L'année dernière, le patron de Novartis Vas Narasimhan a gagné 19,2 millions de francs, soit 1,6 million par mois. C'est 333 fois plus qu'un employé de la multinationale bâloise ayant le salaire mensuel le plus bas possible, soit 4'800 francs. En d'autres termes, ce dernier devrait trimer pendant près de 27 ans pour obtenir le salaire mensuel de son patron.
Il s'agit des résultats de l'étude annuelle sur les écarts salariaux, publiée ce lundi, par le syndicat Unia. L'étude compare et analyse le rapport entre le salaire le plus élevé et le plus bas dans une entreprise. Novartis est un exemple flagrant, mais la situation est similaire dans d'autres entreprises comme le gestionnaire de fortune Partners Group ou l'entreprise pharmaceutique Galderma.
L'étude constate également qu'en 2024, les dividendes versés aux actionnaires s'élèveraient à 46 milliards de francs pour les 39 entreprises analysées. Quelques-uns d'entre eux auraient même profité de racheter des actions. Selon la présidente d'Unia Vania Alleva, cela montre clairement que les entreprises ont suffisamment d'argent pour augmenter leurs plus bas salaires.
«C'est carrément absurde!»
Toutefois, le rapport entre le salaire le plus élevé et le salaire le plus bas est de 1:143 en moyenne pour les 39 entreprises étudiées, ce qui est un peu moins que l'année précédente (1:150). Mais pour Vania Alleva, ce n'est pas une raison pour être optimiste. «C'est encore beaucoup trop, c'est carrément absurde!»
La syndicaliste s'insurge notamment contre l'augmentation des salaires les plus élevés: ceux-ci ont augmenté de 18% l'année dernière, contre 1,8% pour les salaires normaux. «Et maintenant, une majorité bourgeoise au Parlement tente encore d'annuler les salaires minimaux en vigueur, avec une loi sur la baisse des salaires», poursuit Vania Alleva.
Si ce projet aboutit, les salaires minimums cantonaux fixés par la loi pourraient être sous-évalués à l'avenir par des salaires inférieurs, découlant de conventions collectives de travail. Les personnes dans les classes salariales inférieures seraient ainsi fortement affectées, «tandis que les salaires des chefs continuent d'augmenter».
Plusieurs leviers pour réduire l'écart salarial
La présidente d'Unia avance plusieurs leviers pour réduire à nouveau l'écart salarial. Elle exige une augmentation générale des salaires de 2 à 2,5% ainsi que des salaires minimaux plus élevés: 4'500 francs pour les personnes non qualifiées et 5'000 francs pour les travailleurs ayant terminé un apprentissage. Elle ne précise pas si cela est réaliste, mais explique que «ce serait justifié et possible».
Il faudrait alors s'éloigner de la politique salariale individuelle pour les hauts salaires, car celle-ci permet des excès. Mais pour cela, il faut une volonté politique.
L'étude d'Unia se trompe-t-elle de cible?
Pour l'expert en rémunération Timon Forrer, conseiller chez Kienbaum, les revendications d'Unia sont irréalistes. «Nos prévisions d'évolution salariale, basées sur une enquête auprès des entreprises, prévoient 1,3%, ce qui, avec une inflation attendue de 0,5%, est supérieur à nos attentes.» Compte tenu de l'actualité économique et géopolitique de ces dernières semaines, la hausse effective des salaires pourrait même être plus faible, selon le conseiller.
Timon Forrer critique ainsi l'étude d'Unia: «Il serait utile de ne pas mettre l'accent sur quelques CEO de groupes qui ne peuvent pas être comparés au marché local.» Ce dernier s'attend à ce que l'écart salarial reste provisoirement stable en Suisse.