Frani ELLE, drag queen romande
«L’Eurovision m’a autorisé à être kitsch, transgressif et fou de paillettes»

La drag-queen valaisanne Frani ELLE sera en direct des bureaux de Blick pour la finale de l'Eurovision 2025 ce samedi soir. Connu sur les réseaux sociaux, l'humoriste se confie sur son lien avec l'Eurovision, le milieu LGBT, et.... Marie-Thérèse Porchet.Interview.
Publié: 17.05.2025 à 12:33 heures
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Dernière mise à jour: 17.05.2025 à 19:18 heures
La drag queen valaisanne Frani ELLE, humoriste et animatrice d'émissions de la RTS, passera la finale de l'Eurovision avec Blick.
Photo: Frani ELLE
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Léo MichoudJournaliste Blick

Ce samedi soir, Blick suivra en direct la finale de l’Eurovision 2025 en compagnie de la drag-queen valaisanne Frani ELLE. Non pas depuis les coulisses de l’émission à Bâle, mais bien dans nos locaux à Lausanne. Devant la téloche, comme quelque 160 millions de téléspectateurs, et surtout sur notre site.

Rendu célèbre sur les réseaux sociaux pour ses capsules humoristiques, l’humoriste Frani ELLE – alias Francesco Mercanton dans la vie de tous les jours – a animé l’émission «Hot Dogs» sur la RTS en 2024. Cette année, le Valaisan fera partie de l’équipe de «Tu bluffes», toujours sur la RTS, et tourne actuellement en Suisse romande avec son spectacle «Bienvenue en Suisse, bienvenue chez nous!».

Alors avant de profiter de ses vannes acerbes et de ses commentaires experts tout au long de cette – très – longue soirée, nous avons voulu en savoir plus sur Frani. Son lien fort avec l’Eurovision, le volet politique du drag ou du concours européen de la chanson ou encore sa fausse concurrence avec Marie-Thérèse Porchet sur le créneau des comédiens romands habillés en femme. Interview.

Frani, ce soir tu seras sur Blick pour apporter ton regard à la finale de l’Eurovision. On peut s’attendre à quoi?
A beaucoup d’humour et de sincérité. Je serai très cash, et là pour foutre le bordel. Ce sera une soirée très divertissante. Et je compte bien me faire un look de dingue, spécial Eurovision. Ça va me prendre deux heures pour me maquiller et m’habiller pour que ce soit la fête. En attendant, je vais me préparer en écoutant toutes les chansons et en me plongeant dans les chorégraphies et les commentaires. Je vais essayer d’apprendre quelques chansons par cœur pour vous les chanter dans la soirée (rires).

On sait que tu n’es pas monstre fan de la chanson suisse. Qui sont tes favoris pour la finale?
Ma chanson préférée, c’est clairement «Espresso Macchiatto», où l’Estonien Tommy Cash se moque gentiment de l’Italie. Pour moi, plus c’est ridicule, plus c’est kitsch, plus c’est fou, plus j’aime. L’Eurovision, c’est une soirée qui te fait sortir de ton quotidien. Mais je vais quand même faire un effort pour soutenir la Suisse et Zoë Më, promis.

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Je veux seulement apporter de la joie aux gens
Frani ELLE
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Qui est la drag-queen Frani ELLE pour le Valaisan Francesco Mercanton?
Frani ELLE, c’est un peu une extension de Francesco en 200 fois plus dingue. Evidemment, dans mes vidéos, il y a une différence quand je suis en homme ou en femme. Il y a la perruque, le maquillage et ce petit côté foufou. En fait, Frani me permet de pousser les curseurs. Mais elle n’est pas si éloignée de moi, en fin de compte. Quand j’entre dans le personnage, je me sens femme. Tout en étant très bien en tant qu’homme. Les haters me disent que je ne deviendrai jamais une femme, mais ce n’est pas mon intention.

D’ailleurs, certains t’appellent «la drag-queen des hétéros». Pourquoi?
Parce que tout le monde peut se retrouver dans ma drag-queen. Les sujets que j’aborde nous concernent tous, homo ou pas homo, Suisse ou étranger. Je ne veux pas moraliser les gens en disant qu’il faut penser ça, voter ça ou que tout le monde soit une drag-queen. Mon but, c’est que les gens puissent être ceux qu’ils ont envie d’être et être bien avec ce qu’ils sont. Sans différences, le monde est comme une soupe sans sel, sans goût. Je veux seulement apporter de la joie aux gens.

Qu’est-ce que ça représente pour toi l’Eurovision?
Je suis fan! J’ai toujours regardé l’Eurovision, depuis tout petit – mais je ne dis pas mon âge. L’Eurovision m’a vraiment permis de faire de la scène et de m’habiller en femme. Plein d’artistes du concours, comme Dana International ou Abba, m’ont donné envie de faire ce que je fais, d’être qui je suis. L’Eurovision m’a donné le droit d’avoir ce côté kitsch, joli et transgressif, fou de paillettes.

J’imagine que tu as une anecdote marrante avec le concours?
Le truc le plus drôle, c’est d’avoir vu la victoire de Nemo avec mes parents l’année dernière. Il faut savoir que je viens du Valais et qu’ils habitent en pleine montagne. Bien qu’ils me voient partout en drag, ils restent plutôt traditionnels. C’était épique de regarder cette émission dans ce lieu qui, au premier abord, n’est pas du tout dans l’ambiance Eurovision.

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Dans un sketch avec Marie-Thérèse Porchet, pour le réveillon de la RTS, tu te vois en présentatrice de l’Eurovision. Tu penses qu’il y a toujours des chances?
J’aurais volontiers fait quelque chose pour l’Eurovision. Peut-être qu’un jour, on présentera l’émission toutes les deux avec Marie-Thérèse (rires). Elle a bercé mon enfance, alors ce serait génial! Surtout qu’on se ressemble dans nos différences, Joseph Gorgoni et moi. Même si je me sens beaucoup plus proche d’une Amanda Lear avec ses looks incroyables.

T’es la nouvelle Marie-Thérèse Porchet ou tu veux t’en distinguer?
C’est sûr qu’en me voyant, certains restent bloqués sur Marie-Thérèse. Dans un petit pays comme le nôtre, les gens cherchent des références. C’est normal. Mais pour savoir vraiment si je ressemble à Marie-Thérèse, il faut venir me voir en spectacle. Les gens qui viennent le disent: «C’est pas du Marie-Thérèse, c’est du Frani ELLE!». Joseph Gorgoni est un comédien de dingue. Quand on a travaillé ensemble, il a cherché à me donner ma légitimité au public, en soulignant nos différences. Il n’avait pas envie que les gens pensent qu’on se déteste ou que je cherche à prendre sa place. J’ai été très touché.

Par contre, tu reçois peut-être un peu plus de haine qu’une Marie-Thérèse Porchet?
Peut-être que son personnage a moins de haine parce qu’il n’a pas ce côté sexualisé. Marie-Thérèse a toujours été une vieille dame. Moi, quand je suis en femme, je suis beaucoup plus jeune et sexy. Ça réveille un trouble chez certains hétéros. Peut-être que cette ultrafémininité a choqué, notamment le public de la RTS. Mais j’ai envie de montrer qu’on peut être ultraféminine et sexy, mais aussi en avoir dans la tête et savoir en rire.

En comparaison, est-ce que c’est forcément plus politique de faire du drag aujourd’hui?
Le drag a toujours été politique. Les réseaux sociaux ont décuplé pas mal de choses, la haine comme la joie. Aujourd’hui, on a l’impression de reculer sur les droits LGBTQIA +. Trump est en train de contaminer la Suisse. Je le vois dans les commentaires sur les réseaux et les médias. Dès que quelqu’un est homosexuel, drag-queen ou transgenre, c’est tout de suite «vivement que Trump s’en charge». Je trouve cela très triste, en particulier pour les transgenres, cibles de la haine du moment. Mais ce ne sont pas les transgenres qui empêchent les gens d’avoir un emploi. Ce ne sont pas eux qui augmentent le coût des caisses maladies. C’est facile et injuste. A mon humble niveau, j’espère ouvrir des portes.

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On est plutôt des pacifistes. En tout cas, moi, je ne ferais pas de mal à une mouche
Frani ELLE
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Comment ça?
J’ai beaucoup de jeunes drags qui m’écrivent pour me remercier. Dernièrement, j’ai présenté une soirée drag en Valais. C’était une scène ouverte. Ça a permis à certains de se sont sentir libre d’essayer quelque chose. Le public était très mélangé: papa, maman, grand-maman, grand-papa, des hétéros. Et il y avait une super ambiance, c’est pour ça qu’il faut continuer!

Que réponds-tu à ceux qui voient dans l’Eurovision le symbole de «la décadence de notre civilisation»?
Ce n’est pas du tout une décadence, car ça reste un spectacle. Dans le monde LGBT, on a toujours su faire la fête. On aime ce qui est kitsch, on aime être voyant. Tout simplement parce qu’en tant que minorité, on cherche à se faire entendre. Pour moi, c’est beaucoup plus décadent de se marier devant le prêtre en se jurant fidélité, avant de tromper sa femme ou son mari un mois plus tard, comme beaucoup de couples mariés. Et puis ce n’est pas nous, les homosexuels, qui allons détruire quoi que ce soit sur cette planète. On est plutôt des pacifistes. En tout cas, moi, je ne ferais pas de mal à une mouche.

Ne manquez pas notre live de la finale de l’Eurovision à Bâle, ce samedi 17 mai dès 20h! Toutes nos informations en lien avec l’Eurovision sont à retrouver sur cette page. Frani ELLE présentera son spectacle «Bienvenue en Suisse, bienvenue chez nous!» le 7 juin prochain à Bienne (salle Nebia). Plus d’informations à propos de ce «one-drag-show d’humour» sur www.lodieusecompagnie.com

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