Il s'agit de la commande la plus importante et la plus chère jamais passée par les CFF... et le constructeur ferroviaire suisse Stadler Rail repart bredouille. Le PDG des CFF Vincent Ducrot et le responsable du trafic voyageurs Reto Liechti soulignent à plusieurs reprises que les points attribués pour les critères d'adjudication ont été répartis de manière «mathématique». «Nous n'attribuons pas simplement deux ou trois points parce que quelque chose nous plaît», souligne Reto Liechti lors de l'annonce à Berne.
Il est en revanche surprenant de constater que le gagnant du contrat CFF n'est autre que le rival allemand de Stadler Rail: Siemens Mobility. Il remporte la commande grâce à sa proposition de 116 trains à deux étages, d'un montant de deux milliards de francs. «Le choix était clair», déclare Vincent Ducrot. Les coûts d'investissement, les frais d'exploitation, l'énergie et la maintenance ainsi que la durabilité ont notamment fait la différence.
Les fournisseurs suisses repartent bredouille
Le CEO de Stadler Markus Bernsteiner parle d'une «grande déception» tandis qu'il élogie ses propres trains à deux étages extrêmement fiables, déjà utilisés par les CFF. Stadler souligne que, malgré son site de production en Suisse, la différence de prix effective n'était que de 0,6%. Il y a donc matière à discussion. Contrairement à Stadler, Siemens n'a pas d'ateliers d'entretien en Suisse, mais obtient néanmoins de meilleurs résultats en matière de maintenance selon les CFF.
Dans son offre, Stadler souligne que près de 80% de la valeur ajoutée est générée en Suisse. Les profilés en aluminium destinés à la construction du châssis proviennent de Constellium à Sierre (VS), les trains sont assemblés dans les usines de Bussnang (TG) et St. Margrethen (SG).
Siemens marque toutefois davantage de points en matière de durabilité. Le rival de Stadler fabriquera les trains à Krefeld, en Allemagne: environ 25% du volume d'investissement devrait être réalisé en Suisse.
Le train de Siemens n'existe que sur le papier
Alors que Stadler a mis en course un modèle de train éprouvé, le Kiss, Siemens a élaboré un nouveau concept à partir d'éléments existants. Pourtant, les CFF se sont déjà attirés bien des ennuis avec le FV-Dosto de Bombardier, connu comme étant le «train qui secoue», qui n'existait à l'époque également que sous forme de concept.
Expérimenter au détriment des voyageurs? Sur le réseau très fréquenté des CFF, soumis à des exigences spécifiques en matière de matériel roulant, il est pratiquement impossible d'acheter un véhicule prêt à l'emploi, expliquent les CFF en réponse aux questions de Blick. Les adaptations ne seraient toutefois pas comparables à l'ampleur qu'avaient prise celles du FV-Dosto.
Critique des syndicats et de la politique
Avec cette commande, ce sont deux milliards de francs qui partent en Allemagne! Cela suscite des réactions de la part des syndicats et de la politique: avec près de 6000 emplois, Stadler Rail SA est l'un des plus grands employeurs de l'industrie suisse. «Dans son message relatif à la loi fédérale sur les marchés publics, le Conseil fédéral mentionne explicitement 'la prise en compte des entreprises qui contribuent à renforcer la place industrielle et de formation en Suisse et qui encouragent les innovations économiques», peut-on lire par exemple chez Unia.
Vendredi, le conseiller national UDC argovien Thomas Burgherr a déposé une motion au Parlement concernant l'attribution du contrat. Il souhaite ainsi savoir si les intérêts et la situation de l'emploi au sein de l'industrie suisse ont été pris en compte.
«Les principes du droit des marchés publics continuent de prescrire l'égalité de traitement et la non-discrimination des soumissionnaires, a déclaré un porte-parole des CFF. Il n'est pas permis de privilégier les entreprises nationales ou de créer des avantages concurrentiels pour les entreprises nationales», a-t-il ajouté.
Stadler veut maintenant examiner attentivement les motifs de l'attribution du contrat par les CFF. Le délai pour un recours a commencé à courir.