L'ingratitude serait-elle la récompense du monde? C’est en tout cas ainsi que les dirigeants d’UBS semblent percevoir la situation actuelle. Il y a un peu plus de deux ans, la banque a repris le défunt Credit Suisse, évitant au pays – et au monde – une crise financière majeure. En retour, le géant voit aujourd’hui surgir des exigences nettement plus strictes en matière de fonds propres, perçues comme un «remerciement» bien amer.
C’est à l’aune de cette lecture que l’on comprend la pression constante exercée par les dirigeants d’UBS. Dernier épisode en date de ce lobbying: en début de semaine, Sergio Ermotti a une nouvelle fois exprimé son malaise face au plan de capitalisation envisagé par les autorités. «Nous ne pourrons pas le supporter si nous voulons en même temps rester une banque mondiale compétitive», a déclaré le CEO lors du sommet numérique 2025, devant des décideurs économiques et politiques de premier plan.
Le cours de l'action à la traîne
Sergio Ermotti n’a pas tort: si UBS doit effectivement constituer davantage de capital que ses concurrents, elle pourra verser moins de dividendes ou procéder à moins de rachats d’actions. Elle perdrait alors en attractivité auprès des investisseurs et des épargnants.
Résultat? Le cours de l’action ne reflète pas ce qu’il pourrait être, malgré l’intégration réussie du Credit Suisse. Tant que la question des fonds propres reste en suspens, UBS avance avec le frein à main. Et ce n’est pas tout, puisque le titre reste en retrait. Les bonus en actions et en options – chers aux dirigeants – perdent également de leur valeur.
Faire comme si de rien n'était?
Mais le banquier omet des faits: en Suisse, la crainte d’un effondrement bancaire reste bien vivace, ravivée récemment par le rapport de la CEP sur le naufrage du Credit Suisse. Impossible pour la politique de faire comme si de rien n’était.
Début juin, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter entend frapper fort en proposant une option maximale: une couverture en capital à 100% pour les filiales étrangères. Mais la fine stratège a déjà entrouvert une porte de sortie, au cas où la pilule serait trop difficile à avaler pour UBS.
Ce n’est en effet pas le Conseil fédéral qui aura le dernier mot, mais le Parlement – voire le peuple. Or, quiconque connaît les rouages politiques suisses sait que le processus peut s’étirer sur plusieurs années. UBS dispose donc d’un délai confortable pour convaincre une majorité de parlementaires d’assouplir le projet.
Même si elle joue aujourd’hui la carte de l’inquiétude, UBS pourrait bien sortir gagnante. Cela dit, ses dirigeants doivent garder à l’esprit que si la banque est entre de bonnes mains aujourd’hui, nul ne peut garantir que cela sera toujours le cas dans 15 ou 20 ans. La chute de Credit Suisse a prouvé qu’aucune banque, aussi solide soit-elle, n’est à l’abri d’une mauvaise gestion. C’est pourquoi la dernière grande banque suisse doit se doter d’une couverture en capital plus robuste – et trouver, en bon Helvète, un compromis équilibré.