Mathias Reynard avait 24 ans lorsqu'il est entré au Conseil national à Berne. Il était alors pressenti pour devenir président du parti socialiste (PS). Il a ensuite rejoint le Conseil d'Etat valaisan en 2021. Aujourd'hui, cet enseignant de formation vit l'épreuve la plus difficile de sa carrière. En tant que président du gouvernement valaisan, il doit gérer la catastrophe naturelle de Blatten avec ses collègues du Conseil d'Etat. Blick s'est entretenu avec le politicien valaisan.
Mathias Reynard, depuis des semaines, le Valais est en état d'urgence. Le gouvernement est, lui aussi, mis à l'épreuve. Comment gérez-vous cette pression?
En tant que conseillers d'État, nous sommes constamment sous pression. Mais cette pression est différente. Lorsque nous sommes confrontés à la détresse des habitants de notre canton, cela nous touche personnellement.
Où étiez-vous lorsque l'éboulement a eu lieu?
Je présidais une réunion. J'ai été choqué et inquiet pour la population.
Des laves torrentielles isolées se sont également produites dans le Val de Bagnes, des inondations ont eu lieu l'été dernier et des intempéries se sont produites dans le Lötschental en 2022. Pourquoi ces événements touchent-ils toujours le Valais?
Le Valais est un canton montagneux avec de nombreux cours d'eau. La nature est très présente dans notre vie. Les risques sont considérables. Nous avons la chance de vivre dans un écosystème unique au monde, mais celui-ci est aussi fragile et subit de plein fouet le changement climatique.
Le canton du Valais a débloqué dix millions de francs d'aide d'urgence pour Blatten. Est-ce suffisant?
Les dix millions sont un premier pas pour répondre à l'urgence de la situation. Mais pour l'avenir de Blatten, il faudra encore beaucoup plus d'argent. Heureusement, nous pouvons compter sur la solidarité de nombreux cantons et villes, de la Confédération et de la population suisse. Cela fait chaud au cœur.
Le village de Blatten doit être reconstruit alors que tout est dévasté. Est-ce réaliste?
Le Conseil d'État a très tôt réaffirmé son soutien pour la reconstruction de Blatten. Nous devons – et voulons – tenir compte de la volonté des habitants et des autorités de Blatten. Nous les soutenons pour qu'un nouveau Blatten puisse devenir réalité. La reconstruction s'étalera sur une longue période. Nous devrons soutenir les habitants à long terme.
Pouvons-nous encore nous permettre de protéger l'ensemble des régions de montagne? Ou devrons-nous abandonner certaines régions à plus ou moins long terme?
L'avenir de notre population se trouve aussi dans les régions de montagne! La plaine et les villes sont aussi régulièrement touchées par des événements extrêmes, par exemple des inondations. Il s'agit de surveiller et d'évaluer régulièrement les risques. La surveillance du territoire et des risques naturels est une tâche essentielle de l'État. C'est ce que nous avons fait à Blatten. Nous saluons le travail exceptionnel de toutes les équipes du canton et de l'état-major de catastrophe sur place. Elles ont anticipé la catastrophe et ont réagi de manière exemplaire. Grâce à cette réactivité, des centaines de vies ont pu être sauvées.
Un fonds national pour les catastrophes est-il nécessaire?
Oui, un tel fonds, basé sur la solidarité nationale, est nécessaire et cette idée gagnera encore en importance dans les années à venir. Car il est clair que les dépenses du canton du Valais pour faire face aux catastrophes naturelles et aux conséquences du changement climatique vont continuer à augmenter, les régions de montagne ont besoin de soutien dans ce domaine.
A quoi devrait ressembler un tel fonds?
On pourrait imaginer un fonds de solidarité dont les ressources pourraient évidemment provenir de la Confédération, mais peut-être aussi des cantons. L'essentiel est que la solidarité puisse s'exercer dans les situations de crise et de catastrophe.
Dans une interview accordée à la «NZZ», le conseiller fédéral Albert Rösti doute de la création d'un fonds de ce type. Il a déclaré: «Un fonds n'a de sens que si nous décidons d'affecter des moyens à un but précis ou si nous fixons un montant spécifique. Les deux sont politiquement difficiles.» Que lui répondez-vous?
J'aurais tendance à répondre qu'on peut tout obtenir si on le veut. Comme souvent, c'est une question de volonté politique.
Le conseiller aux Etats Beat Rieder a déclaré que les priorités de l'Office fédéral de l'environnement étaient mal fixées. Il faudrait plus d'argent pour la défense contre les dangers naturels. Vous êtes d'accord?
Ce n'est pas le rôle d'un conseiller d'État de fixer les priorités d'un office fédéral. Mais il faut être prudent: allouer beaucoup d'argent à la protection contre les dangers naturels sans s'attaquer aux causes du changement climatique revient à traiter les symptômes sans guérir la véritable maladie.
Vous prévoyez une stratégie à long terme contre le changement climatique. Quelle sera sa forme? Combien coûtera-t-elle?
Nous y travaillons, elle sera présentée publiquement dans les mois à venir.
Quel est l'intérêt d'une stratégie de lutte contre le changement climatique pour un canton, si les grands pollueurs sont en Chine ou aux Etats-Unis?
Chacun fait des efforts à son niveau. En tant que canton de montagne, le Valais est particulièrement exposé aux risques liés au changement climatique. Nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre et de ne rien faire sous prétexte que d'autres font encore pire. La Suisse est un pays riche et porte donc aussi sa part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre.
Le canton du Valais est l'un des rares cantons où l'assurance immobilière n'est pas obligatoire. Est-ce encore d'actualité?
C'est une question que nous devons vraiment nous poser. Je pense que ces débats doivent être ouverts et démocratiques. Nous avons trouvé des solutions d'assurance pour le domaine de l'agriculture. C'est maintenant à nous de trouver des solutions pour la protection de la population.
Vous auriez pu devenir président du PS. Votre carrière nationale est-elle terminée ou êtes-vous tenté par un retour à Berne, par exemple au Conseil fédéral?
Mon travail de conseiller d'État me remplit complètement. Je n'ai jamais pensé à un plan de carrière. Ma seule priorité aujourd'hui est la population valaisanne.