La valeur locative, introduite en 1934 comme taxe de crise, a toujours été controversée. En 1999, 2004 et 2012, des projets de suppression ou de réduction ont échoué dans les urnes. Aujourd'hui, c'est chose faite: dimanche 28 septembre, 57,7 % des votants ont dit oui à son abolition.
«Un chapitre vieux de plusieurs décennies est clos», a déclaré la ministre des Finances Karin Keller-Sutter devant les médias après l'annonce du résultat. La valeur locative sera supprimée au plus tôt en 2028. Mais comment en est-on arrivé à ce résultat? Les personnalités politiques y vont volontiers de leur petite explication
Pas de jalousie entre locataires et propriétaires
La Suisse est un pays de locataires. Et pourtant, les électeurs ont décidé dimanche que les propriétaires bénéficieraient à l'avenir d'un allègement financier. «Cela montre qu'il n'y a pas de culture de la jalousie dans notre société, déclare le président du Parti libéral-radical (PLR) Thierry Burkart à Blick. Celui qui aspire à l'avenir à devenir propriétaire de son logement s'est un peu rapproché de ce rêve grâce au 'oui' du peuple.»
Selon plusieurs études, les propriétaires participent en moyenne plus souvent aux votations que les locataires. Mais cela ne suffit pas à expliquer le résultat de ce dimanche. Le président de l'Union démocratique du centre (UDC), Marcel Dettling, va même plus loin: pour lui, le résultat clair montre que même les locataires ont ressenti la valeur locative comme «injuste», déclare-t-il à Blick. Selon lui, la réforme soulage aussi de nombreuses familles et personnes âgées qui vivent dans leurs propres murs.
Un budget de campagne hors normes
La coprésidente du Parti socialiste (PS) Mattea Meyer se montre, elle, très déçue: «Nous n'avons pas réussi à montrer que ce projet a une étiquette de prix de deux milliards de francs». Le PS attend maintenant des propriétaires «qu'ils soutiennent les demandes des locataires lors des prochaines votations», en particulier lorsqu'il s'agira d'allégements financiers.
Les partisans ont investi massivement dans leur campagne de votation, avec un budget de plus de sept millions de francs. La majeure partie de cette somme a été financée par l’Association suisse des propriétaires fonciers.
Ces sept millions devraient par ailleurs constituer un nouveau record: depuis que la Confédération publie les budgets des campagnes, aucun autre comité n'a reçu autant d'argent. «Il serait réducteur de dire que la population suisse s'est laissée acheter», a tenu à souligner Thierry Burkart.
Un Röstigraben évident
Contrairement à ce qui avait été prédit, la majorité des cantons n'a jamais été mise en danger dimanche: le projet a été accepté dans 19 cantons et rejeté dans 7. Le Röstigraben est rarement apparu aussi clairement.
Les six cantons romands ont clairement rejeté le projet, les autres ont tout aussi clairement dit «oui». Bâle-Ville constitue la seule excpetion: ce canton urbain, principalement à gauche, aurait également voulu maintenir la valeur locative avec environ 53% des voix.
«Nous avons déjà pu observer ce Röstigraben lors des débats au Parlement, a expliqué Karin Keller-Sutter ce dimanche. Mais ce n'est pas comme si la Suisse romande était en permanence mise en minorité. Parfois, c'est la Suisse alémanique qui gagne, parfois la droite, parfois les régions rurales. C'est comme ça en Suisse!»
Les régions touristiques font la diff'
L'attitude des cantons de montagne a également été frappante. Alors que leurs gouvernements recommandaient de rejeter le projet, les votants issus des régions touristiques germanophones, italophones et romanches ont clairement dit «oui». Seul le Valais a refusé le projet.
Les cantons disposant de nombreux appartements de vacances avaient pourtant mis en garde au préalable contre les pertes fiscales qu'engendrerait la fin de la valeur locative. Seul l'avenir nous dira à combien s'élèveront effectivement ces pertes. «Les cantons auront à l'avenir la possibilité d'introduire un impôt foncier spécial sur les logements de vacances», a déclaré Karin Keller-Sutter lors en conférence de presse.
La présidente de la Confédération a précisé que la date d'entrée en vigueur n'avait pas encore été fixée. Le Département fédéral des finances va maintenant consulter la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF) avant de prendre une décision. Les cantons auront ainsi suffisamment de temps pour se préparer au changement.