Xi Jinping veut davantage de confiance entre l’Union européenne et la Chine. Facile à dire pour le président de la deuxième puissance économique mondiale, qui recevait ce jeudi 24 juillet à Pékin la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et deux autres dirigeants de l’UE: Antonio Costa (Conseil) et Kaja Kallas (Diplomatie). Fort de sa trêve commerciale avec les Etats-Unis, conclue le 27 juin, Xi Jinping est plus que jamais en position de force face au Vieux Continent, toujours en train de négocier un accord sur les tarifs douaniers avec Donald Trump.
Pourquoi Xi Jinping peut-il plus ou moins dicter sa loi aux 27 pays membres de l’Union européenne, dont le grand marché de 500 millions de consommateurs est indispensable à l’économie de son pays? La réponse tient en cinq points.
La Chine est indispensable
C’est aussi simple que cela. L’Union européenne a besoin de la Chine car ses industries sont aujourd’hui pieds et poings liés à «l’atelier du monde». Tous les secteurs industriels européens dépendent de l’approvisionnement en pièces détachées chinoises. On a aussi mesuré, pendant l’épidémie de Covid-19
, combien le secteur pharmaceutique dépendait aussi des usines chinoises. Comment, dans ces conditions, redresser le déficit commercial abyssal? C’est toute la question. L’UE a importé en 2024 pour 514 milliards d’euros de biens industriels chinois, contre 213 milliards d’exportations. Son déficit est de 300 milliards. Plus qu’une dépendance, un véritable carcan commercial.
La Chine est un immense marché
Xi Jinping connaît la faiblesse de son économie: elle dépend beaucoup trop des exportations et des délocalisations d’entreprises occidentales. Tout ralentissement des exportations chinoises vers l’Europe risque donc d’aggraver les tensions dans son immense pays où la croissance a atteint avec peine en 2024 l’objectif de 5%, indispensable pour faire face aux défis sociaux et pour financer les grands programmes d’infrastructures. Son atout face aux Européens est donc son immense marché. Pékin fait par exemple depuis longtemps miroiter l’accès aux marchés publics chinois. Sauf que la barrière réglementaire reste hermétique. En conséquence, la Commission européenne a décidé le 20 juin dernier d’exclure les entreprises chinoises des achats, par les pouvoirs publics de l’UE, de dispositifs médicaux d’un montant supérieur à 5 millions d’euros. Elle a activé pour cela son instrument relatif aux marchés publics internationaux (IMPI).
La Chine «tient» Moscou
Donald Trump le sait mieux que quiconque, car telle est sa méthode: la meilleure manière de négocier est d’être en position de force. Or vis-à-vis de l’Europe, la Chine dispose d’un atout aussi cynique que redoutable: sa carte russe. Sans le soutien technologique et industriel de Pékin, et sans les ventes d’hydrocarbures à la Chine, Vladimir Poutine ne pourrait pas financer sa guerre en Ukraine et accélérer sa production d’armement. Les Européens savent donc, lorsqu’ils négocient avec Xi Jinping, que Moscou est en arrière-plan. L’équation de l’UE est dès lors très compliquée: elle doit tenir tête à la Chine pour éviter d’être envahie par ses produits bon marché, mais elle doit être assez convaincante pour l’inciter à ne pas soutenir encore plus le Kremlin. «Nous voulons tous les deux que notre relation soit […] mutuellement bénéfique», a déclaré Xi Jinping ce jeudi 24 juillet. Une ambiguïté très stratégique.
La Chine a des alliés européens
Ursula von der Leyen est allemande. Est-ce important? Oui, car l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel, membre du parti conservateur revenu au pouvoir dans son pays, est aujourd’hui à l’écoute de Berlin et de son chancelier Friedrich Merz. Lequel plaide pour une réduction des dépendances stratégiques vis-à-vis de la Chine tout en préservant des liens économiques solides. La politique allemande est qualifiée de «réduction des risques sans découplage». Motif: la Chine est le premier partenaire commercial de l’Allemagne avec 253 milliards d’euros de marchandises échangées. Berlin accuse un déficit commercial de 58,4 milliards d’euros avec Pékin. Mais par rapport à la France (46 milliards de déficit pour 73 milliards d’échanges), c’est très peu.
La Chine mène le Sud global
Attention: la boussole stratégique mondiale est de plus en plus aimantée sur Pékin. La preuve? C’est dans la capitale chinoise que pourrait avoir lieu, le 2 ou 3 septembre, une rencontre à trois entre Xi Jinping, Donald Trump et Vladimir Poutine à l’occasion de la commémoration du 80e anniversaire de la signature de la reddition du Japon, le 2 septembre 1945, sur le croiseur Missouri dans la baie de Tokyo. Une autre date évoquée est celle du 15 août, jour de la capitulation des forces nippones après les bombardements nucléaires de Hiroshima le 6 août et Nagasaki le 9 août. Pourquoi l’Union européenne est concernée? Parce que la parole de la Chine est décisive dans le «Sud global», où le pays a multiplié des investissements dans le cadre de son programme d’infrastructures «la Ceinture et la Route». Xi Jinping a exhorté Bruxelles à rééquilibrer son «état d’esprit» vis-à-vis de la Chine – jugé trop hostile. L’avertissement est clair.