Commission sur la sellette
Von der Leyen exaspère à Bruxelles (et Trump en profite)

La présidente de la Commission européenne n'a pas convaincu lors de son discours sur l'Etat de l'Union le 10 septembre. Elle est fragilisée. Et l'administration Trump entend bien en profiter.
Publié: 18:00 heures
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Dernière mise à jour: 18:02 heures
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Ursula von der Leyen a prononcé mercredi 10 septembre au Parlement européen son discours sur l'Etat de l'Union.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils n’en peuvent plus de «l’impératrice». A Bruxelles, les diplomates des 27 pays membres de l’Union européenne et de nombreux fonctionnaires laissent désormais libre cours à leurs frustrations, après le discours d’Ursula von der Leyen devant le Parlement de Strasbourg, le 10 septembre.


Dans ce discours sur l’Etat de l’Union, supposé fixer les grandes lignes de l’action communautaire pour l’année à venir, l’ancienne ministre allemande de la Défense a coalisé les oppositions. Beaucoup sur la défense de l’Ukraine, un plaidoyer pro domo pour l’accord commercial avec les Etats-Unis, et presque rien sur le nouveau fossé transatlantique qui mine tant l’avenir de l’UE.

Taxation du numérique

Ursula von der Leyen n’a par exemple pas pris parti pour une taxation des géants américains du numérique, alors que plusieurs gouvernements la réclament. Elle a défendu bec et ongles l’accord commercial avec les Etats-Unis, et ses tarifs douaniers américains à 15%, alors que beaucoup le vivent comme une humiliation.

Elle a de nouveau prôné la défense de l’Ukraine, sans prendre en compte les remous sociaux inévitables que cela va créer au sein de l’actuelle Union européenne. Elle n’a pas, enfin, semblé tiré les leçons du camouflet constitué par le dernier sommet Chine-UE à Pékin, le 24 juillet 2025. L’Europe espérait obtenir des concessions chinoises pour faire face ensemble aux Etats-Unis. Rien ne s’est matérialisé. La Chine espère toujours profiter au maximum de ses exportations vers le grand marché européen.

Trop centralisatrice

Cette insatisfaction envers Ursula von der Leyen, alimentée par son management centralisateur et ses initiatives diplomatiques controversées, sans consulter préalablement les pays membres, souligne les faiblesses de l’Union, un an après le retour au pouvoir de Donald Trump.


Et ce dernier, à Washington, entend bien en profiter: juste après l’annonce, le 5 septembre, d’une amende de 2,95 milliards d’euros infligée par la Commission européenne à Google, le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Bruxelles, Andy Puzder, a fustigé l’attitude européenne. Il a promis de défendre les entreprises américaines contre les réglementations numériques et environnementales entrant en vigueur dans l’Union européenne qui pourraient les cibler de «manière injuste».

Bataille commerciale

Andy Puzder est encore allé plus loin. Il souhaite l’abrogation de ce qu’il qualifie de «législations draconiennes», dans le cadre d’une volonté de réduire l’approche réglementaire de l’Europe. Venu du secteur privé, ancien PDG de la société qui exploitait les chaînes de restauration rapide Hardee’s et Carl’s Jr. a déclaré que les Etats-Unis et l’Europe devaient travailler ensemble pour aligner leurs intérêts communs afin de s’opposer à la Chine et à la Russie.


Comme si les Européens avaient leur mot à dire sur la stratégie de Donald Trump qui, après avoir déroulé le tapis rouge à Vladimir Poutine le 15 août à Anchorage, en Alaska, répète aujourd’hui qu’il est en colère devant la poursuite de la guerre par le président russe. Sans rien décider de concret.

France et Allemagne en difficulté

Le ressentiment envers Ursula von der Leyen est d’autant plus paralysant que les deux pays moteurs de l’Union, la France et l’Allemagne, connaissent des difficultés sérieuses. La France fait face à une grave crise budgétaire et politique, illustrée par la démission de son Premier ministre François Bayrou le 8 septembre, remplacé le lendemain par le ministre sortant de la Défense Sébastien Lecornu.

L’Allemagne mène une politique de relance économique destinée à faire repartir son moteur économique, mis à mal par l’interruption de l’approvisionnement en énergie pas chère en provenance de Russie. L’Otan, sollicitée ces jours-ci par la Pologne après l’incursion de drones russes, est soumise à un test de la part de Moscou. Peut-on, dans ces conditions, faire confiance à la Commission européenne? La réponse, sur la base du discours sur l’Etat de l’Union est loin d’être affirmative. Ursula von der Leyen est une «impératrice» que les pressions venues des Etats-Unis, et la poussée des partis nationaux populistes partout sur le continent, sont en train de faire vaciller.

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