Les images ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Samedi 6 novembre, vers 18h, une BMW décapotable a foncé sur des manifestants propalestiniens qui bloquaient le pont Chauderon à Lausanne. Au volant, un Lausannois de 56 ans qui sera interpellé à l’autre extrémité du pont. Par miracle, aucun blessé grave n’est à déplorer.
Le conducteur de la voiture-bélier a été libéré après deux nuits passées en cellule. Il n'a pas été placé en détention préventive par le Ministère public. Mais que risque pénalement le quinquagénaire qui a foncé sur cette foule? Interview de Maître Albert Habib, avocat pénaliste à Lausanne.
Maître Habib, un conducteur a foncé sur une foule de manifestants propalestiniens. Que risque-t-il pénalement?
Il faut d’abord déterminer s’il y a eu une intention de tuer ou non. Si c’était le cas, on parlerait alors de tentative de meurtre, voire d’assassinat. Mais dans le cas présent, il est surtout question de «mise en danger de la vie d’autrui» (article 129 du Code pénal), cela peut aller de jours-amende à une peine privative de liberté jusqu’à cinq ans.
Quels éléments peuvent aggraver sa situation?
Le comportement adopté, la prise de risque et surtout ses éventuels antécédents. S’il a déjà un casier chargé ou commis des infractions à la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR), cela pèsera lourd. Et il faut se demander aussi s’il a forcé le passage malgré une injonction de la police. C’est un facteur important.
Sur les vidéos, la police semble être restée dans un état de sidération.
Effectivement. D’après les vidéos, les policiers ont été surpris par la tournure des événements: je ne crois pas qu’ils lui aient ordonné de s’arrêter.
D’autres infractions pourraient-elles s’ajouter?
Oui, notamment des violations de la Loi sur la circulation routière. Les comportements mettant gravement en danger la vie d’autrui – comme les grands excès de vitesse – sont punis d’une peine allant de un à quatre ans de prison. La question est de savoir si ces infractions s’ajoutent ou si elles sont absorbées par l’article 129 du Code pénal. Dans le cas présent, je pense que la mise en danger de la vie d’autrui primera.
Va-t-il aller en prison?
En cas de condamnation, oui, il peut écoper d’une peine de prison, avec ou sans sursis selon sa situation personnelle.
Beaucoup de manifestants envisagent de porter plainte. Des modèles à envoyer au Ministère public circulent sur les réseaux sociaux. Cela peut-il influencer la procédure?
Pas sur la peine, puisque l’infraction est poursuivie d’office. En revanche, cela peut avoir un impact au civil: plusieurs personnes pourraient demander réparation pour tort moral.