Elisabeth Baume-Schneider défend sa réforme de l'AVS
«Le peuple ne veut pas d’un relèvement de l’âge de la retraite»

La prochaine grande réforme de l'AVS se profile déjà pour Elisabeth Baume-Schneider. 2030, c'est presque demain et la conseillère fédérale réfléchit déjà au meilleur moyen de surmonter la vague de départs à la retraite qui s'annonce.
Publié: 23.05.2025 à 06:14 heures
|
Dernière mise à jour: 23.05.2025 à 13:32 heures
Elisabeth Baume-Schneider fait un point sur ses objectifs.
Photo: KEYSTONE
Lucien Fluri

L’AVS est en pleine mutation sur de nombreux fronts. La conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider planifie déjà la prochaine grande réforme de l’AVS pour 2030. Elle veut surtout surmonter la vague de départs à la retraite de la génération du baby-boom grâce à des recettes supplémentaires.

La ministre des Affaires sociales a accueilli Blick avec sa bonne humeur pour une tasse de café dans son département. Elle explique pourquoi elle ne touche pas au relèvement de l’âge de la retraite pour la réforme à venir.

Elisabeth Baume-Schneider, vous avez besoin de beaucoup d’argent supplémentaire pour l’AVS, le ministre de la Défense Martin Pfister en nécessite aussi beaucoup pour l’armée. Vous êtes-vous déjà disputée avec votre nouveau collègue?
Non, absolument pas. L’argent est toujours un sujet en politique, presque toutes les décisions politiques nécessitent de l’argent, de l’AVS à la formation et la recherche, en passant par l’environnement ou l’armée. Bien sûr, chaque conseiller fédéral essaie de mettre en avant son thème, mais au final, nous portons la responsabilité ensemble.

Cela signifie que Martin Pfister, en tant que «novice», s’est bien intégré dans le Conseil fédéral?
(rires) Il a 61 ans et beaucoup d’expérience en tant que politicien exécutif. Le mot «novice» n’est donc peut-être pas le bon. Mais oui, la collaboration fonctionne bien.

Vous venez de présenter les grandes lignes de la réforme de l’AVS, mais les critiques sont déjà massives. Le président du PLR, Thierry Burkart, assène déjà un prix: la réforme coûtera 3000 francs par an à chaque ménage.
Cette affirmation est fausse. La vague démographique provoquée par l’arrivée à la retraite des baby-boomers devrait coûter entre 3 à 4 milliards de francs par an. Bien moins que ce que prétend le PLR. Mais oui, nous avons besoin de cet argent pour pouvoir verser les rentes. Les baby-boomers ont travaillé toute leur vie, ont contribué à notre prospérité et ont cotisé à l’AVS. Ils ont droit à une rente. Et en tant que société, nous avons la responsabilité de veiller à ce que l’AVS reste en bonne santé. C’est ce que nous faisons avec cette réforme.

Vous parlez d’une réforme. Mais ce mot n’est-il pas exagéré? Vous ne présentez pas une réforme structurelle, vous demandez simplement plus d’argent.
Il ne s’agit certainement pas d’une réforme structurelle profonde. Mais elle est nécessaire pour assurer le financement de l’AVS.

Mais pour l’instant, vous choisissez la voie la plus facile et vous couvrez le problème avec beaucoup d’argent.
Ce n’est pas la voie de la facilité, mais celle qui correspond le mieux à notre culture politique. Le Conseil fédéral a écouté le peuple et a choisi des mesures qui ont des chances de passer dans les urnes. Nous savons que le peuple ne veut pas d’un démantèlement des rentes ni d’un relèvement de l’âge de la retraite. Et nous ne pouvons pas attendre, car en plus de la vague démographique, il faudra encore financer la 13e rente et celle-ci coûtera quatre milliards de francs supplémentaires par an à partir de 2026.

«
Nous devons d’abord financer la 13e rente AVS et la vague démographique, qui atteindra son apogée après 2030
»

Pourquoi manquez-vous de courage pour un changement structurel tel que le relèvement de l’âge de la retraite?
Ce n’est pas le courage qui nous manque mais des éléments clés pour aller dans cette direction! Au lieu de simplement relever l’âge de la retraite pour tous, le Conseil fédéral veut pouvoir proposer des solutions différenciées. Par exemple, le modèle de durée de vie active ou un régime d'exceptions pour les personnes effectuant un travail pénible. Pour cela, nous avons besoin de données qualitatives sur le parcours professionnels des travailleuses et travailleurs. Sont-ils occupés à temps partiel ou à temps plein? Quel travail ont-ils exercé? L’apprentissage a-t-il été suivi d’études? Avec AVS 2030, nous souhaitons créer une base de décision permettant au Conseil fédéral de discuter de solutions alternatives pour l’âge de la retraite lors de la prochaine réforme.

On parle depuis longtemps de réformes de l’AVS. Pourquoi n’y a-t-il pas de données?
De nombreuses informations n’ont pas été collectées jusqu’à présent. Le Conseil fédéral veut désormais changer cela.

Mais cette fois, vous ne collecterez pas les données par fax?
Non, rassurez-vous. D'ailleurs, vous ne distribuez pas non plus votre journal avec des diligences! (rires)

Combien de temps peut-on encore repousser la question de l'âge de la retraite?
Le Conseil fédéral ne veut pas la repousser. Mais nous devons d’abord comprendre ce que cela apporte. Relever l'âge de la retraite pour tous est-il judicieux ou faudrait-il davantage miser sur une alternative, comme un modèle qui prenne en compte les années passées à travailler? Le Conseil fédéral veut pouvoir mener cette discussion en toute connaissance de cause lors de la prochaine réforme.

Quand pensez-vous qu’elle aura lieu? En 2035 ou plutôt en 2040?
Nous devons d’abord financer la 13e rente AVS et la vague démographique, qui atteindra son apogée après 2030. Nous misons sur des mesures susceptibles de recueillir une majorité et pouvant être mises en œuvre rapidement, afin que l’AVS ne connaisse pas de difficultés financières maintenant. Mais le Conseil fédéral ne se contente pas d’attendre. Dès que l’AVS 2030 sera en vigueur, probablement dans cinq ans environ, les travaux sur la prochaine réforme commenceront. Cela ira plus vite que vous ne le pensez.

Pour le financement, vous misez de manière peu fantaisiste sur les déductions salariales et la TVA. Pourquoi n’êtes-vous pas plus audacieux – avec un impôt sur les successions, un impôt sur les gains immobiliers ou même un impôt sur le numérique?
La fantaisie est quelque chose de sympathique, oui. Mais le Conseil fédéral n’est pas un laboratoire. Nous avons besoin de solutions viables. Quelqu’un a proposé un impôt sur l’IA pour financer l’AVS. Cela semble intéressant. Mais comment cet impôt serait-il prélevé? Qui le paierait? Serait-il susceptible de recueillir une majorité? Il y aurait de très nombreuses questions à résoudre. Et cela demanderait du temps, ce que nous n’avons malheureusement pas.

«
Personne ne conteste que la situation actuelle est un problème pour les bas salaires ou les personnes travaillant à temps partiel
»

L’AVS deviendra-t-elle encore plus «irréformable» avec la vague des baby-boomers, parce que ce sont avant tout les plus âgés qui iront voter et qui imposeront leurs intérêts?
Nous ne devons pas monter les générations les unes contre les autres. Les personnes âgées sont responsables et très soucieuses de la qualité de vie des jeunes. Inversement, les jeunes sont reconnaissants pour les prestations de la génération précédente. Ce pacte reste d’actualité.

Pour AVS 2030, vous examinez si la compensation automatique du renchérissement des rentes doit être maintenue. Les seniors doivent-ils se faire du souci pour l'adaptation régulière de leurs rentes AVS au coût de la vie?
Actuellement, cette crainte n'est pas justifiée. Le Conseil fédéral veut examiner la mise en place d'un mécanisme, dont le but serait de générer des recettes supplémentaires, de manière automatique, si le fond AVS – qui assure le versement des rentes – tombe au-dessous d’un seuil critique. Dans ce scénario extrême, une suspension temporaire de la compensation du renchérissement pourrait être demandée. Pour l’instant, nous étudions les avantages et les inconvénients d’une telle solution.

Un point délicat: vous souhaitez également créer des incitations pour réduire l'intérêt d'une retraite anticipée. Le Conseil fédéral veut empêcher les gens de travailler moins longtemps?
Pour nous, les incitations positives sont au premier plan, comme par exemple des montants exonérés plus élevés pour ceux qui souhaitent travailler au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. Nous examinons également les possibilités de formation continue pour que les personnes restent plus longtemps dans la vie active. Et oui, nous allons aussi nous pencher sur les taux de réduction pour le versement anticipé de l’AVS.

L’AVS domine actuellement le débat sur les retraites. Qu’en est-il de la prévoyance professionnelle?
Personne ne conteste que la situation actuelle est un problème pour les bas salaires, pour les personnes travaillant à temps partiel ou pour celles qui exercent plusieurs activités professionnelles. Tout le monde en est conscient. Mais après l’échec de trois réformes, il est compréhensible que les différents acteurs veuillent prendre le temps de la réflexion.

Vous laissez donc un nouveau départ à votre successeur?
Je vais peut-être commencer un nouveau projet. Mais dire aujourd’hui quand il sera prêt n'est pas possible: dans la prévoyance vieillesse, les réformes demandent beaucoup de temps et beaucoup de patience.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la