Syndicats et patrons s'écharpent sur un accord crucial
«Les conditions sur les chantiers risquent de devenir similaires à celles qui règnent en Europe de l'Est»

Un accord de dernière minute pourra-t-il être trouvé dans la construction? Les syndicats et la Société suisse des entrepreneurs négocient ce vendredi une nouvelle convention collective. Sans accord, la situation pourrait se tendre fortement dans tout le pays.
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«Nous risquons donc de nous retrouver sans convention l'année prochaine», déclare Hans Aregger, patron de Aregger AG.
Photo: Raphaël Dupain
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Raphaël Dupain
Martin Schmidt et Raphaël Dupain

Hans Aregger est habitué au bruit: son entreprise de construction, Aregger AG, basée à Buttisholz (LU), ne se contente pas de bâtir ou de réaliser des travaux publics, elle se spécialise surtout dans la démolition. D'énormes pelles high-tech de 300 tonnes détruisent les bâtiments avec une précision millimétrique, du sommet jusqu’aux fondations. 

Mais en ce moment, Aregger AG fait beaucoup de bruit pour une tout autre raison: les négociations entre les syndicats et la Société suisse des entrepreneurs (SSE) sont très tendues. Depuis des mois, aucun accord n'a été trouvé sur une nouvelle convention collective dans le secteur de la construction. Le prochain round de discussions commence ce vendredi.

«Les syndicats restent inflexibles dans leurs exigences. Nous risquons donc de nous retrouver sans convention l'année prochaine», déclare Hans Aregger, alors qu'il surplombe l'atelier de son entreprise. 

«Les entreprises peu scrupuleuses en profiteraient»

Aucun employeur digne de ce nom ne veut se retrouver sans contrat. «Notre secteur pourrait alors connaître la même situation qu'en Europe de l'Est: travail au noir, dumping salarial et conditions de travail catastrophiques. Les entreprises peu scrupuleuses en profiteraient», avertit Hans Aregger. 

De son côté, le syndicat Construction Suisse a lancé une pétition pour éviter une période de non-contrat. A noter que les travailleurs ayant un contrat de travail en vigueur doivent recevoir une notification de rupture de contrat accompagnée des modifications proposées; à défaut, leurs conditions contractuelles actuelles resteront applicables. En revanche, les nouvelles recrues risquent d'être confrontées à une situation moins favorable.

Les conditions de travail se sont-elles améliorées ou détériorées?

Les deux camps se renvoient la balle: «la partie adverse empêche la conclusion d'une convention assortie de revendications supplémentaires», crient à l'unisson Unia et Construction Suisse. Cette semaine, ce dernier a même porté plainte pour violation de l'accord de paix. Nico Lutz, responsable du secteur de la construction chez Unia, laisse en outre entrevoir de grandes grèves pour 2026 si aucun accord n'est trouvé d'ici la fin de l'année.

Le principal point d'achoppement des négociations actuelles concerne les salaires. «Mais nous avons des conditions de travail attrayantes et des salaires élevés», affirme Hans Aregger à ce sujet. Selon la SSE, le salaire moyen dans la construction est actuellement de 6261 francs.

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La construction est en plein essor et la pression sur les travailleurs a considérablement augmenté
Nico Lutz, responsable du secteur de la construction chez Unia
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L'entrepreneur est convaincu que les conditions de travail se sont améliorées ces dernières années. «Bien sûr, le travail dans le bâtiment est dur. Mais aujourd'hui, personne n'est obligé de trimballer un sac de ciment de 50 kilos. De plus, les entreprises accordent fréquemment des augmentations de salaire individuelles aux bons travailleurs.» 

Unia l'affirme: la réglementation actuelle est illégale

Mais Nico Lutz nuance cette présentation: «La construction est en plein essor et la pression sur les travailleurs a considérablement augmenté, affirme-t-il. En parallèle, les salaires réels dans la construction ont baissé au cours des cinq dernières années. Et si l'on se fie à ce que raconte la SSE, cela devrait continuer ainsi.»

Le négociateur d'Unia va plus loin: «En ce qui concerne le temps de déplacement, la réglementation est actuellement illégale, car une partie du déplacement n'est pas indemnisée. Il devrait y avoir une amélioration, mais la SSE ajoute cette indemnité à la compensation du renchérissement. Ainsi, c'est un fait, les salaires réels baissent.» 

L'espoir d'un accord définitivement enterré?

Hans Aregger s'insurge: sans bénéfices, les entreprises de construction ne pourraient pas se développer. Selon lui, la pression des clients sur les délais est immense. C'est pourquoi il souhaiterait plus de flexibilité afin que les entreprises puissent mieux s'adapter aux fluctuations des commandes, tout comme aux intempéries et aux vagues de chaleur.

«Nous continuons de veiller au bien-être de nos employés, affirme Hans Aregger. Je continuerai à verser des salaires élevés l’année prochaine, même sans contrat.» Malgré les divergences, les discussions ont permis de rapprocher certaines positions, laissant entrevoir un accord possible ce vendredi.

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