Une vague de faillites en Suisse
Les dix pièges fatals dans lesquels tombent les restaurateurs

Plus de 900 restaurants ont déjà fait faillite en Suisse cette année. L'expert en gastronomie Daniel Marbot explique quelles sont les erreurs les plus fréquentes commises par les restaurateurs, et comment les éviter.
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«De nombreux restaurants veulent plaire à tout le monde et se dispersent», critique l'expert en gastronomie, Daniel Marbot.
Photo: DR
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Patrik Berger

La gastronomie suisse est en crise. Semaine après semaine, des restaurants mettent la clé sous la porte. Pour l'expert en restauration Daniel Marbot, une chose est claire: «Ce que nous vivons actuellement n'est pas une année de crise isolée, mais un changement structurel profond qui est désormais visible», déclare le propriétaire de la société Gemasy dans une interview accordée à Blick.

Daniel Marbot conseille depuis près de 30 ans des entreprises de restauration et des investisseurs dans toute la Suisse et en Allemagne, allant du petit bistrot de quartier aux établissements haut de gamme. Il en arrive à la conclusion suivante: «De nombreux restaurants n'échouent pas à cause de leur cuisine, mais par manque de clarté dans la gestion, les chiffres et le concept.» La perte financière n'est pas brutale, mais progressive. «Ils perdent de l'argent en silence. Tous les jours», explique l'expert.

Selon lui, les restaurateurs commettent fréquemment les mêmes erreurs avant de tomber en faillite. Daniel Marbot a accepté de se prêter à l'exercice pour Blick: il a compilé les plus gros pièges dans lequel tombent les restaurateurs suisses, et propose des solutions pour les éviter. 

1

Les restaurateurs ne connaissent pas leurs chiffres

De nombreux restaurateurs ne réalisent qu'en fin de mois à quel point leur situation est critique et que leur activité ne leur permet pas de s'en sortir. Mais il est souvent trop tard. Celui qui ne suit pas quotidiennement les coûts des marchandises et du personnel, et qui ignore le bénéfice réel de chaque plat vendu, ne pourra pas réagir lorsque la situation se détériore. Il perdra donc de l’argent jour après jour. 

2

On ne peut pas plaire à tout le monde

L'une des plus grosses erreurs des restaurateurs est de vouloir plaire à tout le monde. Ils proposent donc des cartes trop grandes, sans identité, entraînant des coûts de stockage élevés. Par ailleurs, une offre trop large génère beaucoup de déchets et demande une organisation irréprochable en cuisine et en salle. Seuls ceux qui proposent un menu réfléchi se distinguent de la masse.

3

Le menu est mal utilisé

Le menu n'est pas qu'une simple feuille d'information, mais un argument de vente central. La carte doit donc être conçue avec amour. L'ordre des plats sur la carte, leur description et bien sûr le prix va déterminer le choix des clients. De nombreux restaurateurs n'en sont pas conscients et perdent chaque jour de l'argent. 

4

Il y a trop de déchets

Dans les cuisines suisses, on gaspille trop. Jeter des denrées alimentaires équivaut à jeter de l'argent liquide à la poubelle. Les pertes surviennent à différents niveaux: à l'achat, pendant le stockage, lors du service des portions et avec les restes. Ce qui finit à la poubelle se répercute irrévocablement sur les comptes.

5

Le manque de personnel qualifié est sous-estimé

Trouver du personnel qualifié est un vrai défi dans le milieu de la restauration, en cuisine comme au service. Et ce n'est que le début. Au cours des dix prochaines années, on estime que 30% des collaborateurs actuels vont partir à la retraite. Conséquence: les établissements qui ne se présentent pas comme des employeurs attractifs, équitables et modernes, risquent de ne plus disposer d'équipe stable. Et finiront par disparaître.

6

Les clients ne sont pas assez choyés

De nombreux restaurateurs tablent trop sur des prix bas pour rester compétitifs. Mais en réalité, c'est une erreur coûteuse. Certes, les clients sont sensibles au prix, mais cela ne fait pas tout. Se constituer une clientèle fidèle est en revanche essentiel: les habitués reviennent, pardonnent les erreurs et amènent de nouveaux clients. Tout miser sur le prix n'est pas une stratégie gagnante, car un concurrent meilleur marché peut facilement émerger. En somme, seuls les restaurants avec des habitués, et qui traitent leurs clients aux petits oignons, peuvent s'installer dans la durée.

7

Pas assez de structure et leadership

Les restaurateurs suisses ont souvent le cœur sur la main et dirigent leur équipe avec bienveillance. Mais ils oublient que la seule motivation ne suffit pas à diriger un établissement. En matière de gestion des collaborateurs, un chef doit allier générosité et esprit. Les équipes ont besoin d’orientation, de priorités et de décisions claires. Sans structure, l’incertitude s’installe, ce qui se traduit par une perte de qualité, d’argent et d’énergie.

8

Gagner de l'argent n'est pas immoral

Il ne faut jamais perdre de vue les chiffres. Et ne pas avoir honte de gagner de l'argent! Seules les entreprises avec des finances saines peuvent verser des salaires décents, investir, former des jeunes et tenir à long terme. 

9

Un manque de stratégie à long terme

De nombreuses entreprises ne savent pas vraiment où elles vont. Les décisions sont alors prises au jour le jour, à l'instinct. Elles ne reposent pas sur un concept et une stratégie claire. Les conséquences sont alors désastreuses: il en résulte de fausses attentes et de mauvais investissements, engendrant des difficultés économiques.

10

Une fausse peur de la numérisation

Encore aujourd'hui, de nombreux restaurants fonctionnent sans outils numériques, sans programmes qui couvrent tous les domaines. Cela s'avère fatal, car il manque ainsi d'importantes possibilités de comparaison et d'évaluation. Or, en l'absence de ces données, il devient presque impossible d'ajuster rapidement les activités quotidiennes. La numérisation n'est plus un luxe depuis longtemps, mais une condition incontournable pour gérer une entreprise de façon efficace.


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