«Un diagnostic difficile»
C'est quoi la dysautonomie, le dérèglement du système nerveux dont souffre Rebecca Ruiz?

La ministre vaudoise s'apprête à reprendre ses fonctions, après un mois d'arrêt maladie. Dans un communiqué diffusé mercredi, on apprenait qu'elle souffre d'une dysautonomie, un dérèglement du système nerveux autonome. De quoi s'agit-il et peut-on le traiter?
Publié: 21:14 heures
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La socialiste de 43 ans avait été contrainte de prendre un mois d'arrêt maladie, après des épisodes d'évanouissement en juillet.
Photo: KEYSTONE
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Elle sera de retour mardi prochain, après un mois d'arrêt maladie. Rebecca Ruiz, conseillère d'Etat vaudoise en charge de la Santé, s'apprête à se remettre progressivement en selle, après avoir affronté plusieurs épisodes d'évanouissements et un bref séjour à l'hôpital durant l'été. 

«Les premiers examens effectués lors de cette hospitalisation n'ont pas permis d'identifier la cause de ces pertes de connaissance, mais ont révélé des marqueurs tumoraux anormalement élevés», pouvait-on lire dans un communiqué diffusé le 17 septembre, une semaine avant le retour de la socialiste de 43 ans. Après une série d'examens, le résultat est rassurant: pas de tumeur, ni de maladie grave. Les médecins ont toutefois décelé une dysautonomie, soit un dérèglement du système nerveux autonome. 

C'est quoi, la dysautonomie?

Et le terme s'avère aussi difficile à prononcer qu'à définir. D'après la Dre Agustina Lascano, médecin adjointe agrégée et responsable de l’unité des maladies neuromusculaires au Service de neurologie des HUG, il ne s'agit pas d'une maladie en tant que telle: «C'est un terme un peu ‘fourre-tout’ qui se réfère aux nombreux symptômes possibles d’un dérèglement du système nerveux autonome, résume-t-elle. Puisque ce dernier contrôle les fonctions vitales involontaires telles que la tension artérielle, le rythme cardiaque, la digestion ou la température du corps, les manifestations de la dysautonomie peuvent être très variées: palpitations, intolérance à la position debout, vertiges, désagréments digestifs, variations de la tension artérielle...» 

A noter que chaque patient ne souffre pas forcément de la totalité des symptômes possibles, ce qui rend le diagnostic très complexe. Dans le cas de Rebecca Ruiz, le communiqué évoque des variations tensionnelles et des pertes de connaissance, deux manifestations typiques.

«C'est un diagnostic difficile»

C'est là que les choses se compliquent: la présence de symptômes aussi variables nécessite une batterie d'examens, dans la mesure où la dysautonomie est typiquement associée à une autre affection, telle que le diabète, une maladie auto-immune ou la prise de certains médicaments. Difficile de déterminer laquelle des deux est à l'origine de l'autre (c'est un peu comme la poule et l'œuf), mais la dysautonomie, lorsqu'elle est découverte en premier, peut donc suggérer la présence d'un autre problème de santé. Des cas de dysautonomie avec une augmentation du rythme cardiaque en position debout sont notamment découverts chez des patients atteints de COVID long, explique notre intervenante. 

Et quand la cause directe n'est pas claire? Deux cas de figure sont possibles: soit, il s'agit d'une dysautonomie dite «idiopathique», qui apparaît sans raison (mais c'est plutôt rare, selon la Dre Lascano), soit la maladie associée n'a pas encore été débusquée.

«Avant de diagnostiquer une dysautonomie idiopathique, on doit forcément procéder à de nombreux tests, dans le but d’exclure la présence d’un autre problème de santé», souligne notre experte. Ainsi, lorsque la cause directe de la dysautonomie n'est pas claire, les patients font face à des mois d'investigations, avec l'indissociable angoisse de l'incertitude: «Il ne s’agit pas d’un diagnostic facile». 

Comment traite-t-on la dysautonomie?

D'après le manuel MSD, le phénomène touche les femmes comme les hommes, tend à se déclarer entre 40 et 50 ans et «n'entraîne généralement pas la mort». 

Au niveau du traitement, tout dépend du résultat des examens réalisés: «Lorsqu'on identifie une autre maladie associée et que celle-ci peut être traitée, les manifestations de la dysautonomie s'apaisent également, précise la Dre Lascano. Sinon, on se focalise avant tout sur les symptômes de chaque personne: selon ses plaintes, le patient sera référé vers un spécialiste adéquat, un cardiologue, un néphrologue etc…»

Hormis le suivi spécialisé, l'experte évoque quelques mesures générales, notamment en ce qui concerne les problèmes de tension artérielle: «On recommandera notamment de bien s’hydrater, d'éviter de se lever rapidement, de s’allonger après un repas copieux et de fractionner les repas.»

Ces mesures sont notamment appliquées par Katie Ledecky, championne olympique de natation américaine: dans son ouvrage autobiographique «Just add water», publié en 2024, elle admettait souffrir d'une forme de dysautonomie qui la fatigue beaucoup. Souffrant de vertiges, particulièrement en position debout, l'athlète confiait au magazine «Self» le protocole qui lui permet de contrôler ses symptômes: une bonne hydratation adéquate, une grande indulgence envers ses taux d'énergie fluctuants et des entraînements adaptés lui sont indispensables. 

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La dysautonomie peut-elle être liée au stress?

Entre le Covid-19, les différentes crises liées à l'Hôpital Riviera Chablais et les coupes budgétaires visant plusieurs hôpitaux régionaux, le mandat de Rebecca Ruiz a été particulièrement mouvementé, jusqu'ici. Face à un tel parcours, on se demande automatiquement si le diagnostic est lié à l'épuisement. Pour la Dre Lascano, ce n'est probablement pas le cas: 

«Le stress ne provoque pas directement la dysautonomie, mais peut en accentuer les manifestations, car le système nerveux autonome est très sensible aux émotions, tempère-t-elle. Il se compose de deux versants: d'un côté, il y a le système nerveux sympathique, qui agit comme un accélérateur, en augmentant notre rythme cardiaque face au danger, par exemple. Et de l'autre, il y a le système nerveux parasympathique, qui est capable de freiner cette ardeur. Mais dans le cadre de la dysautonomie, cet équilibre entre les deux est également déréglé.» 

Stress et bouleversements émotionnels peuvent donc avoir un impact, même si la dysautonomie n'est pas un terme qu'on brandit pour masquer un burn-out secret: «Même si une période de stress intense est susceptible d'aggraver les symptômes, on ne peut établir un amalgame entre épuisement et dysautonomie, ajoute la Dre Lascano. Il s’agit d’un diagnostic clair, avec des caractéristiques précises qu’on doit objectiver et qu’on ne peut confondre avec celles du burn-out.»

Le cauchemar des maladies «invisibles»

Or, lorsqu'une femme évoque ce type d'affection, l'experte déplore une remise en question presque automatique: «Leurs symptômes, quand ils s’avèrent compliqués, sont rapidement mis sur le compte d’un burn-out ou de troubles émotionnels, observe-t-elle. Alors que ces patientes souffrent d’un vrai problème de santé. On leur affirme trop facilement que tout est ‘dans leur tête’, quand leurs symptômes méritent d’être pris au sérieux et traités.» 

Voilà qui évoque l'expérience partagée par la chanteuse Billie Eilish, concernée par une forme de dysautonomie qu'elle appelle sa «maladie invisible»: contrainte d'assurer des performances musicales devant des milliers de fans, alors que la position debout provoque des malaises, l'artiste de 23 ans doit jongler avec ses problèmes de santé et les exigences démesurées d'une industrie qui se moque bien de ses bas de contention et de sa tachycardie posturale (POTS). 

Mais comment aider les patients – et particulièrement les femmes – à trouver les réponses à leurs questions quand le diagnostic s'apparente à une course d'obstacles labyrinthique? «En tant que médecin, on se doit d’aller jusqu’au bout, dans la mesure du possible, en écoutant nos patients et en investiguant les symptômes, affirme la Dre Lascano. Si on n’arrive pas à en identifier la source, au lieu de congédier la personne, il est essentiel de continuer les recherches et de se référer à un autre spécialiste, qui pourra y poser un regard différent sur la situation.»

Les HUG ont notamment ouvert la Consultation des symptômes inexpliqués et diagnostics difficiles (SIDD), afin d'aider les personnes à identifier la source de leur mal-être et retrouver une qualité de vie. 

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