Les renseignements s'enfoncent dans la crise
Les services secrets suisses cherchent un nouveau chef... mais font chou blanc

La nomination du futur chef des renseignements suisses prend du retard. Le poste, pourtant crucial pour la sécurité du pays, peine à séduire. Selon des sources internes, les candidats ne se bousculeraient pas au portillon. Les favoris, eux, seraient déjà hors course.
Publié: 05:27 heures
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Dernière mise à jour: 07:19 heures
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Viola Amherd, Christian Dussey (g) et Thomas Süssli (d.) ont annoncé leur démission en janvier.
Photo: Keystone
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Daniel Ballmer

Des collaborateurs très insatisfaits, des Cantons mécontents de la collaboration, et une grande réforme qui piétine: le Service de renseignement de la Confédération (SRC) est en crise. Usé par des critiques incessantes, son chef Christian Dussey annoncé au mois de janvier 2025 sa démission pour l'année suivante.

Mais personne ne souhaite attendre aussi longtemps. Le SRC est un pilier central de la défense nationale helvétique et il se doit d'être rapidement remis sur les rails. C'est en tout cas ce qu'estime le nouveau ministre de la Défense Martin Pfister, lequel a institué une commission de sélection spéciale, afin de trouver au plus vite un successeur à Christian Dussey. Le message est clair: le temps presse.

Mais il semble désormais que la question de la succession ne pourra pas se régler aussi rapidement. «La recherche est manifestement difficile», explique-t-on au sein du Département de la défense (DDPS). «Il est bien possible que le processus soit retardé.» En fait, l'élection aurait dû se tenir à la fin du mois de juin, lors de l'ultime séance du Conseil fédéral avant le début des vacances d'été. Mais à la surprise générale, aucune décision n'a été prise: «Au SRC, tout le monde s'impatiente», explique-t-on.

Les favoris seraient hors course

Le problème, c'est que le nombre de candidats au poste serait très limité. «Au vu de la situation initiale, ils ne se bousculent pas au portillon», rapportent des sources bien informées. Les favoris cités publiquement seraient, eux, déjà hors course. 

C'est notamment le cas du Valaisan Jacques Pitteloud, rapporte son entourage. Le représentant permanent de la Suisse auprès de l'OTAN avait déjà été pressenti en 2021 pour succéder à Jean-Philippe Gaudin, fraîchement évincé de la tête du SRC. Ancien agent des services secrets, Jacques Pitteloud est pourtant considéré comme un homme capable de gérer avec brio les cas délicats. Mais il a également été impliqué dans plusieurs affaires.

Alors qu'il officiait en tant qu'ambassadeur de la Suisse au Kenya, il avait notamment été accusé de tentative de contrainte et d'abus d’autorité par des hommes d’affaires kényans, avant d'être définitivement blanchi en 2018 par le Tribunal fédéral. Début 2020, soit un an après avoir pris la tête de l'ambassade suisse aux Etats-Unis, il s'était fendu d'une blague malvenue sur le Covid au Forum économique de Davos, ce qui lui avait valu quelques gros titres de la presse helvétique.

Une boulette insuffisante toutefois pour entacher son excellente réputation. «Il serait une solution très intéressante pour la direction du SRC», explique un initié. «Mais pas non plus une solution indiscutable.» Contacté par Blick, Jacques Pitteloud ne souhaite pas s'exprimer.

Le poste ne séduit pas

Un autre nom était également cité parmi les favoris: celui de Gabriel Lüchinger, le chef de la division Sécurité internationale du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Considéré comme un «touche à tout», de la politique, il intervient régulièrement au nom du Conseil fédéral lorsque des dossiers internationaux se compliquent. C'est notamment lui qui a organisé le sommet sur l'Ukraine au Bürgenstock en juin 2024. Depuis avril 2024, il est l'envoyé spécial de la Suisse pour les Etats-Unis.

Mais là aussi, l'idée de voir Gabriel Lüchinger prendre la tête du SRC ne semble plus d'actualité. Des sources internes expliquent que le poste ne l'intéresserait pas outre mesure. Le haut fonctionnaire pourrait ainsi poursuivre sa carrière autrement, lui qui est régulièrement sollicité pour prendre la tête de certains services clés de la Confédération.

Sollicité par Blick, Gabriel Lüchinger ne souhaite pas réagir non plus. Mais il «espère personnellement que l'on parviendra bientôt à stabiliser le SRC à long terme, dans l'intérêt de la sécurité de notre pays». A l'heure qu'il est, une candidature issue des corps de police cantonaux serait en pole position. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour le SRC. Après tout, le travail du service secret se déroule en grande partie dans les cantons.

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