Licenciement chez Protestinfo
L'Eglise protestante se défend et dénonce des accusations «factuellement fausses»

Le licenciement de deux journalistes de Protestinfo continue de secouer l’Eglise évangélique réformée vaudoise. Accusée d’ingérences et d’abus de pouvoir, l’institution réfute toute implication et dénonce des affirmations «factuellement erronées».
L'ex-conseiller d'Etat Philippe Leuba préside aujourd'hui le Conseil synodal de l'EERV.
Photo: Blaise Kormann

L’affaire du licenciement de deux journalistes de Protestinfo continue de susciter de vives réactions au sein de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Après les révélations de Blick sur un courrier adressé le 28 octobre par Philippe Leuba – ancien conseiller d’Etat vaudois et actuel président du Conseil synodal de l’EERV – à plusieurs collaborateurs de l’institution, le Conseil synodal prend pour la première fois publiquement la parole sur cet épisode.

Signée également par Vincent Guyaz, conseiller synodal en charge des ressources humaines, la lettre ne prévoit aucune sanction disciplinaire. Elle rappelle toutefois aux employés leur devoir de «prudence» et de «loyauté» lorsqu’ils s’expriment dans l’espace public, y compris dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le texte reproche surtout à la lettre ouverte signée par des soutiens des journalistes licenciés de contenir des «informations factuellement erronées» ainsi que des «mises en cause personnelles» visant la vice-présidente du Conseil synodal.

Plusieurs figures du monde protestant et académique établissent un lien direct entre le licenciement des deux journalistes, Anne-Sylvie Sprenger et Lucas Vuilleumier, et un premier courrier, daté du 3 octobre, déjà signé par Philippe Leuba et Vincent Guyaz. Dans ce document, le Conseil synodal évoquait des «menaces» de la part de la rédaction de Protestinfo. Une formulation vivement contestée par les signataires de la lettre ouverte. «Parler de menace, c’est de la diffamation», déplore notamment le théologien Jean-Marc Tétaz.

Une affaire volontairement étouffée?

Les signataires affirment par ailleurs que l’EERV aurait cherché «par tous les moyens» à étouffer l’enquête sur une affaire d’abus sexuel, à l’origine du travail journalistique ayant conduit au licenciement. Une accusation que l’institution réfute catégoriquement. «C’est factuellement faux», tranche-t-elle.

Le Conseil synodal assure n’avoir jamais tenté d’entraver une quelconque enquête et affirme avoir transmis aux journalistes l’ensemble des éléments disponibles dans ses archives. Il rappelle également que l’affaire relevait de l’autorité universitaire, auprès de laquelle «la seule plainte à notre connaissance a été déposée». L’EERV souligne au passage qu’elle lutte depuis des années «contre les abus à la personne».

Ingérence et abus de pouvoir contestés

Autre reproche formulé: une ingérence présumée dans le «processus rédactionnel», à travers une demande de gel de l’article, perçue comme une preuve que «les Eglises abusent de leur position d’employeur pour interférer dans le travail journalistique». Là encore, l’EERV conteste. «C’est factuellement faux», répète-t-elle, affirmant que le Conseil synodal n’a jamais demandé la suspension ni la non-publication de l’article.

La lettre ouverte évoque également un possible abus de pouvoir: une membre du Conseil synodal, mise en cause dans l’enquête des journalistes licenciés, aurait utilisé sa fonction de présidente du Conseil exécutif de la Conférence des Eglises réformées romandes (CER) pour faire pression, ce qui aurait conduit au licenciement.

L’EERV réfute cette version. La conseillère synodale concernée «n’est pas intervenue» dans cette décision et se serait au contraire limitée à fournir des réponses écrites à l’agence de presse Protestinfo, sans jamais demander le retrait de l’article. Afin de garantir l’équité des procédures, elle se serait par ailleurs récusée de sa fonction à la tête du Conseil exécutif de la CER.

Une mise au point globale

De manière plus générale, l’EERV affirme ne pas avoir été impliquée dans le licenciement des deux journalistes, une décision dont elle dit avoir elle-même été surprise. Elle rappelle que le courrier du 3 octobre 2025 adressé au Comité exécutif de la CER «ne demandait ni la suspension d’un quelconque article – et a fortiori pas son abandon – ni la mise à pied de journaliste», mais visait uniquement à solliciter un entretien, qui n’a jamais eu lieu. Depuis l’envoi de cette lettre, le Conseil synodal assure ne plus être intervenu.

Concernant enfin l’usage du terme «menaces», l’institution précise qu’il faisait référence à des «menaces afin d’obtenir des réponses» dans le cadre de délais jugés très courts. «Ce vocabulaire dépeint une réalité temporelle en rien diffamante», conclut-elle.

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