De la transparence, une bonne gouvernance et la prévention de conflits d'intérêts. Voici ce qu'une trentaine de députés au moins souhaite voir appliquer à la Commission foncière rurale (CFR I), cet organe obscur chargé de trancher sur la vente de terres agricoles dans le canton de Vaud.
Ils l'ont fait savoir par le biais d'un postulat déposé ce mardi 28 octobre. Selon eux, le Conseil d'Etat devrait étudier l'opportunité de mettre en place différentes mesures visant à garantir une application rigoureuse du droit foncier rural. Le but? Faire en sorte que la CFR I «reste au service des paysan.ne.s» – ce qui correspond à l'esprit de la loi.
Le postulat a été rédigé par la députée Ensemble à gauche Mathilde Marendaz et cosigné par des députés de gauche et Vert'libéraux. Le texte étant adoubé par au moins vingt élus, une commission examinera automatiquement le sujet et rendra ses conclusions. En cas de prise en considération par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat aura une année pour étudier le postulat et élaborer un rapport.
L'intervention se base notamment sur deux enquêtes publiées par Blick ces derniers mois. Dans la première, nous racontions comment le mastodonte de la construction et de l'immobilier Orllati Real Estate SA avait pu acquérir à Blonay des terres agricoles, censées (sauf exceptions) rester entre les mains de paysans. Quatre agriculteurs avaient fait des offres d'achat, avant d'annoncer leur retrait par le biais de missives quasiment identiques. Cela avait poussé le département de l'agriculture, chargé d'assurer la surveillance de la CFR I, à déposer un recours signé par sa cheffe, Valérie Dittli.
Dans le cadre d'une seconde enquête qui se basait essentiellement sur des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'information, nous avions mis en lumière un mélange des genres impliquant notamment l'ancien président de la CFR I, Jean-Claude Mathey. Dans le cadre d'un dossier soumis à la commission, ce dernier se serait retrouvé dans la position ubuesque de pouvoir se prononcer, en tant que président de la CFR I, sur des mesures d'instructions qu'il avait demandées comme avocat d'une des parties – avant de se récuser.
Une «concurrence déloyale»
Le postulat rappelle en outre que d'autres affaires problématiques, également en lien avec le groupe Orllati, avaient été révélées il y a quelques années par le média heidi.news. Des situations qui, comme les deux exemples plus récents, interrogent sur «la gouvernance et les modalités de décision au sein de la Commission foncière rurale, et sur les terres paysannes perdues au profit d’entreprises, dans une concurrence déloyale», relève le texte déposé le 28 octobre.
A la suite de ces premières enquêtes, Mathilde Marendaz avait déjà soumis une interpellation demandant davantage de transparence sur les activités de la CFR I. Peu convaincue par la réponse fournie par le gouvernement, elle avait ensuite déposé une détermination demandant au Conseil d’Etat de modifier la loi pour que le rapport d’activité de la commission soit transmis au Législatif, «dans le but d’assurer la transparence dans l’application de la loi et de préserver les intérêts de l’agriculture et de la propriété rurale.»
Des paysans auditionnés par la commission?
Dans son dernier rapport, la Commission de gestion du Grand Conseil (COGES) avait par ailleurs souligné l’absence de garde-fous institutionnels clairs entourant les activités de la CFR I, «dont la composition actuelle n’est toujours pas publiée sur internet», relève le postulat.
Contrairement à la détermination, le postulat a été formulé «d'une manière volontairement large, souligne Mathilde Marendaz, qui espère ainsi rencontrer une majorité. Les enquêtes des médias ont soulevé différents problèmes. Nous avons besoin à présent d'un rapport du Conseil d'Etat sur ce qui pourrait être mis en œuvre pour améliorer la gouvernance de la CFR I et rendre le fonctionnement de cet organe plus transparent.»
Mathilde Marendaz souhaite que des paysans touchés par la problématique soient auditionnés dans le cadre des travaux de la commission qui se penchera sur le sujet.