Une fausse vidéo de moi utilisée pour tromper des internautes
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Les deepfakes pullulent:Une fausse vidéo de moi utilisée pour tromper des internautes

Une fausse «Myret» vous conseille!
Je vous promets de gagner le gros lot (mais c'est fake)

Victime d'une vidéo deepfake qui utilise mon image pour vendre des escroqueries financières, j'ai dû déposer plainte pénale contre inconnu à la police. Récit d'une usurpation d'identité qui peut désormais nous arriver à tous.
Publié: 16:28 heures
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Dernière mise à jour: 17:50 heures
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Les cas de deepfake pourraient se multiplier, car ces technologies sont désormais bien plus accessibles.
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Myret ZakiJournaliste Blick

C’était le 3 septembre. Une connaissance sur Facebook m’envoie un lien. Je clique, et découvre une vidéo de moi. Très vite, je vois que quelque chose cloche avec ma tête, et surtout avec ce que je dis. C’est bien moi, c’est ma texture de voix, sauf que je ne reconnais rien de ce que je dis. Je suis en train de vanter lourdement ma crédibilité financière, pour ensuite commencer à vous vendre une escroquerie des plus grossières: m'adressant aux «citoyens suisses», j'explique qu’il vous suffit d’investir 250 francs en cliquant sur un formulaire pour gagner 35’000 francs dès le premier mois, «garanti!», sans rien faire, ceci grâce à une «technologie révolutionnaire». 

Un bouton «s'inscrire» est affiché sous la vidéo, mais je n'ose cliquer sur le lien. Panique. Je comprends que je suis victime d’un deepfake, posté sur un compte Facebook bidon, qui utilise mon image pour tromper des personnes crédules et leur extorquer des fonds, avant de disparaître dans la nature. Lorsque je la découvre, la fausse vidéo a été postée depuis 2 jours. Combien de personnes l’ont vue? Certains ont-ils donné 250 francs à ces escrocs? Je signale la page à Facebook. 

Ancienne vidéo détournée

Mais le temps que Facebook réagisse, qui sait combien de personnes auront eu le temps d’être trompées. Et si je la partageais avec mes contacts pour leur demander de la signaler en masse, ne risquerais-je pas de faire de la publicité à cette vidéo-arnaque, qui pourrait tromper encore d'autres internautes distraits? Les auteurs de la fausse vidéo n'ont pas cherché très loin: ils n'ont fait que détourner une vraie vidéo que j’ai faite pour le magazine Bilan il y a 11 ans. Cette dernière, version authentique, est toujours sur YouTube.

Déposer plainte pour se protéger

Une seule solution: je prends ma voiture et roule jusqu’au poste de la police cantonale de Thônex (GE) pour déposer plainte. C’est un petit poste; ce jour-là, il y a 3 personnes avant moi, qui déclarent principalement des cambriolages. Mon tour arrive vite et je parle à la policière au guichet de mon problème de deepfake en le lui montrant sur mon smartphone. Heureusement, la jeune policière s’avère spécialisée en cybercriminalité. Elle m'explique que ce genre d'arnaques ne fait que commencer, avec les technologies désormais disponibles sur le marché. Elle anticipe que les cas vont se multiplier. Le pire, craint-elle, sera quand l'image de policier(e)s en uniforme sera utilisée pour vendre des escroqueries en garantissant qu'elles sont sûres. 

Je m’installe et nous faisons la déposition. Elle m’aide à capter la vidéo par enregistrement d’écran, et je repars avec une attestation de dépôt de plainte pénale contre inconnu. C’est ce qu’il me fallait pour me protéger si quiconque me poursuit. 

Auteurs quasi impossibles à trouver

La police va maintenant enquêter en vue d’identifier les auteurs du deepfake, mais la policière me conseille de ne pas trop espérer: en général, dit-elle, on atterrit sur des adresses en Afrique ou ailleurs, et la coopération est difficile avec les autorités étrangères. Mais au moins, le dépôt de plainte me protège des risques légaux susceptibles de me retomber dessus. 

Les jours suivants, la vidéo est toujours sur la page. Je la signale encore. Au bout de quelques jours, le lien vers la vidéo ne fonctionne plus, puis la page Facebook qui la diffusait disparaît. Aujourd’hui, j’ignore si des internautes sont tombés dans le panneau, mais je sais que la police est sur le coup. Et qu’il va falloir apprendre à vivre avec ces risques d'un genre nouveau, dont on ne voit pas encore le bout.

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