C'est une petite tempête qu'a déclenché l’Office fédéral de la police (Fedpol) vendredi 5 septembre. Comme le révélait Blick trois jours plus tard, la police fédérale a interdit aux polices cantonales de mentionner la couleur de peau d’une personne recherchée dans le système national (Ripol). Aux origines de cette décision, qui a pris effet immédiatement après son annonce, figure notamment une «plainte officielle» venue de l’étranger.
Depuis, la polémique fait rage dans les cantons comme au Palais fédéral. Pour le directeur de la police cantonale zurichoise, Mario Fehr, il s'agit d'une décision «peu utile» et «politiquement motivée». Son homologue bernois, Philippe Müller, a également exprimé son désaccord dans une lettre adressée à la Confédération. Sous la coupole, le ministre de la Justice Beat Jans a dû répondre à un feu nourri de questions provenant en majoritairement des rangs l’Union démocratique du centre (UDC).
Désormais, c'est au tour du Parti libéral-radical (PLR) de durcir le ton. En effet, la formation de droite vient de déposer une intervention parlementaire dans chacune des Chambres fédérales afin de réclamer l'annulation de la décision de Fedpol. Soucieux d'avoir une assise populaire, le parti bourgeois a également lancé une pétition nationale.
Un «coup d'épée dans l'eau»
Derrière ces démarches, deux figures bien connues du parti: le président sortant du PLR et conseiller aux Etats argovien Thierry Burkart et son collègue lucernois Damian Müller. Tous deux dénoncent un «chaos», dont la responsabilité incomberait avant tout au conseiller fédéral Beat Jans. «C’est une nouvelle absurdité tout droit sortie du Département de justice et police», déclare Damian Müller à Blick. «Monsieur Jans tente de masquer des dysfonctionnements évidents au lieu de se soucier de la sécurité des citoyennes et des citoyens.»
La Suisse fait face à un réel problème, insistent les deux élus. «La criminalité augmente: nous avons constaté ces dernières années une forte progression des infractions violentes, appuie Thierry Burkart. La politique doit accorder plus de moyens à la police, et certainement pas les réduire.»
Les deux élus rappellent par ailleurs que la tentative de désarmer la police lausannoise, réclamée en début d’année par certains milieux de gauche, avait déjà été bloquée grâce à une pétition lancée par le parti qui avait récolté environ 30'000 signatures. «Cette fois encore, nous avons besoin du soutien de la population pour signer notre pétition et empêcher une nouvelle attaque contre nos forces de police», affirment-ils.
«Délire woke» au sujet de la police?
Thierry Burkart a une explication toute trouvée pour expliquer le revirement de Fedpol: «C’est un cas typique de délire woke, lance-t-il. La Confédération retire à la police, qui nous protège, les outils dont elle a besoin.»
Les deux sénateurs rejettent toutefois la critique selon laquelle ils utiliseraient la polémique sur la couleur de peau uniquement pour s’en prendre au ministre de la Justice, qu’ils n’apprécient guère. «Quand cela dérange l’autre camp, on nous accuse aussitôt d’instrumentaliser le sujet, rétorque le président du PLR. Mais le département de Beat Jans crée un véritable problème, et nous refusons que la sécurité dans notre pays soit affaiblie.»
Le conseiller fédéral doit au contraire agir pour protéger la population, renchérit Damian Müller. Mais pour cela, il doit accepter la réalité, estime-t-il: «Nous faisons face à un grave problème lié à la criminalité importée des pays du Maghreb. Il ne faut pas chercher à le dissimuler, mais y répondre de manière claire et ferme.»
Beat Jans s'exprime lui aussi sur la couleur de peau
Jeudi, Beat Jans s’est exprimé publiquement pour la première fois sur la décision prise par son département. «Fedpol voulait simplifier la procédure», a-t-il expliqué dans un entretien accordé au quotidien alémanique «20 Minuten». Le signalement par couleur de peau était déjà très peu utilisé, a-t-il rappelé. D’après Fedpol, les descriptions contenant une telle mention n'atteignaient même pas 1%.
Le conseiller fédéral social socialiste a d'ailleurs précisé que l’origine pouvait toujours être mentionnée dans Ripol. «Il n’a jamais été question d’entraver le travail des autorités», a-t-il assuré. Reste à voir s’il apportera d’autres précisions la semaine prochaine au Parlement.
Ce qui est certain, c'est qu'il devra répondre à de nombreuses interpellations du camp bourgeois lors de «l'heure des questions au Conseil national» prévue cet automne. D'ici là, la pression devrait continuer à s'accentuer. Preuve en est: après le PLR, le groupe parlementaire de l'UDC a à son tour déposé jeudi une motion pour que la police puisse à nouveau travailler «sans restrictions».