Querelle entre les deux hommes
L’ancien avocat d’Alain Soral se rebiffe

Bien connu des tribunaux français et romands, le polémiste Alain Soral critique dans une vidéo son ancien avocat genevois, qui lui réclamerait 70'000 francs. Contacté, ce dernier dément les honoraires avancés par l’idéologue d'extrême droite et sort son gros bazooka.
Publié: 05:43 heures
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Dernière mise à jour: 06:47 heures
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Me Pascal Junod a défendu Alain Soral dans son procès (perdu) pour homophobie, intenté par une journaliste de la «TDG».
Photo: Keystone
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Antoine Hürlimann
L'Illustré

L’idéologue d’extrême droite Alain Soral ne vomit pas sa prose vulgaire que sur les juifs ou sur les personnes LGBTQIA+. Même ceux qui ont plaidé sa cause devant les juges peuvent en prendre pour leur grade. En témoigne une vidéo repérée par «24 heures», dans laquelle celui qui sera entendu par le Ministère public vaudois fin novembre dans le cadre d’une enquête pour provocation publique au crime ou à la violence, discrimination, incitation à la haine et infraction à la loi sur les armes, confie tout le mal qu’il pense des montants des honoraires des avocats en Suisse. Non sans égratigner au passage ses derniers défenseurs helvétiques, qu’il assure avoir renvoyés à leur étude.

Désormais dépourvu d’épitoge sur laquelle essuyer ses déconvenues juridiques, Alain Bonnet, dit Alain Soral, lance une bouteille à la mer: «Je cherche un avocat sur le canton de Vaud qui voudrait bien me défendre sans m’arnaquer et sans m’escroquer.»

70'000 francs d'honoraires

Une affaire en particulier est visiblement restée en travers de la gorge du Franco-Suisse de 67 ans, qui a fui Paris en 2019 pour Lausanne. Souvenez-vous: l’année dernière, le multicondamné, notamment pour antisémitisme, écopait d’une peine pour homophobie après avoir ciblé une journaliste de la «Tribune de Genève». Ce souvenir ne lui est visiblement pas des plus agréables: «Mon avocat genevois, non content de m’avoir fait payer 35'000 francs pour l’affaire de la grosse lesbienne […], me redemandait 35'000 francs de plus», peste-t-il dans son t-shirt à manches longues bleu foncé, loupes de lecture vissées sur le nez.

L’agitateur à la sacrée faconde, qui devrait purger un total de 7 ans de prison en France, s’étrangle: «En Suisse, on peut sans honte réclamer à un individu comme moi 70'000 francs d’honoraires pour une affaire où vous avez perdu.» C’est plus généralement les rouages du système judiciaire qui ont l’air de donner le tournis au polémiste féru de boxe: «La relation avec la justice en Suisse est une relation d’argent, c’est un pays de banques. On paie l’avocat au compteur, c’est comme le taxi.»

Mais attention. Ramener uniquement à une question de gros sous l’appel à l’aide du presque septuagénaire, qui indique vouloir «une défense de rupture», serait réducteur: «Pour l’instant, je n’ai pas réussi à être défendu dignement sur mes dossiers.» En bon challenger, il glisse à qui voudra bien relever le défi: «Si un avocat veut bien me prouver le contraire, je suis preneur.»

Me Pascal Junod sort la sulfateuse

L’illustré s’est demandé ce que pouvait penser de ces propos accusatoires l’homme de loi du bout du Léman qui aurait apparemment facturé 70'000 francs à Alain Soral. Ce dernier, Me Pascal Junod, nous a répondu sans langue de bois.

Une prise de parole rare dans le cadre d’une querelle opposant un avocat à l’un de ses ex-mandants. «Etant, sans être expressément nommé, pris à partie par Alain Soral dans une récente vidéo au sujet de mes honoraires, je vous informe que le chiffre avancé par ce dernier est parfaitement fantaisiste, soutient-il dans un courriel. Le reste est à l’avenant et pourrait être qualifié sur le plan pénal.»

«
Soral n’a toujours pas compris les mécanismes de la justice et du droit
Me Pascal Junod
»

L’intercesseur, connu pour avoir par ailleurs représenté l’humoriste français sulfureux Dieudonné ou encore la Genevoise Chloé Frammery, figure emblématique de la lutte contre les mesures sanitaires lors de la pandémie de Covid-19, poursuit sa contre-attaque au pas de charge: «Malgré de nombreux procès, perdus ou en cours de procédure comme il l’expose, Soral n’a toujours pas compris les mécanismes de la justice et du droit, dont la seule fonction serait, selon lui, de le condamner et de lui ponctionner de l’argent. Ignore-t-il encore qu’un avocat a une obligation de moyens et non pas de résultat? Et quand il fait le procès de la justice suisse, expliquant que les avocats travaillent ici «au compteur» comme les 'chauffeurs de taxi', il feint de méconnaître que c’est la règle générale de facturer sur la base du temps consacré au dossier (selon un timesheet); la remarque de Soral est pour le surplus extrêmement déplacée.»

Me Pascal Junod aiguise sa baïonnette en regardant droit dans les yeux de celui qu’il défendait il y a peu encore. «Après avoir cherché en vain de nouveaux conseils, le voilà, nous explique-t-il, en quête d’un avocat vaudois pas cher et totalement désintéressé, prêt à monter aux barricades pour assurer, selon ses termes, un procès de rupture à la Vergès (ndlr: Jacques Vergès était un célèbre avocat français qui a défendu des personnes ayant commis des crimes particulièrement graves), procès dont il méconnaît clairement les ressorts et la philosophie. Souhaitons-lui bonne chance.» Aux dernières nouvelles, Alain Soral n’avait toujours pas trouvé avocat à ses pieds. Le voilà, maintenant, au moins habillé pour le rude hiver qui pourrait bien lui être destiné.

Un article de «L'illustré» n°44

Cet article a été publié initialement dans le n°44 de «L'illustré», paru en kiosque le 30 octobre 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°44 de «L'illustré», paru en kiosque le 30 octobre 2025.

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