Le passeport suisse n’est pas facile à obtenir. Pour le décrocher, il faut franchir plusieurs obstacles et prouver son intégration. Selon les critères minimaux définis par la Confédération, de nombreux étrangers pourraient se faire naturaliser. Pourtant, seule une partie d’entre eux en fait la demande, et le choix de franchir cette étape dépend souvent du lieu de résidence.
De nouvelles données provenant du canton de Zurich – une sorte de microcosme de la Suisse avec sa ville, sa campagne et son agglomération – révèlent un écart saisissant: dans les communes prospères situées autour du lac de Zurich, un nombre relativement élevé de demandes de naturalisation est déposé, alors même que peu de résidents remplissent les conditions de base.
A l’inverse, dans les communes où la proportion d’étrangers est importante, beaucoup pourraient déposer une demande – ils vivent en Suisse depuis au moins dix ans et disposent d’une autorisation d’établissement (permis C) – mais seule une faible part le fait. Le nombre de demandes y reste donc relativement bas.
Où les demandes sont les plus nombreuses?
Selon les autorités zurichoises, la proportion d’étrangers n’est pas, à elle seule, «le facteur déterminant de la densité des demandes». Blick a obtenu et analysé les données détaillées de l’Office cantonal de la statistique, qui permettent de tirer des conclusions intéressantes au-delà du plus grand canton suisse.
- L’effet «Côte d’Or»: Peu de résidents remplissent les conditions de base, mais beaucoup déposent des demandes: c’est le schéma observé sur la Côte d’Or, la rive droite du lac de Zurich. A Küsnacht, par exemple, 6,8 demandes de naturalisation pour 1000 habitants ont été déposées l’année dernière, malgré le fait que seuls 9,5% de la population remplissent les critères formels. Dans d’autres communes de la rive, comme Zollikon, Herrliberg et Meilen, les chiffres sont similaires: un véritable «effet Côte d’Or» en matière de naturalisations.
- Communes riches en tête: L’effet est encore plus marqué à Rüschlikon et Kilchberg, sur la rive opposée, deux communes financièrement très aisées. Rüschlikon, la commune la plus riche du canton, est en tête avec 12,6 demandes pour 1000 habitants, alors que seulement 10,2% de la population pourrait légalement se faire naturaliser. Kilchberg suit avec 9,1 demandes pour 1000 habitants, pour 9,7% d’ayants droit.
- Le cas de Schlieren: A l’opposé, dans la vallée de la Limmat, l’effet est inverse: malgré une proportion élevée de résidents éligibles, le nombre de demandes reste faible. Dans la ville de Schlieren, 22,7% des habitants pourraient se faire naturaliser – le pourcentage le plus élevé du canton – mais seules 6 demandes pour 1000 habitants ont été déposées. La situation est similaire à Dietikon: 22,1% d’éligibles, mais seulement 6,3 demandes pour 1000 habitants.
«Des candidats très instruits et aisés»
Pourquoi tant de demandes dans les communes aisées du lac de Zurich? Plusieurs hypothèses existent. Il est possible qu’un plus grand nombre de résidents y sollicitent rapidement le passeport suisse dès qu’ils y ont droit, ce qui réduit proportionnellement la part des ayants droit. Certaines communes du lac accueillent également de nombreux expatriés temporaires, qui ne peuvent pas déposer de demande.
Une chose est sûre: la structure sociale y est très différente de celle des communes moins riches. Les communes du lac affichent les revenus imposables les plus élevés par habitant, tandis que Schlieren et Dietikon sont en queue de classement. Les différences se reflètent également dans le recours à l’aide sociale.
Un représentant communal responsable des naturalisations, cité anonymement dans l’étude, résume: «Sur la Côte d'Or, nous avons des candidats très instruits et aisés, les conditions sont facilement remplies. Souvent, toutes les pièces justificatives sont déjà jointes à la demande et un entretien peut être fixé rapidement après examen des documents.»
Sans diplôme universitaire, les chances diminuent
L’existence d’un lien entre la situation financière et le nombre de demandes n’a pas été analysée en profondeur. Les données zurichoises confirment néanmoins les observations d’une étude nationale. Depuis 2018, le nouveau droit de la nationalité suisse est en vigueur: la durée minimale de séjour a été réduite de douze à dix ans, mais les exigences ont été durcies, notamment sur les connaissances linguistiques et l’indépendance économique.
Une étude publiée en 2024 pour la Commission fédérale pour les questions de migration souligne que la naturalisation n’est pas un droit automatique. Les personnes obtenant une naturalisation ordinaire sont désormais davantage «privilégiées»: elles sont souvent hautement qualifiées et bien établies. Avant la réforme, environ un tiers des naturalisés possédaient un diplôme universitaire. Désormais, plus de la moitié en ont un. A l’inverse, la part des personnes sans formation continue est passée de près de 24% à moins de 9%.
L’étude conclut que ces nouvelles règles favorisent les personnes mieux formées et disposant de revenus élevés, ainsi que celles maîtrisant la langue. Les personnes ayant eu recours à l’aide sociale ou rencontrant des difficultés linguistiques voient leurs chances considérablement diminuer.