Les pastèques poussent aussi dans le Seeland. Chez l’agriculteur bio Valentin Birbaum, elles fleurissent même en plein champ. «Je voulais juste essayer», explique-t-il. Et l’essai s’est révélé concluant: environ deux tonnes de pastèques poussent chaque année sur une parcelle de la ferme. Prix au kilo: 4,50 francs. «Ça en vaut la peine», ajoute Valentin Birbaum.
Mais ce n’est pas la seule originalité du paysan. Dans l’un des champs de la ferme Faver, à Wallenbuch (FR), les membres de l’association «TaPatate!» peuvent aussi récolter des haricots. Aller récolter soi-même des légumes fait partie de l’abonnement du maraîcher, explique Valentin Birbaum. Un modèle participatif, écologique et innovant, que les organisations agricoles et environnementales voient comme une planche de salut pour les paysans en difficulté. Mais une question demeure: est-ce suffisant pour assurer leur avenir?
Une agriculture suisse en quête d’avenir
L’agriculture helvétique est à la croisée des chemins. La grande question est la suivante: quelle direction prendre après 2030? Une vaste réforme agricole est en cours de discussion à Berne. Mais l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) est sous pression de toutes parts. Une situation que ressentent surtout les agriculteurs traditionnels.
Ils estiment que la Confédération laisse tomber les exploitants. Conditions de travail difficiles, manque de relève, protection douanière insuffisante. En plus, Berne interdirait davantage de produits phytosanitaires qu’elle n’en autoriserait. Un comble, selon les protestataires, puisque l’objectif affiché par la Confédération est de favoriser une alimentation plus végétale.
Même les agriculteurs bio comme Valentin Birbaum partagent une bonne partie de ces critiques. Sauf sur les pesticides, dont ils n’ont pas besoin. «Avec nos méthodes, nous obtenons lentement, mais sûrement, le même rendement que l’agriculture conventionnelle», affirme Valentin Birbaum. A la ferme, l’équipe privilégie par exemple le paillage: les cultures poussent sur un sol recouvert d’une épaisse couche de matière organique qui garde la terre humide, fertile et exempte de mauvaises herbes.
Miser sur l’innovation face au changement climatique
Pour ce faire, Valentin Birbaum a même importé une machine d’Allemagne. Mais beaucoup de travaux se font encore à la main. «Si nous continuons à investir de manière cohérente dans des méthodes de culture d’avenir, nous pourrons limiter la perte de rendement due au changement climatique», assure l’agriculteur bio.
La ferme Faver, créée il y a plus de trente ans par son père René Birbaum, s’est consacrée entièrement à l’agriculture régénérative. Les sols doivent être protégés, les cultures variées et aussi naturelles que possible. En octobre, l’exploitation passera officiellement aux mains de Valentin Birbaum. «Chaque année, nous nous agrandissons un peu plus», explique-t-il. Entrepôts, remises, magasin à la ferme et logements locatifs complètent aujourd’hui l’activité agricole. Bientôt, un nouveau bâtiment sera construit pour préparer directement sur place les produits destinés à la vente.
La voie de la vente directe
L'objectif est clair: s’éloigner des grands distributeurs et des chaînes de restauration qui pressent les paysans avec des prix trop bas. La ferme Faver fournit déjà des commerces de proximité et trois restaurants. «Et de plus en plus veulent s’approvisionner chez nous», se réjouit Valentin Birbaum.
La vente directe permet d’être compétitif: «Nos produits bio sont moins chers que ceux des grands distributeurs», souligne-t-il. Mais les revenus restent modestes. Les salaires sont fixés collectivement en fonction de la situation de chacun. «J’aimerais évidemment être mieux payé», admet l’agriculteur. Beaucoup repose encore sur la solidarité, notamment le travail bénévole des membres de l’association «TaPatate!».
Une réforme agricole espérée
Les organisations qui défendent une agriculture durable attendent donc beaucoup de la future réforme. «La Confédération doit enfin créer des conditions-cadres pour que l’agriculture écologique soit rentable», affirme Daniel Seifert, responsable de projet à la fondation Biovision. «Et il faut de gros acheteurs. L’Etat, avec les cantons et les villes, devrait montrer l’exemple, par exemple en approvisionnant les cantines publiques avec des produits durables.» Daniel Seifert cite l'exemple de Copenhague: la capitale danoise fournit 85% de ses cuisines publiques avec des produits bio.
Mais la Confédération semble prendre une autre voie. Le Conseil fédéral a récemment simplifié l’autorisation de produits phytosanitaires venant de l’Union européenne (UE). Et bientôt, le Parlement se prononcera sur une intervention du président du Centre, Philipp Matthias Bregy, qui souhaite autoriser automatiquement en Suisse les pesticides utilisés chez nos voisins – une mesure destinée à renforcer l’agriculture conventionnelle.
Cette décision illustre une réalité: l’Union suisse des paysans reste très influente sur la politique agricole. Pourtant, l’«Alliance agraire», qui regroupe Biovision et 18 autres organisations, plaide pour une agriculture plus durable – avec le soutien d’agriculteurs bio comme Valentin Birbaum. Mais leur voix risque de ne pas peser suffisamment, estime Daniel Seifert. La plupart des agriculteurs n’ont tout simplement ni le temps ni l’énergie de s’engager politiquement. Valentin Birbaum, lui, garde un espoir: «J’aimerais que la politique tienne enfin compte des coûts sociaux. Mais pour l’instant, j’ai déjà plus qu’assez à faire avec ma ferme.»