Cela ressemble à une mauvaise blague, mais c'est la réalité : celui ou celle qui, par exemple, prend son courage à deux mains pour aller porter plainte à la police après avoir été harcelé, risque de voir son adresse communiquée à l'auteur présumé, directement remise par le ministère public. C'est actuellement la pratique courante de nombreuses autorités pénales.
Deux parlementaires à Berne veulent mettre un terme à cette pratique. La conseillère nationale du Parti socialiste (PS) Tamara Funiciello et sa collègue du Parti libéral-radical (PLR) Patricia von Falkenstein ont déposé une intervention commune. Elles y demandent que le code de procédure pénale soit modifié en conséquence.
Les prévenus peuvent consulter les dossiers
A l'avenir, toute mention du domicile des plaignants ne devrait plus apparaître automatiquement dans les dossiers de procédure. «L'adresse ne doit plus être divulguée que si la personne accusée peut prouver un intérêt légitime», explique Patricia von Falkenstein à Blick.
Pourquoi en est-il ainsi actuellement? Selon la police cantonale argovienne, la présence d'une personne lésée est indispensable pour pouvoir porter plainte. Celle-ci doit être connue et mentionnée dans le rapport, explique le chef de presse de la police cantonale Dominic Zimmerli. C'est ce que prescrit le code de procédure pénale. «Celui qui est accusé peut alors consulter le dossier». Et en plus du nom, l'adresse y est également mentionnée.
Peur d'un nouveau harcèlement
Le porte-parole reconnaît que cette pratique peut tout à fait conduire les personnes concernées à ne pas porter plainte, par exemple parce que les voisins ne veulent pas s'exposer ou parce que les victimes de violence domestique ou de stalking ont peur d'être encore harcelées. Interrogée à ce sujet, la police cantonale bernoise se contente de répondre que l'adoption de mesures de protection dépend de chaque cas.
La condition préalable à l'anonymisation est que la personne concernée soit exposée à un danger considérable pour sa vie ou son intégrité corporelle, ou à tout autre inconvénient grave sans mesure de protection. «Cela peut être le cas dans les cas graves de violence domestique», explique Jessica Friedli, porte-parole de la police cantonale bernoise.
Beaucoup renoncent à porter plainte
Pour Tamara Funiciello, la législation actuelle est incompréhensible: «Les personnes victimes de violence ne doivent pas être mises encore plus en danger simplement parce que leur adresse se retrouve automatiquement dans les dossiers», dit-elle. Avec la motion, elle veut en outre veiller à ce que les victimes ne renoncent pas à porter plainte par peur de représailles, explique von Falkenstein.
Une étude de GFS Berne datant de 2019 montre que seules environ 10% des femmes qui ont subi des violences sexuelles l'ont signalé à la police. Seules 8% ont déposé une plainte pénale. Les raisons de cette situation sont multiples. Funiciello et von Falkenstein veulent au moins éliminer celles qui font du dépôt de plainte un risque en soi.