Elle nettoie chez les gens atteint par le syndrome de Diogène
«Quand même un rat ne survit pas, ça en dit long sur la situation»

Viola Osterloh intervient lorsque les gens se noient sous les déchets et ne savent plus quoi faire. L'agente de nettoyage thurgovienne et son équipe ont laissé «Blick» assister à une de ses missions dans une maison pas comme les autres.
Publié: 07:02 heures
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Dernière mise à jour: 10:08 heures
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Depuis 2018, Viola Osterloh dirige une entreprise de nettoyage avec son mari.
Photo: Sandro Zulian
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Sandro Zulian

«Es-tu prête?» Avant de laisser Blick entrer dans une maison dont elle allait devoir s'occuper, Viola Osterloh – à la tête d'une entreprise de nettoyage dans le canton de Thurgovie – voulait s'assurer que notre journaliste avait l'estomac bien accroché.

Une fois la porte de la demeure franchie, avec l'accord de son occupante, c'est l'effroi. Le sol est jonché d'objets: sacs en plastique, chaussures, couvertures, coussins, câbles électriques, DVD, peluches, vêtements, affaire de sport usagées...la liste est presque interminable tant le sol est utilisé comme dépotoir.

Mouches mortes dans le frigo

Le réfrigérateur de la cuisine a déjà été vidé. Des centaines de mouches mortes sont collées à l'intérieur. Un «petit lac» s'est formé sur le sol, juste devant. Impossible de définir de quels liquides il s'agit. Dans cette maison, il faut faire bien attention où l'on met les pieds. Des briques de verre trainent sur le sol, ainsi que des documents officiels. 

A la salle de bain, il faut réussir à se frayer un chemin à travers plusieurs bouteilles de shampoing et autres contenants pour atteindre les toilettes. Dans la cuvette des WC, il y a un chiffon de nettoyage qui stagne dans l'eau. Cela fait longtemps qu'il n'a pas servi et que la cuvette n'a pas été lavée.

«Ici, ce n'est pas le pire»

Dans les chambres, des sommiers, des matelas et des cadres entiers jonchent le sol. Une odeur désagréable donne des nausées. «C'est de l'urine de chat», rassure Viola Osterloh, détendue. «Cette maison n'est pas la pire.»

Au premier étage, les déchets jonchent le sol.
Photo: Sandro Zulian

Au milieu du chaos, la quadragénaire fait part de ses pires souvenirs. Viola Osterloh est habituée à des situations encore plus dégoûtantes. «Quand les tas de déchets font 1m60 de haut, je monte d'abord dessus pour avoir une vue d'ensemble», explique-t-elle. Elle résume sa pire expérience en une phrase: «Quand même un rat ne survit pas, ça en dit long sur la situation.»

Cette photo provient d'un autre déblayage effectué par Osterloh. Le rat est mort au milieu des déchets.
Photo: zVg

La plupart du temps, son entreprise est sollicitée par des administrations, des bailleurs ou des curateurs. Mais parfois, aussi, par des membres d'une famille inquiets que leurs proches vivent dans un endroit insalubre. 

Viola Osterloh (au centre) et son équipe.
Photo: Sandro Zulian

Viola Osterloh prend ses précautions. Elle veille à ce qu'elle et son équipe soient toujours bien protégés. Selon la situation, elle prescrit des vêtements spéciaux et des masques. «J'ai encore besoin de mon équipe demain et après-demain», dit-elle en plaisantant à moitié.

«Un cercle vicieux»

En tant que cheffe d'entreprise depuis sept ans, elle doit aussi soigner sa relation avec ses clients. «Ils doivent savoir qu'ils ne me dégoûtent pas et que je les prends au sérieux.» Le lien émotionnel est important. Viola Osterloh montre à Blick plusieurs lettres de remerciement qu'elle a reçues durant sa carrière. Il n'est pas rare qu'il y ait des larmes lorsqu'elle remet un logement étincelant à son occupant.

La propriétaire de la maison que nous avons pu visiter a également écrit à Viola Osterloh. «Elle (ndlr: Viola Osterloh) se promenait dans la maison, en enlevant les toiles d'araignée de ses cheveux, comme si de rien n'était.» Ou encore: «Le respect était le même avant et après la visite.» Le respect est d'autant plus important quand le client souffre du syndrome de Diogène. 

Les agents de nettoyages n'ont pas peur des montagnes de déchets.
Photo: Sandro Zulian

Se retrouver dans un appartement totalement insalubre ressemble à un «cercle vicieux qui s'amplifie, explique la propriétaire. La honte et la culpabilité d'en être arrivé là ont été si paralysantes qu'il m'a été presque impossible de demander de l'aide.» Elle avait tout de même commandé une benne à ordures et tenté à plusieurs reprises de vider la maison par ses propres moyens. Sans succès.

«Le job de mes rêves!»

Derrière le syndrome de Diogène, caractérisé par une accumulation pathologique d'objets ou de déchets, une négligence de l'hygiène personnelle et un isolement social, il y a pratiquement toujours un stress psychique ou un évènement traumatisant. Si les gens ne demandent pas immédiatement de l'aide, c'est aussi parce que le sujet est très tabou.

La carrière de Viola Osterloh dans le nettoyage a commencé avec son mari. Sa brocante en Thurgovie recevait régulièrement des demandes d'évacuation et de nettoyage. Le couple d'entrepreneurs a donc décidé d'élargir son offre. D'une certaine manière, il faut être né pour ce travail, dit Viola Osterloh: «Je n'ai pas froid aux yeux. Je ne me suis jamais dégoûtée, je n'ai jamais vu que le problème. Car derrière ce bazar se cachent des histoires personnelles. Ce travail a toujours été une passion pour moi. J'aime mon métier, c'est le job de mes rêves!»

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