«Isolationniste et xénophobe»
Vers un rejet de l'initiative de l'UDC «Pas de Suisse à 10 millions!»

Le Conseil national a entamé le débat sur l’initiative UDC «Pas de Suisse à 10 millions», visant à limiter l'immigration. L’initiative est isolée politiquement et devrait être rejetée. Même un contre-projet du Centre n’a pas convaincu. Le débat reprendra jeudi.
Publié: 20:24 heures
|
Dernière mise à jour: 20:25 heures
Partager
Écouter
«Voulons-nous être nombreux ou heureux?», a demandé Céline Amaudruz aux élus du Conseil national. (Archive)
Photo: keystone-sda.ch
sda-logo.jpeg
ATS Agence télégraphique suisse

Le Conseil national a entamé lundi son examen marathon de l'initiative populaire de l'Union démocratique du centre (UDC) «Pas de Suisse à 10 millions», qui réclame un contrôle strict de l'immigration. Elle devrait être rejetée, l'UDC étant seule pour défendre son texte. Le Centre a lui plaidé pour un contre-projet sans convaincre.

Après quelques heures, le débat s'est arrêté. Il reprendra jeudi. Une bonne partie des 115 orateurs inscrits doit encore s'exprimer. Il se présente comme un tour de chauffe avant les discussions sur les accords avec l'Union européenne (UE). «Si le dossier européen était un menu, l'initiative ne serait qu'un amuse-bouche, mais son acceptation empêcherait de passer à table», a illustré Jean Tschopp du Parti socialiste (PS) pour la commission.

L'initiative demande que la population résidante permanente de la Suisse ne dépasse pas dix millions de personnes d'ici 2050. Le Conseil fédéral et le Parlement devraient prendre des mesures dès que la population dépasse les 9,5 millions.

Les personnes admises à titre provisoire ne pourraient plus obtenir d'autorisation de séjour ou d'établissement, ni la nationalité suisse, ni aucun autre droit de rester. Si ces mesures ne sont pas suffisantes, Berne devrait résilier des traités internationaux, notamment l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE.

«Trop, c'est trop»

Depuis l'an 2000, la population de la Suisse a augmenté seize fois plus que celle de l'Allemagne. En 25 ans, le pays a gagné environ deux millions d'habitants, a souligné Pascal Schmid (UDC/TG). Les chiffres de l'asile ne cessent d'augmenter. «Trop, c'est trop. L'UDC est le seul parti qui veut fixer des limites», a-t-il ajouté.

«
Quand un chiffre aléatoire a-t-il permis de régler des problèmes?
Greta Gysin, Conseillère nationale (Les Vert-e-s)
»

«La Suisse déborde par toutes ses coutures», a lancé Lars Guggisberg (UDC/BE). «Se loger devient de plus en plus difficile», a complété Michaël Buffat (UDC/VD). «Il s'agit de reprendre le contrôle de l'immigration pour préserver notre environnement et notre paysage», a conclu Jean-Luc Addor (UDC/VS). Et Céline Amaudruz (UDC/GE) de demander: «Voulons-nous être nombreux ou heureux?».

Les orateurs des autres partis ont reconnu que la croissance démographique présente des défis, mais estimé que l'initiative n'est pas la manière d'y répondre. «Quand un chiffre aléatoire a-t-il permis de régler des problèmes?», a demandé Greta Gysin (Vert-e-s/TI), qui a dénoncé une initiative «isolationniste et xénophobe».

L'UDC parle d'une initiative pour la durabilité, mais elle n'a de durable que le nom, a accusé Céline Weber des Vert'libéraux (PVL). Et Valérie Piller Carrard (PS/FR) de pointer une «hypocrisie de la part du parti le plus anti-écologiste de Suisse».

Initiative de résiliation?

Ce texte a été calibré pour mettre fin aux accords bilatéraux, a pour sa part relevé Philippe Natermod du Parti libéral-radical (PLR). Pour la commission, Christian Wasserfallen (PLR/BE) a parlé d'une «initiative de résiliation». Si la libre-circulation doit être résiliée, alors la clause guillotine sera activée et toutes les Bilatérales I tomberont. Les accords de Schengen/Dublin seraient aussi remis en question. La Suisse n'aurait par exemple plus la possibilité de renvoyer les demandeurs d'asile dans leur premier pays d'accueil, a averti le Bernois.

Cela ne ferait qu'aggraver la pénurie de main-d'oeuvre et le secteur des soins serait particulièrement touché, a complété Jean Tschopp. Et de rappeler que dans les hôpitaux, un tiers du personnel soignant est étranger. Dans les EMS, cette proportion est même de près de 50%. Dans les 15 prochaines années, il faudra 1000 nouveaux EMS, a complété Mattea Meyer (PS/ZH).Si la libre-circulation des personnes tombe, les mesures d'accompagnement seront elles aussi caduques, ce qui mettrait les salaires sous pression, a fait valoir Samira Marti (PS/BL).

L'immigration stable de personnes jeunes est nécessaire pour financer l'AVS, a aussi rappelé Peter Schilliger (PLR/LU). Les premières mesures seraient à prendre dans l'asile et pas dans l'immigration des travailleurs, a opposé Pascal Schmid. Ce n'est que dans un second temps qu'il faudrait limiter les travailleurs d'Etat tiers puis dans un troisième temps ceux de l'UE.

Pas de contre-projet

Le Centre a plaidé pour un contre-projet sous la forme d'une clause de sauvegarde, mais qui soit compatible avec les accords bilatéraux. La croissance démographique et ses conséquences préoccupent beaucoup de gens, a souligné Nicolò Paganini (Centre/SG).

Et d'ajouter que si la croissance se poursuit sans que les infrastructures ne suivent, cela sera à un moment donné sanctionné dans les urnes et cela pourrait se faire avec ce texte dangereux. C'est pourquoi il faut permettre à la population de choisir une autre voie qui permette de maintenir les accords bilatéraux, a abondé Gerhard Pfister (Centre/ZG).

Ce contre-projet n'offre pas de plus-value car il n'est pas à même d'entraîner un retrait de l'initiative, selon Christian Wasserfallen. De plus, il faut penser au vote à venir sur l'UE. Il est important que la population se prononce sur cette initiative avant le vote sur le paquet de l'UE. Un contre-projet rallongerait les délais.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus