Happy Halloween!
Ce que la fascination (ou l'aversion) pour l'horreur dit de votre personnalité

Dans un monde pourtant violent et terrifiant, la fête d'Halloween connaît un succès croissant, même en Suisse. Une psychologue spécialisée dans les émotions nous explique ce qu'un penchant pour l'horreur peut révéler de notre personnalité.
Publié: 05:29 heures
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En grandissant, les enfants comprennent que tout n’est pas réel et peuvent développer le plaisir de «jouer à se faire peur».
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

A l'approche d'Halloween, juste avant l'invasion précoce des sapins de Noël, de nombreux magasins suisses se sont tapissés de toiles d'araignée de chauves-souris velues. Certains établissements choisissent même d'installer ces décorations au beau milieu du rayon enfants. Et cela fonctionne! Devant les masques horrifiques et accessoires en plastique «ensanglantés», on peut repérer des rangées de très jeunes clients, complètement surexcités. 

Le phénomène peut sembler absurde: dans un monde déjà suffisamment violent, d'où vient cette fascination pour l'horreur, le gore et la peur? Il s'avère que l'influence américaine boostée par le succès de la charismatique Mercredi Addams n'est pas la seule raison du regain de popularité d'Halloween, en Europe. D'après la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et psychothérapie FSP spécialisée en thérapie centrée sur les émotions, il existe une explication qui en dit long sur notre personnalité. 

Avez-vous un penchant pour la peur?

A noter qu'en termes d'horreur, deux clans s'opposent: celui des amateurs de frissons qui se ruent sur le dernier thriller psychologique et le savourent sans le moindre sursaut. Et celui des «âmes sensibles» qui tremblent à la première apparition d'un zombie (même ceux du dessin animé Scooby-Doo, croyez-moi).

Si vous appartenez au club des fans d'adrénaline, sachez que cela n'indique pas une immunité à la terreur. En effet, d'après notre experte, la capacité à apprécier le sentiment de peur est conditionnée par un contexte et un cadre sécurisants: «On a conscience qu'il est possible de garder le contrôle, d'éteindre le film, de quitter la soirée d’Halloween, de retirer le masque… Les personnes qui apprécient l'horreur savent qu’elles ne sont pas prisonnières de la situation, ce qui leur permet d’en profiter, sans être tétanisées.» 

Une forte «ouverture d'esprit» chez les fans d'horreur

Cela révèle, en outre la prévalence d'un trait de personnalité spécifique, selon la théorie des Big Five. En bref, nos caractères seraient comparables à des palettes composées de cinq couleurs différentes, mais présentes dans des quantités plus ou moins élevées, ce qui expliquerait les attributs uniques de chacun: car la répartition et la dominance de ces traits n'est évidemment pas la même chez tout le monde.

Parmi ces cinq caractéristiques érigées par cette théorie, on trouve notamment l'ouverture d'esprit, la conscience, l'extraversion, l'agréabilité (très haute chez les people pleasers) et le névrosisme (ou la propension à ressentir les émotions négatives). D'après Catalina Woldarsky, les amateurs d'horreur présentent souvent un haut score dans la catégorie «ouverture d'esprit».

«Ce trait est très développé chez les individus qui recherchent l’adrénaline, des sensations fortes et aiment repousser leurs limites, indique-t-elle. En revanche, les personnes pour lesquelles ce trait est peu développé ne trouveront aucun plaisir dans la quête d’aventure et de nouvelles sensations.» 

Une fascination pour les limites de l'humanité

Si le plaisir de ce «coups d'adrénaline» est purement physique, il existe également un réflexe mental qui pourrait expliquer notre fascination pour les scénarios les plus épouvantables: la curiosité.

«Sur le plan psychologique, on brûle de comprendre les motifs du psychopathe apparaissant dans les films ou les livres d’horreur, comme si on cherchait à saisir les limites de l’humanité dans ce qu’elle a de plus terrifiant, analyse la spécialiste. Face à ce type de narratif, on cherche le côté sombre de la psyché, le ‘pourquoi’ et le ‘comment’ de ces scénarios monstrueux. Cela peut aussi expliquer, chez certaines personnes, l’attrait pour les commérages ou la téléréalité: on ne peut se contenter des informations de base, on veut tout savoir. Et cette curiosité naturelle est profondément ancrée dans notre humanité.»

La capacité à distinguer le vrai du faux

Cette curiosité se présente d'ailleurs chez les enfants, dès qu'ils deviennent suffisamment âgés pour réussir à intégrer le fait que certains éléments ne sont pas réels, qu’on peut «jouer à se faire peur» ou endosser un rôle «pour de faux». 

Catalina Woldarsky poursuit: «Dès ce moment-là, ils peuvent ressentir une sorte de curiosité, impensable pour les plus petits, qui ne parviennent pas encore à distinguer le réel de la fiction et se sentent donc terrifiés. Sans oublier le côté interdit de certains films d’horreur, considérés trop violents pour les enfants, qui les rendent d’autant plus mystérieux et fascinants.» 

En revanche, si un enfant est affolé devant un costume ou un décor d'Halloween, notre intervenante recommande de valider cette émotion, sans l'accuser d’être «peureux» ou l’obliger à quitter sa zone de confort: «Le fait de lui infliger cette pression pourrait susciter une réaction de 'fight or flight' («lutte ou fuis!»), laissant l’enfant figé dans sa peur. Cela risque de lui apprendre qu’il doit supporter des situations inconfortables pour satisfaire les adultes qui l’entourent.»

Et si on hait l'horreur? C'est le signe d'une grande empathie!

Car pas tous les enfants, ni tous les adultes, n'ont envie de se déguiser en loup-garou hirsute pour le 31 octobre. A nouveau, nous ne sommes pas toutes et tous égaux sur cette palette de traits de personnalité. La preuve: certains d'entre nous hyperventilent d'avance à l'idée de regarder un thriller.

«
Un penchant pour les films d'horreur implique une capacité à se détacher de la situation
Catalina Woldarsky, psychologue et psychothérapie FSP
»

«Un penchant pour les films d'horreur implique une capacité à se détacher de la situation, note Cataline Woldarsky. Certaines personnes sont trop sensibles et empathiques pour y parvenir et auront donc plus de mal à prendre du recul. Devant un film d’horreur, elles tendent à plonger automatiquement dans des projections concernant la peur ou la douleur des personnages, sans parvenir à garder en tête qu’il ne s’agit que d’un scénario fictif. Ce type de contenu s’avère très stressant pour elles.»

Une interprétation différente du stress

Au niveau du corps, la réaction est toutefois identique chez tout le monde: cette fameuse décharge d'adrénaline est ressentie par les fans d'horreur comme par les phobiques d'Halloween. C'est leur manière de l'interpréter qui diffère. 

Catalina Woldarsky nous éclaire: «Rappelons que toutes ces sensations qu’on décrit comme étant de la peur, du trac, de la curiosité, du suspense, de l’impatience ou même des 'papillons dans le ventre' sont en réalité basées sur la même réaction physiologique: le stress! La différence entre les personnes qui adorent les films d’horreur et celles qui les détestent est la capacité à vivre différemment ce stress: leur cerveau l’interprète comme du plaisir, ce qui n’est pas le cas des personnes dotées d’importantes capacités empathiques.»

Ainsi, ne vous forcez jamais à regarder un film d'horreur, si l'expérience risque de vous faire souffrir. Et si on vous accuse d'être peureuse ou peureux, il vous suffira de répliquer: «Non, c'est juste mon excès d'empathie!»

Les hommes cis, plus fans de l'horreur?

Loin de nous l'idée d'émettre des généralités, surtout lorsqu'il s'agit de limiter l'empathie ou la sensibilité aux femmes. Mais la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et psychothérapie FSP spécialisée en thérapie centrée sur les émotions constate toutefois une distinction intéressante entre les genres: 

«Il me semble qu’on peut lier certains privilèges sociaux accordés aux hommes à un attrait pour l’horreur, qui semble plus proéminent chez ces derniers, remarque-t-elle. En effet, les femmes ont entendu toute leur vie qu’il ‘faut faire attention’, qu’il est dangereux de rentrer seule dans le noir, qu’elles sont vulnérables… Sans oublier certains traumas, agressions ou situations de harcèlement qui peuvent devenir des ‘déclencheurs’ et ôter toute nuance de plaisir des contenus ou thrillers basés sur ces types de scénarios.»

Pour cette raison, ne vous forcez jamais à consommer du contenu horrifique ou qui pourrait représenter un trigger pour vous. Et si vous ressentez une angoisse ou une peur fréquente qui impacte votre qualité de vie, n'hésitez jamais à demander de l'aide à une ou un thérapeute. 

Loin de nous l'idée d'émettre des généralités, surtout lorsqu'il s'agit de limiter l'empathie ou la sensibilité aux femmes. Mais la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et psychothérapie FSP spécialisée en thérapie centrée sur les émotions constate toutefois une distinction intéressante entre les genres: 

«Il me semble qu’on peut lier certains privilèges sociaux accordés aux hommes à un attrait pour l’horreur, qui semble plus proéminent chez ces derniers, remarque-t-elle. En effet, les femmes ont entendu toute leur vie qu’il ‘faut faire attention’, qu’il est dangereux de rentrer seule dans le noir, qu’elles sont vulnérables… Sans oublier certains traumas, agressions ou situations de harcèlement qui peuvent devenir des ‘déclencheurs’ et ôter toute nuance de plaisir des contenus ou thrillers basés sur ces types de scénarios.»

Pour cette raison, ne vous forcez jamais à consommer du contenu horrifique ou qui pourrait représenter un trigger pour vous. Et si vous ressentez une angoisse ou une peur fréquente qui impacte votre qualité de vie, n'hésitez jamais à demander de l'aide à une ou un thérapeute. 

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