Martina Bircher (UDC), ministre de la formation en Argovie
«Améliore-t-on la compréhension en Suisse si on torture des enfants avec du français?»

Interdiction des téléphones portables, balbutiements de français ou école inclusive: l'UDC Martina Bircher met sa patte sur l'éducation en Argovie. Ses inquiétudes? Les élèves qui portent toujours des couches et qui ne s'en sortent ni en français, ni en allemand.
Publié: 20:00 heures
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Dernière mise à jour: 20:01 heures
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Depuis le début de l'année, Martina Bircher (UDC) est conseillère d'Etat argovienne. Son bureau est de plus en plus confortable.
Photo: Kim Niederhauser
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Léo Michoud, Lucien Fluri et Kim Niederhauser

C’est déjà la rentrée pour plein d’enfants suisses! Du moins en Argovie et dans d’autres cantons alémaniques. Côté romand, ce sera plutôt lundi prochain 18 août, voire un peu plus tard à Fribourg.

En ce lundi 11 août, la conseillère d’Etat argovienne Martina Bircher – ministre de l'Union démocratique du centre (UDC) d’un département de la formation généralement géré par la gauche – a partagé avec Blick ses inquiétudes sur le niveau d’éducation des jeunes Alémaniques. Elle aussi, fait sa première rentrée en tant que responsable de l’école.

En place depuis six mois, la politicienne n’a pas tardé à mettre en place sa vision conservatrice de l’éducation: interdiction des smartphones, réintroduction des notes dès la 3e année, retour à des classes spécialisées plutôt qu’école inclusive. Elle se positionne aussi fermement sur le débat quant à l’apprentissage du français en Suisse alémanique.

Des Alémaniques médiocres en français

Pour l’élue UDC, c’est un problème à trois axes: l’apprentissage des langues nationales, l’école inclusive et les connaissances de base à la petite enfance. «Nous avons un problème de langue, observe Martina Bircher. Seule près de la moitié des élèves du secondaire maîtrisent les compétences de base en allemand après la 9e année. Et en français, les résultats sont catastrophiques.»

Selon ses chiffres, seuls 7% des élèves argoviens du secondaire ont un niveau suffisant en français. «Soyons honnêtes: ce n’est pas parce que le français est au programme que les enfants l’apprennent réellement.» Elle envisagerait même de supprimer la langue de Molière – et de Guy Parmelin – du programme, du moins dans certains cas.

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Améliore-t-on réellement l'harmonie entre Suisse romande et alémanique si on torture des enfants avec du français?
Martina Bircher (UDC), conseillère d'Etat argovienne chargée de la formation
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«Le français est requis pour la maturité et pour certains apprentissages, mais pas pour d’autres. Il faudrait écouter les entreprises qui forment les apprentis, les écoles professionnelles et les gymnases au lieu de passer à côté de la réalité en politisant un débat linguistique interne à la Suisse.» Et l’Argovienne de poser cette question rhétorique qui en dit long sur l’appréciation du français outre-Sarine: «Améliore-t-on réellement l'harmonie entre Suisse romande et alémanique si on torture des enfants avec du français, une langue dont ils n’auront jamais besoin plus tard?»

Inclusivité à l’école? «Nein!»

Pour elle, l’inclusion appliquée à l’école est «un problème majeur». Raison pour laquelle elle a décidé de réintroduire de nombreuses classes spécialisées. «Ma devise, c’est 'Chaque enfant dans la bonne classe, au bon moment'. Pour moi, l’inclusion signifie que tous les enfants vont dans la même école, mais pas nécessairement dans la même classe.» Sur ce sujet, très politique, elle observe «une certaine polarisation»: «Mais il ne devrait pas s’agir de gauche ou de droite. Pour moi et une grande partie des enseignants, le plus important c’est la cause, c’est-à-dire les enfants.»

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Les parents issus de l’immigration élèvent leurs enfants dans leur langue maternelle et estiment qu’ils apprendront l’allemand 'bien assez tôt'
Martina Bircher (UDC), conseillère d'Etat argovienne chargée de la formation
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Dernier chantier: les connaissances de base à l’arrivée à l’école. «Sur les premières années, on voit de plus en plus d’enfants qui ne savent pas parler allemand lorsqu’ils arrivent à l’école maternelle». Elle souligne le cas des enfants de parents issus de l’immigration. «Ils élèvent leurs enfants dans leur langue maternelle selon le principe qui veut qu’ils apprendront l’allemand 'bien assez tôt'.»

Même si elle préférerait que l’apprentissage des fondamentaux se fasse en garderie, la ministre UDC se verrait bien instaurer des classes spécialisées dès le plus jeune âge. «Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, vingt enfants qui ne savaient rien de l’allemand ont débarqué à l’école d’Aarburg. Ils ont fait classe séparée pendant six mois. Ça a super bien fonctionné.»

Des solutions pour avoir les bases

Seconde solution: faire directement redoubler leur enfantine à ceux qui n’ont pas les bases. «Il y a tout simplement des enfants qui, à la fin du jardin d’enfants, ne sont pas encore prêts pour la première classe. Ce n’est pas qu’une question d’allemand, on en voit aussi qui portent encore des couches.» Martina Bircher redouble d’exemples: «Nous devons intensifier notre travail éducatif et compenser les lacunes de leurs parents. Les enfants ne savent plus se servir de ciseaux ou n’ont jamais été en forêt.»

Son objectif? «Intervenir» le plus tôt possible par «un travail d’information auprès des parents», grâce à un service de conseil parental à domicile. Une étonnante intrusion étatique dans la vie privée des parents, pour celle qui se décrit comme une libérale. 

«Je suis pour la responsabilité individuelle. Mais quand certains enfants manquent cruellement d’éducation, on arrive à un point où il faut agir», assène celle qui regrette voir des parents mettre des enfants d’un an devant les écrans. «Il ne faut pas s’étonner si leurs enfants présentent des troubles de la parole à l’entrée en enfantine.»

A un poste que son propre parti attaque régulièrement, car souvent tenu par un élu de gauche, elle assure pouvoir travailler avec tout le monde. «Nous avons tous le même objectif, à savoir accompagner au mieux les enfants tout au long de leur scolarité». Pour Martina Bircher, cette rentrée a une saveur particulière pour une autre raison: son fils fait ses premiers pas dans un système éducatif qui porte la marque de sa maman.

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