Deux génies de la tech inconnus
Derrière Elon Musk, l’argent d’un fonds ultra-secret

Alexander Tamas et John Hering, devenus des légendes, n'ont ni page wikipedia, ni même un vrai site web, ne donnent pas d'interviews, mais comptent parmi les financiers les plus influents, après avoir cartonné en investissant dans les entreprises d'Elon Musk. Récit.
Publié: 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 08:12 heures
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Photo: Getty Images
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Myret ZakiJournaliste Blick

A Wall Street, on entend ponctuellement parler d’un acteur de l’ombre, mystérieux, devenu très puissant: Vy Capital. Il s’agit d’un fonds d’investissement, très secret, au point qu’aucun article ne lui est consacré dans les médias en langue française. Le fonds a soutenu Elon Musk depuis une décennie, investissant dans quasi toutes les entreprises du milliardaire. 

700 millions pour Twitter (X)

Vy Capital a en effet démultiplié sa fortune en entrant très tôt dans le capital de SpaceX et de xAI, les groupes d’aérospatiale et d’IA du milliardaire. La firme serait aussi le plus gros investisseur externe dans Neuralink, la startup de neurotechnologie de Musk. Jusque-là, le fonds basé à Los Angeles (Californie) évoluait sous les radars. Mais les projecteurs se sont braqués sur lui en 2022 quand Vy Capital a mis 700 millions de dollars sur la table pour co-investir dans Twitter (X) aux côtés de Musk. 

Fondé en 2012, Vy Capital est resté si opaque, que son site web se compose d’une unique page, qui ne contient aucun lien ni adresse. Insolite lorsqu’on sait que ses deux dirigeants sont en réalité des génies de la tech. 

Ex-associé russo-israélien

Derrière ce fonds, on trouve d’abord Alexander Tamas. Ce financier allemand d’origine roumaine est passé par Goldman Sachs à Londres, mais il a surtout été un proche associé du milliardaire russo-israélien Yuri Milner, avec lequel il a confondé en 2009 la firme d’investissement DST Global, émanation d’un groupe moscovite, DST, qui est aujourd’hui un géant de l’internet russe.

A l’époque où Alexander Tamas soutenait le rachat de Twitter par Musk, ses liens avec Yuri Milner et la Russie n’ont pas manqué de susciter une certaine méfiance et des fantasmes de contrôle russe de Twitter. Peut-être pour éloigner les soupçons, Yuri Milner avait annoncé, en août 2022, avoir renoncé à sa nationalité russe suite à l’invasion de l’Ukraine.

Capter l'attention de Musk

Le second personnage-clé a rejoint Vy Capital en 2015, à la demande de Tamas. C’est le capital-risqueur John Hering, décrit par le Wall Street Journal comme «le génie sans diplôme universitaire qui a investi des milliards chez Musk». Mais il n’a pas fait qu’investir: d’après le récit du Wall Street Journal, John Hering a fait l’impossible pour capter l’attention d’Elon Musk, consacrant des heures illimitées à aider ses startups, à travailler sur ses sites, à se rapprocher de l’homme le plus riche du monde et de sa famille, quitte à sacrifier des nuits et des vacances. Le soutien s’est même étendu à la politique. En juin 2024, Hering a contribué 500’000 dollars à une levée de fonds pro-Trump organisée par Musk. 

Tous ces efforts ont permis à Vy Capital de s’introduire dans le cercle rapproché d’Elon Musk, et d’obtenir des tranches d’investissement très prisées lors de ses tours de financement successifs. Le Wall Street Journal raconte comment cette stratégie a culminé au printemps 2024, lorsqu’Elon Musk a tenu une visioconférence avec ses investisseurs pour évoquer ses plans pour xAI, et que Hering était assis à côté de lui, «le seul investisseur dans la salle». 

Pari gagnant sur SpaceX

Les performances de Vy Capital montrent aussi que cette stratégie a été fructueuse. Les avoirs sous gestion se sont hissés de 2 à 16 milliards de dollars en 5-6 ans. Le fonds a généré 28% de rendements annuels sur la décennie écoulée, une performance exceptionnelle. Tamas et Hering, qui n’ont pas de page Wikipédia, se sont hissés au rang de légendes. Dans les portraits consacrés à Tamas, on le décrit comme un «superordinateur» au flair inégalé lorsqu’il s’agit des business modèles du secteur tech et digital. Déjà en 2011, à l’époque où Tamas travaillait avec Yuri Milner, il était classé premier dans une liste de Forbes des «personnes les plus influentes de la tech dont on n’a jamais entendu parler». Aucun des deux hommes forts de Vy Capital ne donne d’interviews. 

Les gains doivent beaucoup à SpaceX, qui valait 15 milliards à ses débuts, et qui vaut 400 milliards aujourd’hui. Quant à xAI, sa valorisation a été multipliée par 10 en moins de deux ans, atteignant aujourd’hui 200 milliards, tandis que Neuralink a triplé en 2 ans pour atteindre 9 milliards. Le succès est tel, que le Financial Times annonce ce 18 juillet que le fonds est désormais fermé aux investisseurs: il n’a plus besoin de capitaux extérieurs. 

Toutefois, le Wall Street Journal rappelle que Tamas et Hering ont malgré tout perdu 400 millions de dollars dans leur investissement dans X, dont la valeur a fondu depuis le rachat. Selon le Financial Times, Hering et Tamas continueront à travailler étroitement avec le milliardaire, même après avoir fermé leurs fonds aux capitaux extérieurs. 

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