L'ex-Premier ministre israélien veut parler à Ignazio Cassis
Ehud Olmert: «La Suisse devrait s'engager plus activement pour la paix»

Bien que la paix semble déjà mise à mal au Moyen-Orient, le monde arabe s'est lancé dans un bras de fer concernant l'avenir du Hamas. L'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert appelle l'Europe à redoubler d'efforts diplomatiques. Notamment la Suisse.
Publié: 14:39 heures
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En Egypte, le président américain a été célébré pour son initiative au Proche-Orient.
Photo: DUKAS
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Lino Schaeren

La manière avec laquelle le président américain Donald Trump a célébré, cette semaine à Charm el-Cheikh, la «paix éternelle» au Proche-Orient était tout sauf normale. Alors qu'il signait l'accord entre Israël et le Hamas avec les dirigeants de l'Egypte, du Qatar et de la Turquie, les Européens n'ont pas eu leur mot à dire.

Plus étonnant encore, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu était absent – un rapprochement avec les dirigeants arabes aurait fait exploser sa coalition de droite. Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman et le président émirati Muhammad Bin Zayid al-Nahyan n'avaient, eux non plus, pas fait le déplacement jusqu'en Egypte. Pourtant, tous deux sont des acteurs clés pour le futur de Gaza.

L'Egypte a besoin des Saoudiens et des Emiratis

Au Moyen-Orient, les intérêts divergent fortement après la conclusion d'un accord sur Gaza. Le Qatar et la Turquie soutiennent le Hamas, tandis que l'Egypte, l'Arabie saoudite et les Emirats veulent le priver de son pouvoir. «La grande question est de savoir si l'Arabie saoudite et les Emirats vont soutenir politiquement et financièrement l'Egypte pour maintenir le Hamas à une petite échelle», explique Ghaith al-Omari du Washington Institute. Ce Palestinien était autrefois conseiller et négociateur pour Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne (AP).

Le Hamas a montré cette semaine qu'il ne disparaîtra pas facilement. A Gaza, il a fait exécuter des collaborateurs présumés. «Plus nous attendons pour trouver une alternative, plus il sera difficile de l'éliminer», prévient l'ex-négociateur palestinien. «C'est une course contre-la-montre.»

Le Hamas l'a bien compris. D'ailleurs, les nouvelles frappes israéliennes de ce dimanche 19 octobre dans la bande de Gaza pourraient non seulement marquer la fin de la trêve obtenue par Donald Trump, mais elles pourraient également acter la survie du mouvement islamiste. 

Et pour cause. Le plan Trump pour la paix prévoyait peu ou prou la fin du Hamas: un gouvernement de technocrates sous supervision internationale devait être mis en place afin de combler le vide qu'aurait été créé par le départ du mouvement. En Cisjordanie, l'Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas et son parti, le Fatah, devait, elle, prendre le relais à moyen terme.

Plus de «rente de martyr»

L'Autorité palestinienne avait d'ailleurs pris la précaution de mettre fin à la controversée «rente de martyr». Il s'agissait de versements aux terroristes ou à leurs familles en cas de mort, de blessure ou de captivité. Mais ce geste symbolique ne suffit pas: l'Autorité palestinienne est considérée comme antidémocratique, corrompue et faiblement dirigée. Le président Mahmoud Abbas a été élu pour quatre ans, et fêtera ses 20 ans de mandat en 2025 sans jamais s'être présenté à une élection populaire.

Cela fait bien longtemps que l'Autorité palestinienne a perdu le soutien des Palestiniens. Au lieu de cela, c'est justement le Hamas qui a massivement gagné en popularité en Cisjordanie au cours des deux dernières années. Ce, alors qu'il n'a presque plus de défenseurs parmi la population civile encore présente dans la bande de Gaza, dévastée.

Selon Ghaith al-Omari du Washington Institute, les habitants de Cisjordanie soutiennent le Hamas car ils sont en colère contre l'autorité palestinienne. «Ils voient uniquement le message politique du Hamas, mais n'ont jamais fait l'expérience personnelle de la souffrance qu'il engendre.» L'expert du Moyen-Orient en est convaincu: l'Autorité palestinienne ne pourra regagner la confiance de la population qu'avec un nouveau personnel et une réforme globale. Le président à long terme Mahmoud Abbas semble l'avoir reconnu, du moins en partie.

Amnistie pour les opposants au sein du parti

Sous la pression arabe, Mahmoud Abbas a récemment proposé l'amnistie à ses opposants au sein du parti. Parmi eux: Nasser al-Kidwa, neveu du légendaire Yasser Arafat, ancien ministre des Affaires étrangères et ex-ambassadeur à l'ONU, qui est revenu il y a quelques jours après quatre ans d'exil en France et a appelé à «s'attaquer sérieusement à la corruption».

Avec l'ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert, Nasser Al-Kidwa avait déjà présenté un plan de paix basé sur une solution à deux Etats. Aujourd'hui, il doit à nouveau jouer un rôle important à Ramallah. Dans un entretien accordé à Blick, l'ancien Premier ministre israélien a salué le retour de Nasser al-Kidwa, évoquant un «signal important».

Ehud Olmert, farouche opposant de Benjamin Netanyahu, accuse Israël de crimes de guerre à Gaza et en Cisjordanie. L'accord conclu par Trump, dit-il, aurait déjà pu être possible il y a un an et demi: «Seul Trump a forcé Netanyahu à céder». Selon lui, il ne peut toutefois pas être question de «paix éternelle», comme s'en vante le président américain. Les frappes de dimanche semblent lui donner raison.

«Les services suisses reconnus dans le monde entier»

Mais Trump ne fait pas tout, selon Ehud Olmert, qui affirme que l'Europe doit également davantage s'impliquer. Il critique notamment l'attitude réservée de la Confédération. «La Suisse peut et devrait s'engager plus activement pour une solution politique», déclare l'ex-Premier ministre israélien. Ses bons offices sont «reconnus dans le monde entier», explique-t-il. «Je serais plus qu'heureux si al-Kidwa et moi-même pouvions présenter notre plan pour une solution à deux Etats au ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis.»

Ghaith al-Omari croit lui aussi à la solution à deux Etats – mais sans Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas au pouvoir. Il conseille néanmoins à l'Autorité palestinienne de se positionner comme si la proclamation de la Palestine était imminente. Pour lui, «la paix n'est pas seulement une question de diplomatie, mais de réalité.»

Ce n'est que lorsque les Palestiniens mettront en place des institutions qui fonctionnent et qui peuvent garantir la stabilité ainsi que la sécurité, que les Israéliens ne pourront plus éviter un Etat palestinien, estime Ehud Olmerd. Là seulement, les deux parties consentiront à une «paix éternelle».

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