Un jeune dénonce la violence des videurs du D!
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Lausanne:Un jeune dénonce la violence des videurs du D!

Intervention «juste et nécessaire»?
Il dénonce une «bavure» de la sécurité de ce gros club romand

Un jeune homme accuse la sécurité du D! Club de l'avoir violenté sans raison hors de la boîte de nuit. Diffusé sur Instagram, son récit des événements diffère radicalement de celui du patron de l'établissement. Police et justice devront éclaircir les faits.
Publié: 17:23 heures
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Dernière mise à jour: il y a 33 minutes
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Dimna*, 21 ans, a dénoncé sur Instagram une «bavure» des agents de sécurité du D! Club, alors qu'il n'était pas client de la boîte.
Photo: Keystone - ATS
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Léo MichoudJournaliste Blick

Une «bavure» violente des videurs du D! Club… ou une intervention salvatrice pour une jeune femme? Ce dimanche 14 septembre vers 23h, un jeune Lausannois de 21 ans a publié sur Instagram le récit de son vendredi soir au centre-ville du chef-lieu vaudois. Sa sortie nocturne avec son frère et leurs deux copines s’est terminée en fracas.

«J’ai été tabassé par six agents de sécurité du D! Club, à Lausanne, alors que je n’étais même pas dans leur boîte, dénonce-t-il sur les réseaux sociaux. Gifles, coups de poing à la tête, épaule luxée, et mon petit frère (ndlr: un mineur de 16 ans) étranglé devant plusieurs témoins.» Lundi, Dimna* explique à Blick s’être retrouvé à l’hôpital avec «un œil au beurre noir, une fracture au nez, des contusions et un traumatisme crânien.»

Une vidéo des faits sur Instagram

Sur Instagram, ses deux publications à ce sujet totalisent presque 1500 likes, une centaine de commentaires – allant pour la plupart dans son sens – et presque autant de partages. Sur une première vidéo, on le voit montrant ses blessures après les faits, un œil en vrac et des griffures au cou. Une seconde montre l’intervention de six hommes habillés de noir sur les deux jeunes, sur la place des Pionnières devant le magasin Fust.

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A droite, trois agents de sécurité empêchent Dimna de bouger, le frappant alors qu’il est au sol. A gauche, un quatrième effectue une clé de bras au petit frère de ce dernier, qui frappe une dizaine de fois au sol pour signifier qu’il ne peut plus respirer. Sous le regard de passants, deux autres hommes repoussent les tentatives d’intervention de deux jeunes femmes. «Mais laissez-le!» et «Touchez pas, vous êtes cons ou quoi?», crient les petites amies des deux frères.

C’est souvent le cas dans ce genre de situations, la version de Dimna diffère totalement de celle des videurs et du D! Club. Principalement sur les raisons de l’intervention, sur sa violence et sur les responsabilités. Faisons le point.

Deux versions d’une même histoire

«Je suis juste passé à côté du D!, pour rejoindre les potes de ma copine sur le parking du Central, détaille le jeune homme. On jouait à se pousser, dans le sourire et la rigolade.» De son côté, le patron de la boîte de nuit Thierry Wegmüller indique que son service de sécurité «procédait à l’ouverture du club» lorsque le «groupe de jeunes» a descendu l’escalier de la ruelle du Grand-Pont – adjacent à l’entrée du D! Club mais dans l’espace public.

«
J’étais en train de chamailler ma copine de manière enfantine
Dimna*, qui s'estime victime d'une «bavure» de la sécurité du D!
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Le propriétaire des lieux certifie qu'«un jeune homme bien éméché» aurait «pris à partie une jeune femme de son groupe en lui criant à plusieurs reprises sur un ton agressif: 'Toi, t’es vraiment une sale pute'». Dimna, qui avait «bu deux-trois verres», et qui était jusque-là «de bonne humeur», nie totalement avoir tenu de tels propos: «J’étais en train de la chamailler de manière enfantine. Un sécu est venu à notre rencontre, a bombé le torse et a collé sa tête contre la mienne.»

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Pour le D! Club, l’agent s’est interposé «pour calmer la situation». Thierry Wegmüller continue: «Ce que mes équipes intervenantes m’ont rapporté, est qu’il a dit: 'Si je veux la taper, je la tape, et vous, vous fermez votre gueule, vous êtes personne'.» Là encore, ce n’est pas ce que rapporte Dimna… ni d’ailleurs sa copine, qui s’est aussi exprimée sur les réseaux sociaux. «La sécurité du D est intervenue sans chercher à comprendre, déplore cette dernière. Ce qui n’était qu’un moment de complicité a été pris pour [de la] violence.»

A qui le premier coup?

Thierry Wegmüller certifie «témoins à l’appui» que «si les agents n’étaient pas intervenus, elle se serait prise un poing dans la figure». Un coup que ses employés auraient «bloqué» en se plaçant entre les deux jeunes gens. 

Le jeune homme explique que lui et sa copine pratiquent ensemble un sport de combat, en l’occurrence le MMA: «Ma copine a répété que c’était pour jouer et que je n’étais pas violent. Mais ils sont venus à six ou sept. Et le 'chef de la sécu' m’a pris par le col pour m’emmener en bas sur le parking. Il m’a dit 'Pourquoi tu fais le chaud?' avant de me gifler.» 

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Il a fallu l'intervention de trois autres agents, avec deux de plus en soutien, pour parvenir à le maîtriser
Thierry Wegmüller, patron du D! Club
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Un premier coup qui aurait envenimé les choses. Mais pour le patron du D!, c’est Dimna qui aurait «agressé en premier un agent de sécurité», ce qui «lui a par ailleurs nécessité une intervention au CHUV». Le patron insiste sur l’agressivité du jeune homme et sa pratique d’un art martial: «Il a fallu l’intervention de trois autres agents, avec deux de plus en soutien, pour parvenir à le maîtriser.» 

Selon Dimna, «les sécus ont cru qu'il se passait quelque chose de violent» et se seraient «servis de ce prétexte» pour le violenter. Le jeune homme assume avoir «mis un coup après l’assaut des membres de la sécurité», mais «seulement pour se défendre». Il explique s’être surtout inquiété pour son frère. «Je l’ai vu se prendre des coups de poing à la tête par-derrière, avant d’être amené au sol et de se faire étrangler. Il n’avait plus d’air et pensait que c’était fini. Aujourd’hui, il a encore des problèmes pour respirer.»

Dimna ne comprend pas la version des faits décrite par la sécurité et espère qu’une enquête de police lui donnera raison: «Ce n’est pas du tout moi qui ai frappé le premier. S’ils regardent les caméras du Fust, ils verront bien comment ça s’est passé.»

Une intervention en dehors du périmètre

Le lieu de l'intervention est la source principale d'énèrvement du jeune Lausnnois. Le patron de la boîte de nuit se justifie: «Notre devoir est, dans la zone de conciliation, de porter assistance à toute personne en danger, ce qui a été le cas. Et comment réagir autrement quand une femme va se faire taper dessus?»

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Les agents ont jugé nécessaire et juste d’intervenir afin de séparer les deux parties en attendant l’arrivée de la police
Thierry Wegmüller, patron du D! Club
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Cette figure de la nuit lausannoise détaille les trois zones que prend en considération la sécurité du D! Club: la «zone d’intervention», dans son enceinte; la «zone de conciliation», dans «le périmètre immédiat du club où passait ce groupe»; et, plus loin, la «zone d’observation», soit «tout ce que l’on voit avec le devoir de dénoncer à la police les cas graves».

Mais justement, pourquoi n’avoir pas attendu la police pour agir? «Là, il était dans la zone de conciliation, sur la voie publique, admet Thierry Wegmüller. Il était plus fort qu’elle et ne semblait pas dans son état normal. Les agents ont jugé nécessaire et juste d’intervenir afin de séparer les deux parties en attendant l’arrivée de la police.»

La police intervient, la justice tranchera

Contactée, la police municipale de Lausanne confirme son intervention. Trois patrouilles, donc six policiers, se sont déplacées «pour une altercation entre plusieurs personnes» en bas des escaliers. Quant aux deux versions qui s’opposent, les forces de l’ordre ne se prononcent pas: «Il n’appartient pas à la police de commenter les déclarations des parties impliquées. Les versions de chacune des parties sont recueillies et consignées dans un rapport.»

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Les jeunes comme moi sont stigmatisés pour leur manière de s'habiller ou de se comporter dans la rue
Dimna*, qui s'estime victime d'une «bavure» de la sécurité du D!
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Personne n’a été emmené en garde à vue en raison de l’absence de plainte déposée sur le moment, explique la police municipale. Mais cela va changer. Dimna a indiqué à Blick qu’il compte déposer une plainte pénale pour les violences subies, selon lui, sans raison valable. Quant au D! Club, il annonce déposer une plainte pour diffamation à la suite des propos diffusés sur les réseaux sociaux.

Dimna explique les raisons de sa publication et de ses appels au partage: «Ces derniers temps, on l'a vu avec la mort de Marvin, les jeunes comme moi sont stigmatisés pour leur manière de s'habiller ou de se comporter dans la rue. Je veux faire de la prévention pour les plus petits.»

Selon Thierry Wegmüller, le «récit contradictoire de cette personne» et ses «propos diffamatoires» mettent en cause l’intervention de ses agents de sécurité. Qui dit la vérité? Qu’en diront les témoins et les images de vidéosurveillance? La police devra enquêter et la justice trancher sur cette situation litigieuse.

*Nom d’emprunt

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