L'Association suisse des banquiers, SwissBanking, a recours à des moyens non conventionnels, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans sa lutte contre une réglementation plus stricte du secteur bancaire, elle mise depuis peu sur des formats en ligne à fort potentiel: les podcasts d'influenceurs.
Comme l'indique un communiqué de presse envoyé cette semaine, cette association collabore désormais avec le blogueur «FinanzFabio», l'un des influenceurs financiers les plus populaires de Suisse. L'objectif est de rendre «des thèmes très pertinents mais complexes accessibles à un large public – en particulier aux jeunes – de manière compréhensible et divertissante».
Les chiens de garde d'UBS
Dans le premier des quatre épisodes, FinanzFabio, pseudonyme de Fabio Marchese, s'entretient avec August Benz, vice-président de l'association. Ce dernier met en garde contre une réglementation excessive et qualifie les mesures prévues par le Conseil fédéral de risque pour la place financière suisse, reprenant mot pour mot le discours de Sergio Ermotti, CEO d'UBS.
Selon August Benz, les politiques ont réagi de manière excessive après la chute de Credit Suisse. «La stratégie du gouvernement va rendre les hypothèques plus chères, les investisseurs vont partir à l'étranger et de nombreux emplois seront perdus!» A noter aussi que le président de l'Association suisse des banquiers est Marcel Rohner, ex-CEO d'UBS.
Un lobbying qui ne s'assume pas
Ce que l'Association suisse des banquiers ne dit pas, c'est que les épisodes du podcast sont des productions payées, et donc pas du tout des contributions rédactionnelles indépendantes, comme cela semble être le cas. Il s'agit bel et bien de lobbying rémunéré sous forme de marketing d'influence, une pratique employée par de nombreuses entreprises qui rémunèrent des personnes, souvent connues, pour faire la promotion de produits ou de prises de position sur les réseaux sociaux.
Le hic, c'est que ce type de publicité doit être déclaré sans équivoque, selon la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL). Car la loi contre la concurrence déloyale exige la transparence, même pour les formats numériques.
Le conseiller national du Centre Philipp Kutter, président de la CSL, ne souhaite pas s'exprimer sur ce cas spécifique, mais il renvoie au principe 15 de la commission: «La communication commerciale, quelle que soit sa forme, est déloyale si elle n'est pas clairement identifiable comme telle et si elle n'est pas clairement séparée du reste du contenu».
«Il n'y a rien de commercial, voyons!»
Pourtant, ni Spotify ni le site web de l'Association des banquiers ne permettent de constater que les podcasts de FinanzFabio constituent une communication commerciale. Interrogée par Blick, l'association confirme: «Swiss Banking paie pour l'utilisation de la plateforme FinanzFabio». Ce faisant, l'influenceur dispose d'une «liberté éditoriale».
Entre-temps, Fabio Marchese a réagi. On peut désormais lire dans le texte accompagnant l'épisode du podcast: «Cet épisode est une coproduction payée avec SwissBanking». Mais pour pouvoir lire cette remarque, il faut cliquer dans le texte d'accompagnement et faire défiler la page jusqu'en bas, ce que très peu d'utilisateurs font.
En outre, Fabio Marchese confirme à Blick qu'il reçoit bien de l'argent de l'Association suisse des banquiers. Il n'y voit d'ailleurs aucun problème. Son podcast «n'a rien de commercial, voyons», affirme-t-il dans son message. Il a reçu un financement «pour la production». Ce qu'il propose, c'est de la «pure information».