Aujourd'hui, si tout le monde possède un téléphone, peu de gens l'utilisent vraiment. Beaucoup disent ne pas aimer téléphoner. Des études montrent que les moins de 30 ans considèrent souvent les appels téléphoniques comme stressants, certains en ont même peur. Qui n'a pas déjà «manqué» un appel et s'est empressé de prendre des nouvelles par message au lieu de simplement rappeler?
Autrefois, le téléphone était considéré comme le moyen moderne de communication, car c'était un lien direct avec l'extérieur. On ne pouvait toutefois être joint qu'à proximité de l'appareil fixe – et seulement par ceux qui connaissaient le numéro. «Il y avait ainsi régulièrement des phases d'injoignabilité», explique l'experte en numérique Sarah Genner. Même lorsque les téléphones portables sont devenus populaires, ce sont d'abord les SMS qui se sont imposés La téléphonie mobile était encore chère.
Qui est au bout du fil?
Du point de vue actuel, la téléphonie fixe peut être perçue comme une véritable aventure . Aucun écran n'indiquait qui appelait. Etait-ce la grand-mère d'Outre-mer qui téléphonait une fois par an, un élève de la classe qui voulait nous avertir que l'enseignant était malade ou un ex-compagnon que l'on préférait éviter? Les appels frauduleux de prétendus policiers et les appels publicitaires étaient beaucoup plus rares.
Téléphoner est devenu angoissant et on risque de ne pas avoir de réponse. Aujourd'hui, un numéro inconnu déclenche une réaction de stress. Nombreux sont ceux qui ne répondent plus à ces appels. Ce qui faisait partie du quotidien à l'époque paraît aujourd'hui impertinent. L'exemple type est d'appeler quelqu'un spontanément le soir et l'entraîner dans une longue conversation. «Beaucoup considèrent les appels téléphoniques spontanés comme invasifs, car ils communiquent de toute façon en permanence», explique Sarah Genner. Plusieurs appels sans réponse, à la suite, agissent «comme un SOS moderne», explique la conférencière et auteure qui s'intéresse aux effets des médias numériques sur l'Homme et la société.
C'est pourquoi, aujourd'hui, les individus préfèrent d'abord se demander par écrit s'ils peuvent s'appeler. «Nous passons étonnamment beaucoup de temps à coordonner des rendez-vous téléphoniques par écrit», observe Sarah Genner. Les appels spontanés ne sont presque plus courants, à l'exception des membres de la famille ou des amitiés proches. Mais, même là, on constate un fossé entre les générations.
De nouvelles règles de comportement
La chercheuse en communication Anne Cordier écrit dans «The Conversation» que «les adolescents ne téléphonent qu'en cas d'urgence ou lorsqu'ils ont besoin de réconfort». Ils considèrent l'immédiateté d'un appel téléphonique comme stressante et comme une perte de contrôle. Pour eux, un appel spontané semble aller à l'encontre des règles de savoir-vivre numériques. «Si un appel était autrefois considéré comme un signe de sollicitude, il peut désormais être perçu comme intrusif», explique la chercheuse française. Selon elle, si un adolescent ne répond pas à un appel, cela ne doit pas être interprété comme un rejet, mais comme l'expression de nouvelles règles de comportement.
Cela signifie-t-il que nous perdons la capacité de communiquer spontanément et directement? «Non», répond Sarah Genner. La forme de la communication spontanée s'est plutôt élargie: les messages vocaux et les photos en direct sont les appels téléphoniques 2.0. «Les jeunes en particulier utilisent ces canaux de manière intensive, avec plus de contrôle sur le moment.»
Malgré la multitude de nouveaux outils de communication, le téléphone ne disparaît pas pour autant. «A l'ère de la joignabilité permanente qui favorise le stress, il devient un instrument choisi consciemment pour les conversations importantes ou intimes», explique Sarah Genner. Et peut-être même que le simple appel fera un jour son come-back. A l'heure du déluge d'informations numériques, sa simplicité pourrait retrouver tout son attrait.