Noël en quarantaine à l'armée
«Tu ne tiens pas 23 heures par jour isolé dans une chambre de caserne»

Des soldats et des officiers de l'armée ont passé les fêtes de Noël en quarantaine, dans des conditions peu engageantes. Heures de sortie restrictives, alimentation frugale: les officiers isolés ont dû être créatifs et s'organiser par eux-mêmes.
Publié: 29.01.2022 à 06:02 heures
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Dernière mise à jour: 31.01.2022 à 20:06 heures
L'armée a-t-elle mal organisé la quarantaine de ses soldats à Noël?
Photo: KEYSTONE
16 - Jocelyn Daloz - Journaliste Blick.jpeg
Jocelyn Daloz

Imaginez: vous êtes un officier en cours de répétition à l’armée. Vous êtes responsable et vous faites donc tester régulièrement pour le Covid. Peu avant Noël, pas de chance! Vous êtes positif. Pour une raison ou une autre, (parents à risque, épouse enceinte), vous ne voulez pas passer la quarantaine chez vous. L’armée vous propose donc d’être confiné en caserne. Vous êtes alors transporté à la place d’armes de Liestal, dans le canton de Bâle. Bon plan? Tout au contraire.

Sur place, surprise. On vous annonce que vous devrez rester en chambre 23 heures sur 24. Vous aurez uniquement droit à une demi-heure de sortie le matin et une autre l’après-midi pour vous détendre les élastiques de jambes. Le 24 décembre, la veille de Noël, pas de repas festif. Mais un sandwich peu alléchant fournit par le responsable des cantonnements. La caserne serait-elle devenue une prison?

Un panier descendu à l’aide d’un câble électrique

Cette histoire s’est réellement produite, assurent différentes sources à Blick. L’un des hommes concernés raconte que durant ce fameux réveillon de Noël, lui et ses camarades ont décidé de prendre les choses en main pour passer un moment un tant soit peu plus agréable.

Pas question de se contenter de deux tranches de pain enveloppant une garniture quelconque. Ils ont donc commandé leur repas sur eat.ch, histoire de fêter dignement un Noël déjà assez morose. Jusque-là, rien de bien étonnant. Mais pour réceptionner leur commande, ils ont improvisé un panier qu’ils ont descendu au livreur à l’aide d’un câble électrique depuis le dortoir où ils étaient confinés.

Au final, nous dit le militaire qui souhaite rester anonyme, les choses ne se sont pas si mal passées pour les officiers. Ceux-ci ont réussi à négocier des conditions de quarantaine moins restrictives. «Je ne sais pas si vous avez déjà vu une chambre de l’armée, mais vous n’y tenez pas dix jours enfermé avec une sortie d’une heure quotidienne», glisse-t-il. Les gradés ont en outre obtenu d’avoir un accès plus libre à la salle de sport, désertée durant les fêtes. Ce que l’officier critique, c’est le manque de préparation et les conditions initiales de leur quarantaine.

Les chiffres Covid de l'armée sont-ils tronqués?

Certaines de nos sources ont également souligné que l’armée aurait une façon singulière de compter les cas Covid en son sein. Dans certaines casernes et selon les règles de quarantaine en vigueur dans les cantons, le personnel militaire testé positif — ayant la possibilité de rentrer de son propre chef (donc en voiture et non en transports en commun) — a l’autorisation de le faire.

Ce faisant, il disparaissait alors des statistiques Covid. Une compagnie en cours de répétition en décembre 2021 aurait ainsi commencé son œuvre avec 130 hommes pour finir avec une trentaine de membres encore actifs. Mais comme nombre d’entre eux seraient rentrés, ils n’auraient pas tous été comptabilisés comme cas Covid dans les statistiques militaires.

Vif démenti

L’armée dément ces allégations, nous informant que «le Contact Management de l’armée utilise les mêmes moyens que les cantons»: «Ainsi, tous les cas dans l’armée sont enregistrés et correctement déclarés conformément aux directives de l’OFSP. Cela concerne aussi bien les patients en isolement que les personnes en quarantaine.»

Elle ne commente pas les chiffres dont nous avons eu connaissance, mais nous informe qu’en ce qui concerne la caserne de Liestal, «sur les 159 personnes qui auraient dû entrer en service le 3 janvier, 35 ne l’ont pas fait en raison du Covid». Au total, en décembre 2021, 258 personnes ont été testées positives au sein de l’Armée suisse.

Certaines de nos sources ont également souligné que l’armée aurait une façon singulière de compter les cas Covid en son sein. Dans certaines casernes et selon les règles de quarantaine en vigueur dans les cantons, le personnel militaire testé positif — ayant la possibilité de rentrer de son propre chef (donc en voiture et non en transports en commun) — a l’autorisation de le faire.

Ce faisant, il disparaissait alors des statistiques Covid. Une compagnie en cours de répétition en décembre 2021 aurait ainsi commencé son œuvre avec 130 hommes pour finir avec une trentaine de membres encore actifs. Mais comme nombre d’entre eux seraient rentrés, ils n’auraient pas tous été comptabilisés comme cas Covid dans les statistiques militaires.

Vif démenti

L’armée dément ces allégations, nous informant que «le Contact Management de l’armée utilise les mêmes moyens que les cantons»: «Ainsi, tous les cas dans l’armée sont enregistrés et correctement déclarés conformément aux directives de l’OFSP. Cela concerne aussi bien les patients en isolement que les personnes en quarantaine.»

Elle ne commente pas les chiffres dont nous avons eu connaissance, mais nous informe qu’en ce qui concerne la caserne de Liestal, «sur les 159 personnes qui auraient dû entrer en service le 3 janvier, 35 ne l’ont pas fait en raison du Covid». Au total, en décembre 2021, 258 personnes ont été testées positives au sein de l’Armée suisse.

Pas assez de fondue pour tous

Interrogée, l’armée explique qu’une fondue avait été prévue par la cuisine de la caserne de Liestal pour le soir du 24 décembre dernier. Or, «comme un nombre inattendu de soldats positifs a dû être admis pour l’isolement, il n’y avait pas assez de portions disponibles», justifie-t-elle. C’est pourquoi des sandwichs ont finalement été servis.

Le lendemain, l’officier de service aurait complété les réserves de la cuisine, de sorte qu’il y ait suffisamment de nourriture pour les autres jours de fête. La porte-parole Delphine Schwab-Allemand ajoute que les cuisines de la caserne se seraient rattrapées à la Saint-Sylvestre, durant laquelle les hommes en isolement se sont vus servir un menu à deux plats spécialement préparé pour l’occasion. A minuit, «ils ont également reçu des pâtisseries et du champagne». Elle précise droit derrière: «Sans alcool». Il ne faut pas exagérer.

Par ailleurs, elle nous confirme que l’armée a bel et bien isolé et pris en charge elle-même les patients atteints de Covid pendant cette période à Liestal. L’isolement était obligatoire pour tous, officiers comme soldats. Au total, 54 militaires ont transité par le chef-lieu du canton de Bâle-Campagne, entre le 23 décembre et le 7 janvier. L’armée y disposait de 39 lits et douze n’ont jamais été utilisés.

Une source estime pourtant que le lieu n’était pas adapté. Elle aurait préféré effectuer sa quarantaine dans un autre bâtiment de l’armée, où les personnes concernées auraient pu rester complètement autonomes sans risque de se rapprocher des autres membres en service ou de la population civile, la caserne étant en effet située en pleine ville.

«Une logistique rigide comme la justice de Berne»

Cet informateur aurait également souhaité un peu de flexibilité bureaucratique face à une situation extraordinaire. «C’est la deuxième fois que je dois faire une quarantaine à l’armée, avance-t-il. J’en avais déjà subi une lorsque nous avions eu des punaises de lits en 2015 et c’était le même désastre organisationnel. Il était impossible de libérer du matériel. Sans parler d’une logistique et d’une hiérarchie rigide comme la justice de Berne…»

Pour l’armée, il n’y a pas eu de déficit logistique. La caserne de Liestal avait déjà été ouverte auparavant et était la seule à être occupée durant les fêtes. Quant aux restrictions de déplacements, elles sont justifiées, estime Delphine Schwab-Allemand: «Comme il s’agissait de patients infectieux et que la caserne de Liestal se trouve en ville, les patients devaient être isolés.»

«C’était mal organisé, mais on s’est arrangé»

Elle contredit également notre source en expliquant «qu’ils avaient toutefois la possibilité de quitter leur chambre après chaque repas et de se déplacer librement dans une zone limitée de la caserne». Elle rebondit: «Ils avaient la possibilité d’utiliser quotidiennement la salle de sport».

Notre officier assure qu’il ne gardera pas un mauvais souvenir de cette aventure. Le personnel sur place — notamment soignant — s’est montré très arrangeant et les rigidités ont pu être aplanies au fur et à mesure, affirme-t-il. «J’étais très reconnaissant envers l’armée de nous permettre de nous isoler sans mettre nos proches en danger.»


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