L'Union européenne (UE) passe à l'offensive sur l'acier. La Commission a dévoilé mardi des mesures sans précédent, dont le doublement des droits de douane sur les importations, afin de protéger les sidérurgistes face à une concurrence chinoise de plus en plus écrasante.
La Commission entend tout d'abord réduire «de moitié» les quotas d'acier étranger qui peuvent être importés chaque année dans l'UE sans droits de douane, a annoncé son vice-président exécutif, Stéphane Séjourné, dans un message sur X.
En outre, les importations dépassant ces quotas vont subir des droits de douane doublés, qui passeront ainsi «de 25% à 50%», a précisé M. Séjourné. Ils grimperont ainsi à des niveaux similaires à ceux mis en place aux Etats-Unis et au Canada, selon les propositions de la Commission, qui devront être validées par les 27 et le Parlement européen.
Ce nouveau plan «pour sauver nos aciéries et nos emplois européens» doit remplacer la «clause de sauvegarde» mise en place en 2019 par l'UE pour aider les producteurs européens.
Pas d'exception pour la Suisse
Les nouvelles règles annoncées doivent s'appliquer dans le monde entier, a déclaré un fonctionnaire européen à Bruxelles. Des exceptions sont prévues pour les pays de l'Espace économique européen (EEE) – la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein – ainsi que pour les pays candidats à l'adhésion qui se trouvent dans une «situation de sécurité exceptionnelle et imminente» – c'est-à-dire l'Ukraine.
Selon les mesures de protection actuelles, les producteurs d'acier suisses bénéficient de contingents pour des produits sidérurgiques spécifiques, que la Commission européenne a accordés à la Suisse après des négociations avec la Confédération.
Cette fois-ci, les autorités bruxelloises ont renoncé à fixer des quotas spécifiques par pays. Elles estiment en effet qu'il s'agit d'un problème mondial qui nécessite une solution mondiale. Mais l'objectif est désormais d'entamer des discussions avec des partenaires économiques partageant les mêmes idées, a déclaré le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, lors d'une conférence de presse à Strasbourg.
Inquiètes, les faitières suisses veulent un dialogue
Sans quota spécifique par pays, les mesures de l'UE pour protéger sa production d'acier équivalent à une interdiction d'exportation pour les producteurs suisses, estime la faîtière metal.suisse.
Swissmem s'inquiète aussi de cette annonce. Elle attend que la Suisse obtienne de l'UE au moins des contingents appropriés, a indiqué un porte-parole de l'association à Keystone-ATS. L'objectif reste toutefois que la Suisse soit exclue des mesures prévues. Avec des contingents de la même taille que jusqu'à présent ou réduits de manière minime, les conséquences pour l'industrie sidérurgique suisse resteraient limitées. Si ce n'était pas le cas, les entreprises suisses perdraient une autre partie du marché européen de l'acier, a ajouté le porte-parole.
Les droits de douane de 50% qui s'appliqueraient après l'épuisement du contingent en franchise n'ont ici aucune importance. Même avec des droits de douane de 25%, qui correspondent au taux actuel, les exportateurs n'ont plus aucune chance sur le marché européen, souligne Swissmem.
La faîtière de la construction métallique metal.suisse espère, elle aussi, un dialogue constructif entre les autorités suisses et européennes, a indiqué son directeur, Andreas Steffes, à Keystone-ATS. Et d'ajouter que, sans solution, la production en Suisse devient «impensable».
Sans quota spécifique à chaque pays, le principe du «premier arrivé, premier servi» s'appliquera, ce qui n'est pas une option pour les usines de recyclage suisses, car elles ne produisent de l'acier que lorsqu'il y a un besoin. C'est pourquoi, du point de vue de metal.suisse, les usines suisses ne contribuent pas au problème de la surproduction mondiale, contre lequel l'UE souhaite se protéger, souligne M. Steffes.
Swiss Steel dubitatif
De son côté, l'aciériste lucernois Swiss Steel ne peut pas encore apprécier exactement les effets du renforcement des mesures de protection décidées par l'Union européenne sur les importations d'acier. Il est prématuré de tirer des conclusions pour Steeltec, filiale de Swiss Steel.
La question décisive pour les futurs contingents par pays reste ouverte, a déclaré mardi soir à AWP une porte-parole du lucernois. On va examiner soigneusement les détails. Ce qui est clair, c'est que la nouvelle règlementation ne doit pas inutilement entraver la chaîne de création de valeur industrielle entre la Suisse et l'UE, a précisé la porte-parole.
Pour Steeltec, les efforts des autorités helvétiques sont décisifs. Celles-ci sont intervenues à diverses reprises auprès de l'Organisation mondiale du commerce OMC en demandant que la Suisse soit exemptée des mesures de protection, car le commerce entre la Suisse et L'UE est réglé par l'accord de libre-échange.