Accusé de mauvaise gouvernance
Swatch Group se fait démonter par l'un de ses actionnaires dans un rapport assassin

Greenwood, un fonds new-yorkais actionnaire de Swatch Group, épingle l'horloger dans un rapport assassin pour sa sous-performance et l'accuse de mauvaise gouvernance. Le groupe dément et se réserve le droit d'agir contre ces «fausses allégations».
Le conflit qui oppose Nayla et Nick Hayek à l'actionnaire minoritaire Steven Woods pourrait encore s'intensifier d'ici à l'AG d'avril 2026.
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Myret ZakiJournaliste Blick

Rien ne va plus entre Swatch Group et l'un de ses actionnaires, Greenwood Investors. Ce fonds d'investissement new-yorkais, petit mais à l'approche activiste, gère à peine 150 millions d'avoirs de clientèle. Pourtant, depuis un an, il s'est mis en tête de forcer le changement au sein du groupe de Nick Hayek.

Au cours des 18 derniers mois, Greenwood Investors a contacté plusieurs fois la direction, et demandé que la gouvernance du groupe s'améliore sur différents points. Mais depuis mars 2025, la relation est rompue: Nick Hayek, président du comité exécutif, et sa sœur Nayla Hayek, présidente du conseil d'administration, refusent de voir les représentants du fonds et de répondre à leurs messages.

Ces dernières années, Swatch Group a été, il est vrai, une grosse déception pour les investisseurs. Le propriétaire d'Omega, Longines et Breguet a vu sa valorisation fondre à 10 milliards de dollars en 2020, après avoir culminé à 34 milliards en 2014. En septembre 2021, Swatch Group a perdu sa place au sein du SMI, l'indice des plus grandes valeurs de la Bourse suisse. Depuis sa sortie du SMI, l'action a perdu 35%. L'investisseur qui aurait acheté l'action il y a 10 ans aurait perdu 13% aujourd'hui.

Marges et revenus déclinants

Dans un rapport explosif publié mi-novembre, Greenwood alerte sur la position à la traîne qu'occupe l'entreprise sur le marché horloger. «Le maintien du statu quo actuel est inacceptable et fatal pour Swatch Group», dit le rapport. «L'industrie horlogère dans son ensemble affiche 64% de hausse de ses revenus depuis 2010, contre seulement 6% pour Swatch Group, dont les revenus et marges ont stagné. Les marques premium et luxe du groupe ont perdu d'importantes parts de marché.» 

Et en effet, après des années de marges solides (13-15%), celle-ci s'est effondrée à 4,5% en 2024. Et le rapport indique que les ventes d'Omega, Breguet et Blancpain ont sous-performé leurs segments respectifs après le décès, en 2010, du patriarche et fondateur Nicolas George Hayek et l'arrivée de la nouvelle génération Hayek. 

Le 21 mai dernier, l'assemblée générale (AG) avait accordé avec seulement 55,7% des voix la décharge aux membres du conseil d'administration et de la direction. Un camouflet pour Swatch Group, sachant qu'en Suisse, un résultat en dessous de 80% est déjà considéré comme un désaveu des actionnaires. 

Litige depuis l'AG de 2025

Dans leur rapport, l'analyste et fondateur du fonds, Steven Wood et son collègue Chris Torino, critiquent aussi la mauvaise gouvernance de Swatch Group, qu'ils décrivent comme «dernier de classe» dans ce domaine. A cet égard, le mauvais traitement que Swatch réserverait aux investisseurs est jugé problématique. Et c'est là que se situe le fond du litige, l'investisseur ayant entamé une procédure légale depuis l'AG du 21 mai dernier. 

En effet, lors de l'AG, Steven Wood avait recueilli 61,9% des voix des actionnaires au porteur et se pensait légitime pour être élu au conseil d'administration du groupe. Toutefois, l'AG a rejeté son élection à une large majorité (79,2% des voix contre). Steven Wood affirme, dans son rapport, que ce procédé est illégal. 

Contactée, la communication de Swatch Group dément toute illégalité, «se réservant tous les droits d'agir» contre ces «fausses allégations». Le groupe cite un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 66 II 43) selon lequel une AG a le droit de rejeter l'élection d'un représentant d'une classe d'actionnaires au conseil d'administration si des «motifs importants» sont évoqués.

Candidature jugée inadéquate

Or ces «motifs importants», que rejette Steven Woods, étaient dénombrés déjà en avril dans l'ordre du jour de l'AG de 2025, signé par la présidente Nayla Hayek. 

Le conseil d'administration de Swatch Group y exprimait clairement ses objections à voir l'investisseur américain le rejoindre: «M. Steven Wood, citoyen américain, n'a aucun lien apparent avec la Suisse, ni avec l'industrie suisse et ses produits», pouvait-on y lire. 

«Il n'est pas connu personnellement du conseil d'administration. Ce dernier a une structure légère. Il est composé de membres qui comprennent la culture d'entreprise Swiss Made de Swatch Group. (...) il est important pour Swatch Group que les membres de son Conseil soient de nationalité suisse ou qu'ils aient leur centre de vie en Suisse. M. Steven Wood ne possède pas ces conditions.»

Par ailleurs, il était souligné que Steven Wood siège au conseil d'administration de Leonardo, le fabricant d'armes italien. Pour Swatch Group, cela le disqualifie. «Le Conseil s'oppose strictement à l'élection d'une personne qui est engagée dans un groupe d'armement international en raison des risques de réputation», ajoutait l'entreprise.

La communication du groupe nous écrit également qu'elle trouve «étonnant que Blick s’intéresse à ce pamphlet d’un investisseur activiste américain», et ajoute qu'elle doute qu'il détienne 0,5% du capital qui lui permette de remplir les critères légaux pour placer des motions à l'ordre du jour de la prochaine AG. 

Davantage de membres indépendants

Un porte-parole de Greenwood Investors nous confirme par mail que le fonds détient 0,5% des actions Swatch. Une participation très minoritaire, qui ne pèse pas lourd face aux 44,1% que contrôlent la famille Hayek et membres affiliés, mais qui suffit au plan légal pour ajouter des points à l'ordre du jour d'avril prochain. 

Steven Wood – qui n'a eu aucune nouvelle de Nick Hayek depuis qu'il a publié ce rapport – espère représenter l'ensemble des actionnaires au porteur auprès de Swatch. «Nous comptons exiger que l'entreprise adopte des standards minimaux de bonne gouvernance», annonce-t-il dans son rapport. 

Parmi les changements que le fonds veut introduire, figure l'interdiction du cumul des postes de présidence du conseil d'administration et de membre du comité exécutif de Swatch Group. Mais aussi l'entrée de trois représentants des actionnaires au porteur dans le conseil d'administration, et l'exigence d'avoir trois membres du conseil qui soient indépendants.

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