Seul face à l’un des régimes les plus surveillés au monde, l’activiste Qi Hong a osé défier Pékin. A Chongqing, mégapole de plus de 30 millions d’habitants, il a projeté sur les façades d’immeubles des slogans hostiles au Parti communiste: «Ce n'est que sans le Parti communiste qu’il y aura une nouvelle Chine», ou encore «Non aux mensonges, oui à la vérité! Non à l'esclavage, oui à la liberté! A bas le Parti communiste tyrannique!»
La police a mis près d’une heure à remonter la source et a découvert un dispositif filmant leur intervention. Mais au moment des faits, vendredi 29 août, l'activiste chinois avait déjà pris la poudre d'escampette avec sa famille hors du pays et diffusé les images sur les réseaux sociaux.
Son coup d’éclat, à la fois protestation et performance artistique, a tourné les outils de surveillance du régime contre lui-même. Les vidéos ont touché des millions de personnes et révélé les failles d’un Etat pourtant réputé tout-puissant dans le contrôle.
«Vous deviendrez une victime»
Qi Hong avait savamment orchestré l'opération jusque dans les moindres détails. Il avait mis en place son plan, neuf jours plus tôt au moment de son départ avec son épouse et sa fille pour la Grande-Bretagne. Quelques heures après son coup d'éclat, il a publié sur les réseaux sociaux une vidéo montrant cinq policiers déboulant dans sa chambre d'hôtel chinoise. Ces derniers se précipitent vers le projecteur caché derrière un rideau. L'un d'eux pointe la caméra de surveillance qui les filme.
Sur la table basse, une lettre est adressée aux policiers: «Même si vous êtes aujourd’hui bénéficiaire du système, un jour vous deviendrez inévitablement une victime sur cette terre.» Il poursuit: «Alors, je vous en prie, traitez le peuple avec bienveillance.»
Le lendemain, l'activiste publie une photo tirée d'une caméra de surveillance où l'on peut voir sa mère devant sa maison, entourée de policiers l'interrogeant. L'ensemble de ces publications donnent l'impression d'une performance artistique se moquant du système de sécurité féroce mis en place par le Parti communiste, souligne «Le New York Times». A travers son œuvre, Qi Hong s'approprie ses outils et les utilise pour faire résistance.
Un écho monstrueux
Ces publications ont été partagées sur X, par un des comptes chinois les plus influents et contestataires. Elles ont déjà été vues plus de 18 millions de fois! Li Ying qui est le propriétaire du compte parle de «coup dur» pour les autorités chinoises qui avaient investi d'énormes ressources en vue du défilé historique de ce mercredi, afin d'instaurer la stabilité. «Son action a montré que le contrôle du Parti communiste chinois n'est pas inébranlable. Ce n'est pas comme si nous ne pouvions rien faire», lance-t-il.
De son côté, Qi Hong ne revendique pas un acte de bravoure, mais un besoin irrépressible de s’exprimer. Il affirme, avec modestie, qu’il considère comme son devoir de partager ses convictions et d’inciter ses compatriotes à ouvrir les yeux sur ce qu’il décrit comme la brutalité et l’absurdité du régime communiste.
La police riposte
Originaire d’un village pauvre, Qi Hong a longtemps été marqué par les brutalités policières – dont il dit avoir été victime, avant de se politiser et de lire des ouvrages critiques comme «1984». Inspiré par d’autres dissidents, il a préparé minutieusement son action en août 2025 pendant près de 10 jours. Si sa famille est désormais à l’étranger, ses proches restés en Chine ont subi interrogatoires et pressions policières. Son frère et un de ses amis ont été arrêtés.
Pour de nombreux internautes, Qi Hong incarne une résistance créative: il a montré que la technologie, arme de surveillance de l’Etat, pouvait aussi se retourner contre lui. Une bataille de David contre Goliath dont l’écho, immense, dépasse déjà les frontières chinoises.