «une expérience marquante, humainement intense» du porte-parole du DFAE. Les commentaires saluent ce retrait: «Choix fort judicieux et avisé d'opter pour la modestie, plutôt que pour les selfies malaisants, on ne saurait que vous encourager dans ce sens», écrit un utilisateur.
Nicolas Bideau comprend le malaise
Contacté par Blick, Nicolas Bideau indique avoir lui-même décidé de la supprimer et dit comprendre «que cette publication ait pu être perçue comme déplacée». Il s'explique: «Avec le recul, je me suis rendu compte qu’elle pouvait prêter à confusion, malgré mon intention initiale. Mon but était de partager une expérience forte, vécue sur le terrain, mais malheureusement, le format – notamment la photo en mode selfie – n’a pas transmis l’émotion ni la gravité que je ressentais à ce moment-là.»
Nous l'avons interrogé pour savoir si ce qu'elle disait ne correspond finalement pas à la manière dont le DFAE souhaite communiquer au sujet de ce voyage au Proche-Orient. «Cette publication ne reflétait pas complètement la manière dont le DFAE peut communiquer dans ce contexte», répond Nicolas Bideau, qui estime que tout est question de contexte aux Affaires étrangères. «Parfois nous tendons vers une approche institutionnelle, parfois nous donnons davantage dans l’empathie. Dans ce contexte, c’est très délicat de trouver le bon équilibre dans le contexte au Proche-Orient.»
Nicolas Bideau estime que son intention de départ a été mal comprise: «Mais je prends cette réaction très au sérieux, et c’est ma philosophie des médias sociaux, ils vivent de l’interaction sociale avec le public.» En tant que responsable de l'image de la Suisse à l'étranger, il savait sa prise de position publique «légitimement» attendue. «Je reconnais que le ton visuel ne correspondait finalement pas à cette attente», assume le diplomate.
Le selfie, pas dans tous les cas
Mais alors, pourquoi avoir choisi le mode selfie pour partager sa vie de diplomate, d'ambassadeur de la Suisse à l'étranger et de représentant du chef des Affaires étrangères? «En matière de communication, je crois qu’il est important d’incarner nos engagements, de montrer que nous sommes présents et investis, répond le principal intéressé. Les photos en mode plus personnel ont pour objectif de rendre nos actions plus accessibles, plus humaines.»
Dans ce cas précis, la mission communication n'a pas atteint ses objectifs. «Mon selfie n’a malheureusement pas su véhiculer ce que je ressentais au fond: une profonde préoccupation, un respect immense pour ceux qui œuvrent sur place, et un engagement sincère de la Suisse pour le respect du droit international humanitaire», conclut Nicolas Bideau. Pas sûr que cela suffise à redorer le blason d'Ignazio Cassis, quant à sa gestion du positionnement de la Suisse à Gaza... enfin, surtout en Suisse romande.