La Suisse est un pays de locataires: seuls 36% de ses habitants possèdent leur propre logement. Mais sous la coupole fédérale, fédérale, la tendance est radicalement différente: selon une enquête réalisée l’an dernier par Blick, environ 70% des parlementaires vivent dans leur propre logement. C'est presque deux fois plus que la moyenne nationale.
Et alors que la population doit voter le 28 septembre sur l'abolition de la valeur locative, la propriété semble grandement influencer les positions politiques. D’après le premier grand sondage de la SSR, 68% des propriétaires soutiennent la suppression de cet impôt, contre seulement 40% des locataires.
Le PLR, parti des propriétaires
Au sein du Parlement, la proportion de propriétaires est particulièrement élevée dans les rangs du Parti libéral-radical (PLR) et du Centre, avec respectivement 82% et 84% d'élus possédant leur propre logement. Chez les libéraux-radicaux, ce pourcentage a même augmenté au cours des derniers mois, le conseiller national zurichois Andri Silberschmidt ayant entre-temps emménagé dans sa propre maison.
Mais qu'en est-il des élus vivant en location? «Je suis probablement l’un des rares élus du parti à être locataire», confie à Blick le conseiller national bernois Christian Wasserfallen. Lui-même n’attache pas une grande importance au fait de posséder son logement. Ayant grandi dans un appartement en location, il juge le marché immobilier de la ville de Berne «exorbitant». «Je préfère largement rester locataire», explique-t-il.
Sur la question de l’abolition de la valeur locative, Christian Wasserfallen se démarque de la ligne de son parti. «Je suis plutôt ambivalent. Pour la jeune génération, le projet présente surtout des inconvénients, car la suppression de la valeur locative marquerait également la fin des déductions fiscales», précise-t-il.
«Un projet important pour l'économie»
Au sein du parti Le Centre, on assure ne pas connaître la proportion exacte de locataires et de propriétaires parmi les élus. «Nous ne disposons malheureusement pas d’informations sur le mode de logement de nos parlementaires», explique le secrétariat général. Même son de cloche du côté des élus interrogés par Blick.
Même à l’Union démocratique du Centre (UDC), seuls un député sur quatre environ vit en location, selon le sondage de Blick. C’est le cas du Conseiller national Zurichois Mauro Tuena . Bien qu’il loue son appartement, il soutient la réforme soumise au vote du 28 septembre. «A Zurich, devenir propriétaire est une entreprise coûteuse», explique-t-il à Blick. Raison de plus, selon lui, pour abolir la valeur locative.
A gauche, on estime que cette suppression profiterait uniquement aux propriétaires. Mauo Tuena conteste fermement cette affirmation. Pour lui, le projet est au contraire essentiel pour les locataires et les jeunes, car il faciliterait l’accès futur à la propriété. «Cette réforme est importante pour l’économie, car elle ne favorise plus l’endettement, mais l’épargne et l’acquisition d’un logement», clame-t-il.
Locataires, mais pas que...
Le Parti socialiste (PS) ne partage pas ce point de vue et assure que la suppression de la valeur locative coûtera en moyenne 500 francs par ménage et par an. «Ce chiffre est une affirmation sans fondement», rétorque Marco Tuena. «S'il reste plus dans le porte-monnaie des propriétaires, l'économie en profitera aussi au final, car les gens auront plus à dépenser.» Selon lui, l'abolition de la valeur locative ne concerne que les logements occupés par leur propriétaire, et donc pas les immeubles qui sont loués.
Avec ses voisins, Marco Tuena entretient d’excellentes relations et dit se sentir parfaitement à l’aise en tant que locataire. Mais son objectif reste clair: il souhaite que l’accession à la propriété redevienne abordable en Suisse, afin de pouvoir lui aussi, un jour, emménager dans son propre logement.
Certains parlementaires bourgeois contactés par Blick affirment eux aussi vivre actuellement en location. Mais dans les faits, ils possèdent déjà un bien immobilier: dans plusieurs cas, c’est leur ex-partenaire qui y vit avec les enfants. D’autres encore disposent d'une résidence secondaire.
Les Vert'libéraux, premiers locataires
Dans les partis de gauche, la proportion de locataires est nettement plus élevée: selon l’enquête de Blick, elle atteint 46% au PS et 42% chez les Vert-e-s. Une tendance qui n'empêche toutefois pas certains élus d'être propriétaires.
C'est le cas de la Bernoise Ursula Zybach. La conseillère nationale socialiste possède une maison à Spiez, au bord du lac de Thoune, mais elle s’oppose malgré tout à la suppression de la valeur locative. «Cette réforme profiterait surtout à ceux qui sont déjà très aisés», explique-t-elle à Blick. Elle reconnaît d’ailleurs qu’elle-même en tirerait un avantage financier.
La palme du parti comptant la plus forte proportion de locataires au Parlement revient toutefois aux Vert’libéraux. Plus de la moitié de leurs élus (54%) vivent en location, à commencer par leur président, Jürg Grossen.