Félicité par Donald Trump, qui a déclaré qu’il «fait un excellent job», le président argentin peut se réjouir: ses réformes ultralibérales, qui traversaient de grosses difficultés ces derniers mois, vont pouvoir se poursuivre.
Elles seront soutenues par une aide du Trésor américain sans précédent, qui sera portée de 20 à 40 milliards de dollars. Celle-ci était promise à Milei en cas de succès aux élections de mi-mandat de ce 26 octobre. Et ce succès a été au rendez-vous. Dimanche, le parti de Milei, «Libertad Avanza», a été plébiscité à hauteur de 40,7% au Congrès argentin, devançant le parti d’opposition péroniste de centre gauche, Fuerza Patria, qui réalise 31,7%.
Soutien massif du Trésor US
Une victoire de Milei largement due au soutien de Donald Trump, a dénoncé hier Juan Grabois, un leader des jeunes péronistes: «Son directeur de campagne s'appelle Donald Trump, et son ministre de l'économie, Scott Bessent, le secrétaire au Trésor américain», a-t-il déclaré. Les deux partis opposés étaient encore au coude-à-coude dans les sondages ces dernières semaines. Et le 7 septembre, les péronistes avaient battu le parti de Milei aux élections provinciales de Buenos Aires.
Milei est donc officiellement soutenu au plan financier par Washington. Une aide qui vient s'ajouter à celle du FMI obtenue en avril dernier. C’était déjà Donald Trump qui avait pressé l'organisation d’accorder à l'Argentine un nouveau programme de prêts à hauteur de 20 milliards de dollars. Les Etats-Unis sont le plus gros contributeur financier du FMI.
Depuis 1958, l’Argentine a obtenu 23 programmes d'aides du FMI, portant le total à 177 milliards de dollars.
Difficultés avant l'aide
Pour Milei, il faudra encore gagner des alliés. Les résultats suggèrent en effet que son parti et ses alliés obtiendront environ 100 sièges dans la nouvelle Chambre basse, et qu’il lui faudra encore le soutien de petits partis centristes pour atteindre les 129 sièges nécessaires pour faire passer des lois. Au Sénat, la situation est similaire.
Les jours d’avant élections, l’Argentine subissait une crise monétaire inquiétante, le peso ayant décroché après la victoire des péronistes à Buenos Aires. Les investisseurs avaient perdu confiance en la capacité de Milei à rallier du soutien pour mener à terme sa libéralisation au pas de charge. Un soutien direct du Trésor américain, qui a mis à disposition jusqu’à 20 milliards de dollars pour stabiliser le peso, et avait acheté pour environ 2 milliards de pesos contre dollars, n’avait pas réussi à stopper le décrochage.
Depuis le résultat des élections, le peso a déjà regagné 8% contre le dollar, les marchés étant rassurés. Par ailleurs, les obligations souveraines du pays, libellées en dollars, ont bondi suite au retour de confiance des investisseurs internationaux.
Fin des garanties salariales
A présent, les priorités de Milei seront de réformer la fiscalité pour réduire la TVA et l’impôt sur le revenu, et de mettre en place les «salaires dynamiques». Dans ce cadre, les minimums prévus par les conventions collectives pour les travailleurs d’un secteur seront redéfinis comme un plafond. La réforme accordera plus de place à la négociation au niveau de l’entreprise, et établira un lien accru avec la productivité individuelle. En outre, l'indexation sur l'inflation sera abandonnée.
Environ 220'000 emplois ont été perdus depuis l’investiture de Milei, selon un think-tank argentin, notamment dans le secteur de la construction, avec le gel de chantiers publics. Ces pertes d'emploi, ainsi qu'une croissance anémique de l'économie, n’ont pas permis à une majorité d'Argentins de ressentir les bienfaits d'une inflation qui a par ailleurs été maîtrisée.
Influence américaine affichée
Pour l’administration Trump, Milei est une pièce centrale de sa stratégie en Amérique latine, où Washington s’efforce de réduire l’influence chinoise, d'après le «Wall Street Journal». Dans un discours révélateur, le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, après avoir félicité Milei sur X, a écrit dans son post que «l’Argentine est un allié vital des Etats-Unis» et que le continent sud-américain «est en route vers un avenir économique radieux».
Evoquant les montants mis en jeu par les Etats-Unis, le correspondant de Bloomberg à Buenos Aires a estimé qu'il s'agit d'«un soutien américain sans précédent pour l’Argentine», qui «fait penser à l’approche «quoi qu’il en coûte» adoptée par le banquier central Mario Draghi en Europe. Les gains géopolitiques attendus par Washington à travers cette stratégie sont en effet très importants.
OPA sur les ressources
Derrière ces efforts américains, il y a le fait que l’Argentine est, pour Washington, un rare îlot libéral et un prolongement de son influence dans une Amérique latine dominée par des leaders de gauche. Mais les véritables raisons de ce soutien sont à chercher du côté des ressources hautement convoitées du pays: l’Argentine dispose de réserves de lithium, d’uranium, de cuivre et d’or, entre autres. Et le gouvernement de Trump a des visées claires sur ces dernières, au moment où la Chine a limité ses exportations de terres rares. Selon le «Wall Street Journal», Milei a eu des discussions directes au sujet de concessions donnant à Washington l'accès aux ressources du pays en échange de l'aide reçue.
Chasser la Chine
Autre concession attendue, et déjà discutée avec Buenos Aires: Donald Trump et Scott Bessent ont explicitement déclaré que l’Argentine doit rompre ses liens avec la Chine, au moment même où se discutait l'aide de 40 milliards.
Washington ne veut surtout pas voir la Chine accroître son influence dans le pays. «L'administration Trump a fait de l'affaiblissement de la Chine en Amérique latine sa priorité en termes de sécurité nationale, et a fait pression sur plusieurs pays de la région afin qu'ils rompent avec Pékin», peut-on lire dans l'article précité du «Wall Street Journal».
La Chine est le deuxième partenaire commercial de l'Argentine, et son premier acheteur de produits agricoles. Pékin dispose actuellement d’un accord avec Buenos Aires, portant sur 18 milliards de dollars avec la banque centrale argentine, qui permet à Buenos Aires de payer des produits chinois directement en yuan. Se passer de cet accord figurera parmi les contreparties attendues par Washington. L’aide américaine aura donc probablement un prix conséquent pour l'Argentine de Milei.