Ils auraient une solution miracle
Au Conseil des Etats, les partis bourgeois veulent assouplir les exportations d'armes

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Berne lutte avec la loi sur le matériel de guerre. Celle-ci interdit la réexportation de matériel militaire vers des Etats engagés dans un conflit armé. Mais la majorité bourgeoise du Conseil des Etats veut y remédier.
Publié: 08.06.2025 à 20:26 heures
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La Suisse avait interdit à l'Allemagne de livrer des chars Flakpanzer Gepard à l'Ukraine.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

Le Conseil des Etats veut passer à l’action. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Suisse se débat avec la loi sur le matériel de guerre (LMG). Renforcée il y a environ trois ans, cette loi interdit notamment la réexportation d’armements vers des pays en conflit armé. 

Grâce à elle, l’Allemagne n’a pas pu livrer de munitions pour les chars Flakpanzer Gepard à l’Ukraine, le Danemark n’a pas pu transmettre de blindés Piranha, et l’Espagne pas de canons antiaériens. Avec cette position pacifiste, Berne ne s’est pas fait beaucoup d’amis. Plusieurs pays ont d'ailleurs annoncé qu’ils ne voulaient plus acheter d’armes suisses.

Cela place la Suisse sous pression. Non seulement sur le plan diplomatique, mais aussi au niveau économique: l’industrie suisse de l’armement est en danger. Elle risque de perdre un marché extérieur vital pour sa survie. Et sans production d’armes nationale, la capacité de résistance de l’armée suisse serait compromise. Jusqu’à présent, toutes les tentatives de solution ont échoué – mais les partis bourgeois du Conseil des Etats pensent désormais avoir trouvé une solution capable de réunir une majorité, et ils veulent la faire aboutir ce mercredi.

«La majorité devrait être acquise»

La solution repose sur une proposition de la commission de la sécurité: alors qu’actuellement chaque exportation de matériel de guerre nécessite une autorisation individuelle, une exception devrait désormais s’appliquer à 25 pays partageant des valeurs occidentales similaires. Cela inclut la majorité des pays membres de l’OTAN ainsi que l’Argentine, l’Australie, l’Irlande, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Autriche.

A l’avenir, l’exportation vers ces pays devrait être autorisée par principe. C’est sur ce point que se sont entendus les principaux représentants de l’Union démocratique du centre (UDC), du Parti libéral-radical (PLR) et du Centre. «La majorité au sein du Conseil des Etats devrait donc être acquise», affirment avec confiance la centriste Brigitte Häberli-Koller et son collègue du PLR Josef Dittli.

Cette solution vise à remplacer la proposition du Conseil fédéral, qui souhaite lui aussi assouplir les règles d’autorisation pour les pays disposant d’un Etat de droit comparable. La modification de la loi permettrait au gouvernement de disposer de marges de manœuvre pour adapter sa politique d’exportation de matériel de guerre à l’évolution des réalités géopolitiques. Le Conseil fédéral entend ainsi préserver tant les intérêts intérieurs qu'extérieurs de la Suisse.

La solution? Plus de rétroactivité

Mais les partis bourgeois préfèrent la version proposée par leur commission de sécurité. Et ce n’est pas tout. A la dernière minute, le conseiller aux Etats PLR Thierry Burkart a déposé une motion individuelle qui devrait elle aussi obtenir une majorité parmi les partis bourgeois. Selon cette proposition, la réexportation d’armes et de munitions serait toujours possible pour les mêmes 25 pays. Ceux-ci devraient pouvoir en disposer librement.

Contrairement à une précédente proposition, cette solution ne devrait cependant pas s’appliquer de manière rétroactive, mais uniquement à partir de l’entrée en vigueur de la loi. C'est le petit détail qui a convaincu l'UDC de rallier le projet. Le parti s’était opposé à toute rétroactivité, estimant qu’un soutien ainsi rendu possible à l’Ukraine mettrait en péril la neutralité de la Suisse. La nouvelle solution, en revanche, ne devrait plus vraiment profiter à l’Ukraine.

«Je suis extrêmement soulagé que nous ayons enfin trouvé une solution, même si, en réalité, nous avons deux ans de retard», commente Werner Salzmann, spécialiste des questions de sécurité au sein de l'UDC. «Pour pouvoir garantir notre sécurité, nous avons encore besoin d’une industrie de l’armement nationale.»

Le peuple aura sans doute le dernier mot

Si la majorité du Conseil des Etats approuve le projet comme prévu mercredi, le Conseil national devra encore se pencher sur la question. «Avec un résultat clair au Conseil des Etats, les chances sont également bonnes au Conseil national», estime Brigitte Häberli-Koller.

Mais en fin de compte, c’est sans doute le peuple qui devra trancher sur un éventuel assouplissement des exportations. Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a d’ores et déjà annoncé un référendum si le Parlement donne son feu vert. « Je suis toutefois convaincu que nous pouvons et allons gagner cette votation», déclare le conseiller aux Etats UDC Werner Salzmann. «La situation géopolitique mondiale a, après tout, changé de manière dramatique.»

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