Migros répond à l’Association de soutien au lait équitable (ASLE) et à ses soutiens politiques transpartisans. Ce lundi 17 novembre, deux conseillers nationaux vaudois – l’un socialiste et l’autre UDC – ont pris la parole pour appeler Migros à réintroduire le lait équitable dans ses rayons. Contacté par Blick, le porte-parole de Migros Tristan Cerf a expliqué les raisons qui font que le géant orange n’est pas convaincu par le label «lait équitable» (acheté au moins un franc le litre).
Avec son appel à signatures, Benoît Gaillard (PS/VD) espère «miser sur un signal donné par les consommateurs» afin «qu’ils puissent choisir entre différents types de laits en fonction de leur éthique et de leur revenu». L’élu et président de l’ASLE exemplifie le label qu’il défend: «C’est comme avec les bananes. Il devrait y avoir la version 'Max Havelaar' du lait, dans les rayons, aux côtés des autres.»
Associé à la démarche, Jacques Nicolet (UDC/VD) s’alerte que le nombre de producteurs de lait en Suisse a diminué de 50% en 20 ans. Le conseiller national de droite, agriculteur de profession, explique pourquoi la démarche cible spécifiquement le géant orange: «Les belles annonces et les belles images mettant en lumière des exploitations agricoles ne suffisent pas à nourrir les familles paysannes. Migros mettait en vente depuis des années du lait équitable, avant de cesser cette collaboration».
Demande pas assez forte?
En effet, le distributeur a mis fin au lait équitable dans ses rayons en 2022, après un essai jugé peu concluant. «Nous avons en effet constaté une demande insuffisante, car trop peu de consommatrices et consommateurs sont prêts à payer un prix nettement plus élevé pour le 'lait équitable'», explique Tristan Cerf. Le porte-parole de Migros indique baser sa réponse sur «nos chiffres de vente effectifs et notre connaissance du marché».
Pour Benoît Gaillard et l’ASLE, l’argument du manque de demande de la part des consommateurs ne tient pas. «Entre 2021 et 2022 chez Migros, le lait équitable se vendait plutôt bien, puisque 370’000 litres ont été écoulés dans environ 80 magasins, affirme le député socialiste. Si cela avait été fait dans les centaines de points de vente Migros, on aurait pu tripler la quantité de lait équitable vendu aujourd’hui.»
Migros rejette les accusations
De quoi lui faire conclure que Migros favoriserait la disparition des exploitations laitières en exerçant une forte pression sur l’industrie et en ne payant pas au moins 98 centimes par litre. Des critiques qui ne passent pas du côté du porte-parole Tristan Cerf: «Nous rejetons fermement les accusations selon lesquelles Migros refuserait de payer un prix correct aux productrices et producteurs de lait».
Le communicant développe en précisant que «le groupe Elsa, transformateur de lait pour Migros, s’engage à payer des prix du lait supérieurs à la moyenne à ses productrices et producteurs» et qu’il suivrait «toujours les évolutions du prix de référence A-BOM». En conséquence, le prix payé par Migros serait «parmi les plus élevés de Suisse» et se situerait «actuellement environ 3 centimes par kilo au-dessus de la moyenne suisse».
Selon Benoît Gaillard, Migros profiterait des paiements directs alloués par la Confédération aux agriculteurs pour sous-payer leur lait. «En somme, Migros profite des financements publics pour payer les agriculteurs à des tarifs insuffisants», assène le député. Pour Migros, c’est la loi du marché et le fait que «la sensibilité de la clientèle aux prix est élevée» qui guident leur choix.
«Nous évoluons dans un environnement compétitif, incluant notamment une reprise du tourisme d’achat», indique Tristan Cerf. Pour autant, le porte-parole tient à rappeler que le géant de la distribution collabore avec des labels comme Bio Suisse et IP-Suisse, qui «correspondent à un important besoin de nos clients et offrent une plus-value qualitative reconnue».
Socialiste et UDC s’allient, Migros ne bouge pas
Selon Jacques Nicolet, l’appel de l’ASLE n’a «pas la prétention de forcer la main à Migros mais de l’inviter à faire un pas en mettant en vente du lait équitable». Un message qui «s’adresse à tous les acteurs de la distribution». Mais Migros s’en tient à ses raisons. «Nous continuerons de ne pas intégrer le 'lait équitable' dans notre assortiment», conclut Tristan Cerf.
Reste que sur cette question, un UDC et un socialiste de premier plan se sont alliés sur les mêmes objectifs, pour une seule conférence de presse. «Au niveau politique, mon but est de faire évoluer la perception des agriculteurs au sein du PS, commente Benoît Gaillard. Au fond, les petites et moyennes exploitations sont faites de membres de la classe moyenne, qui galèrent à la fin du mois.» A ce sujet, Jacques Nicolet se contente de dire que «sur les questions d’équité des prix dans l’agriculture, l’UDC a toujours été en première ligne».