Le Conseil fédéral veut aider, du moins un peu. Vingt enfants gravement blessés de la bande de Gaza seront transportés en Suisse par la Rega et soignés dans des hôpitaux locaux. Le sort des petits blessés est entre les mains des cantons, qui doivent suivre le mouvement. Mais tous ne le font pas.
Ces dernières semaines, la Confédération a sollicité certains gouvernements cantonaux. Bâle, Genève, le Tessin et le Valais se sont déclarés volontaires pour accueillir une partie des enfants de Gaza. Quatre d'entre eux seront suivis médicalement à l'hôpital pédiatrique universitaire de Bâle.
En revanche, le Département de la santé du canton de Zurich refuse. La responsable, la conseillère d'Etat de l'Union démocratique du centre (UDC) Natalie Rickli, ne veut rien savoir de cette action humanitaire. Pourtant, le canton de Zurich possède l'une des cliniques pédiatriques les plus importantes au monde.
Le Conseil d'Etat zurichois aura le dernier mot
Au sein de la direction du Département de la santé de Zurich, le refus de la cheffe suscite l'incompréhension. Le porte-parole Patrick Borer ne veut pas s'exprimer sur les raisons de la réponse négative. «Par principe, nous refusons les demandes informelles», s'est-il contenté d'affirmer.
Les cantons ont été officiellement informés du projet par un courrier mercredi. Dans ce dernier, le Département de l'intérieur d'Elisabeth Baume-Schneider et le Département de la justice de Beat Jans lancent un appel aux directrices et directeurs de la santé et des affaires sociales. «Le Conseil fédéral est préoccupé par les souffrances de la population civile à Gaza. De nombreuses victimes civiles, dont des enfants blessés, n'ont pas accès aux soins médicaux de base et à une nourriture suffisante.»
Les cantons sont donc priés de s'annoncer auprès du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) s'ils souhaitent participer à l'action. Le Conseil d'Etat zurichois discutera de cet appel après les vacances d'automne, à la fin du mois d'octobre, explique Patrick Borer. La décision prise par Natalie Rickli pourrait-elle être annulée?
Déjà 5000 enfants évacués
Pendant ce temps, les souffrances continuent d'augmenter dans la bande de Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, Israël mène une riposte d’une extrême violence, marquée par des bombardements massifs et des destructions à grande échelle. Plus de 15'000 enfants ont été tués selon les données des organisations internationales. Des dizaines de milliers d'entre eux sont affamés et dorment au milieu des décombres.
Plusieurs États sont entre-temps passés à l'action. La Première ministre italienne de droite Giorgia Meloni a déjà fait venir des enfants de la bande de Gaza par avion. Le gouvernement travailliste britannique veut faire de même prochainement. Les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le montrent: plus de 5000 enfants blessés ont pu être évacués de la zone de combat depuis le début de la guerre. Mais l'OMS signale également que 140 d'entre eux sont morts dans l'attente de soins.
Sham Qudeih, un exemple tragique
Un cas particulièrement dramatique a fait le tour du monde. La photographe d'agence de presse Mariam Dagga a photographié dans la bande de Gaza, la petite Sham Qudeih, amaigrie, dans les bras de sa mère. La fillette est âgée d'à peine 2 ans et souffre d'un trouble métabolique.
Le 13 août, la fillette a été évacuée avec d'autres vers l'Italie. Une fois sur place, elle ne pesait plus que quatre kilos environ, soit moins de la moitié du poids moyen des enfants de son âge. Depuis elle va mieux, disent les médecins italiens. Ils sont confiants quant à la survie de la petite fille.
Le Conseil fédéral interpellé pour les visas humanitaires
Avec l'intervention prévue de la Rega, la Suisse s'associe aux efforts internationaux. Son plan se présente comme suit: La Confédération prend en charge les frais de coordination et de transport des enfants vers la Suisse. Les cantons paient pour le traitement médical des blessés. Chaque enfant sera accompagné par quatre membres de sa famille au maximum, qui pourront demander l'asile en Suisse. Avant d'entrer dans le pays, ils seront soumis à un contrôle de sécurité strict.
L'OMS a enregistré environ 19'000 civils en vue d’une évacuation de la bande de Gaza. Parmi eux, 4000 enfants, blessés ou malades et dont la vie est menacée, ne peuvent pas être traités de manière adéquate sur place. L'OMS estime que le nombre réel d'enfants souffrant de graves problèmes médicaux est en réalité bien plus élevé.
Des demandes répétées
En mars 2024 déjà, la conseillère nationale des Vert-e-s Delphine Klopfenstein Broggini avait demandé au Conseil fédéral, dans une interpellation, de s'écarter de sa pratique restrictive en matière d'octroi de visas humanitaires. En juin, le conseiller national Vert'libéral Beat Flach a réitéré la même demande.
Mais le Conseil fédéral a à chaque fois refusé. La marge de manœuvre juridique actuelle est suffisante pour réagir à des situations extraordinaires. En plus de cela, seules les autorités israéliennes décident aujourd'hui qui peut quitter la bande de Gaza.
La guerre dans la bande de Gaza dure depuis bientôt deux ans et une nouvelle escalade menace. Les chars d'Israël roulent depuis des jours en direction du centre de la ville de Gaza, annonçant une intensification des massacres contre la population civile.