Les Suisses ont voté en faveur du renvoi des étrangers criminels dès 2016, mais l'application de cette loi reste complexe. Tandis que l'Union démocratique du centre (UDC) insiste pour durcir leurs renvois, la Suisse tente comme elle le peut de convaincre les Etats réticents de récupérer leurs ressortissants.
L'an dernier, les autorités suisses ont ordonné 2446 expulsions. Mais seules 1668 personnes, soit 69%, ont réellement quitté la Suisse. L’année précédente, le taux était de 73% pour un nombre comparable de décisions.
Généralement, les renvois vers des pays européens, comme la Roumanie, l'Albanie ou le Kosovo, se déroulent dans de bonnes conditions grâce aux accords de réadmission. Mais qu'en est-il du Maghreb et d'autres pays étrangers vers lesquels la Suisse souhaite renvoyer des criminels?
Il y a quelques années, la Suisse a tenté de séduire la Tunisie avec des dons matériels, comme 40 lecteurs d’empreintes digitales et des programmes de formation destinés aux jeunes. Si les équipements ont trouvé leur utilité, les programmes de formation ont, eux, échoué. De manière générale, le pays se montre relativement ouvert aux réadmissions de ses ressortissants. Mais malgré un partenariat migratoire, la Suisse reste réticente à procéder à des expulsions, invoquant la situation des droits de l’homme, mise à mal dans le pays.
Comme il existe un dialogue migratoire de longue date et de bons canaux diplomatiques entre la Suisse et l'Algérie, les renvois sont généralement faciles à réaliser. Les chiffres le montrent également: avec 136 rapatriements et 276 aides au retour l'an dernier. L'Algérie s'est en outre engagée en faveur du rapatriement par un accord de réadmission.
Contrairement aux autres pays du Maghreb, il n'existe pas encore d'accord formel entre le Maroc et la Suisse. Les réadmissions ne sont donc pas garanties et dépendent souvent de la volonté et de la situation politique en vigueur. Le Conseil fédéral souhaite toutefois intensifier le dialogue et établir un accord.
Les renvois vers le Nigeria ont fait la Une des journaux lorsqu'un requérant d'asile est décédé pendant son expulsion en 2010. Après un arrêt temporaire, les rapatriements ont repris dans le cadre d'un nouveau partenariat migratoire. Le problème réside souvent dans le fait que les identités ne peuvent pas être clarifiées en raison de l'absence de documents.
Depuis la prise de pouvoir des talibans en 2021, la Suisse a pratiquement suspendu les rapatriements vers l'Afghanistan. Mais cela pourrait changer. Depuis cette année, les hommes «non-vulnérables», célibataires, majeurs et en bonne santé peuvent à nouveau être expulsés. Pour l'heure, seuls cinq hommes sur 13 ont été renvoyés de Suisse. Cela s'explique notamment par des obstacles pratiques: les talibans exigent que les documents ne soient plus délivrés à l'ambassade, mais seulement à Kaboul.
Malgré 7 millions de francs pour les écoles et les programmes de formation, le gouvernement érythréen refuse catégoriquement les réadmissions forcées. Face à cette impasse, le Conseil national a envisagé cette astuce: rapatrier les Erythréens déboutés via un pays tiers, comme le Sénégal ou le Rwanda. Mais aucun Etat n'a encore accepté ce rôle. Cette année, l'aide au développement destinée à ce pays a été suspendue.